TOUT COMPRENDRE - Israël-Liban: pourquoi la communauté internationale s'inquiète d'un embrasement régional

Une possible escalade? Ce jeudi 27 juin, Israël menace le Liban, affirmant être en capacité de causer "d'énormes dégâts" à son voisin, tout en disant "ne pas vouloir" déclencher une guerre. Cette sortie illustre les tensions grandissantes entre les deux pays, entre bombardements et mises en garde publiques ces dernières semaines, laissant craindre une extension du conflit entre Israël et le Hamas à leurs voisins.

La France se dit ce jeudi "extrêmement préoccupée par la gravité de la situation au Liban, alors que s’intensifient de manière dramatique les violences à la frontière avec Israël" et "appelle toutes les parties à la plus grande retenue".

• Pourquoi une nouvelle flambée de tensions?

Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant adopte ce jeudi un discours offensif à l'égard de son voisin, loin de chercher à apaiser les tensions.

"Le Hezbollah comprend très bien que nous pouvons infliger d'énormes dégâts au Liban si une guerre est lancée", a-t-il lancé à la presse.

"Nous avons la capacité de ramener le Liban à l'Âge de pierre, mais nous ne voulons pas le faire (...) Nous ne voulons pas d'une guerre", affirme-t-il, tout en promettant que le gouvernement israélien "se préparait à tout scénario".

Dimanche, déjà, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait prévenu qu'Israël pourrait "redéployer certaines forces vers le nord", à la frontière avec le Liban, "à des fins défensives", laissant craindre une nouvelle flambée des violences.

Depuis plusieurs semaines déjà, Israël et le Hezbollah multipliaient les menaces par prise de parole interposées. Le 18 juin, notamment, le ministre des Affaires étrangères israélien Israël Katz avait menacé de détruire le Hezbollah et de "toucher durement" le Liban en menant une "guerre totale".

Le lendemain, le chef du Hezbollah avait ensuite averti dans une allocution télévisée qu'"aucun lieu" en Israël ne serait épargné par les missiles de son mouvement, en cas d'attaque contre le Liban.

• D'où part le conflit?

Ces déclarations sont une étape de plus dans une situation déjà difficile. De fait, depuis le 7 octobre, les tensions s'accroissent entre le Liban et Israël.

En octobre dernier, les attaques inédites menées par le Hamas en Israël font 1.195 morts, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, mouvement islamiste qui dirige la bande de Gaza, 37.765 personnes ont été tuées dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël, d'après le dernier décompte de ce jeudi.

En soutien au Hamas, son allié, le Hezbollah, ce mouvement libanais armé et financé par l'Iran, ouvre le front contre Israël dès le 8 octobre. Depuis, le Hezbollah et des groupes alliés échangent régulièrement des tirs transfrontaliers avec Israël.

Sami Abdallah, alias Abou Taleb, un important commandant militaire du Hezbollah a notamment été tué le 11 juin dernier dans une frappe israélienne dans le sud du Liban, selon le mouvement chiite libanais allié du Hamas palestinien.

Au moins 480 personnes ont par ailleurs été tuées au Liban, dont une majorité de combattants du Hezbollah et 93 civils, selon un décompte de l'AFP, dans les violences opposant Israël et le Hezbollah. Côté israélien, au moins 15 soldats et 11 civils ont perdu la vie, selon Israël.

• Quels sont les territoires touchés?

Ces derniers jours, les violences ne connaissent pas de répit. Au Liban, cinq personnes ont notamment été blessées après une frappe aérienne israélienne sur un immeuble dans le sud du pays, selon l'agence officielle libanaise Ani.

Dans le même temps, les bombardements se poursuivent dans la bande de Gaza. Des frappes ont eu lieu dans la nuit de mercredi à ce jeudi dans différents endroits du territoire palestinien. La défense civile fait état d'au moins cinq morts à Gaza-Ville après d'intenses bombardements à l'artillerie et des tirs d'hélicoptères israéliens. Plusieurs bâtiments ont par ailleurs été détruits par les forces israéliennes selon des témoins, et une école a été ciblée à Khan Younès.

Deux personnes ont également été tuées en Syrie dans une frappe israélienne peu avant minuit, a annoncé l'agence officielle Sana en citant une source militaire anonyme. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), la frappe a visé un centre de services d'une fondation affiliée au Hezbollah libanais et à des groupes pro-iraniens, près de la capitale Damas, et pourrait donc avoir un lien avec le conflit entre Israël et le Liban.

Pourquoi l'inquiétude internationale monte?

L'ONU ne cache pas son inquiétude. Son chef des affaires humanitaires, Martin Griffiths, a averti qu'une propagation au Liban de la guerre menée par Israël contre le Hamas aurait des conséquences "potentiellement apocalyptiques".

"Je vois cela comme l'étincelle qui mettra le feu aux poudres", estime-t-il, affirmant que le conflit, s'il implique le Liban "gagnera la Syrie... gagnera les autres (pays)", avec des conséquences "imprévisibles".

Face à cette situation, les États-Unis ont appelé mardi à trouver une solution "diplomatique" aux tensions, redoutant eux aussi les "conséquences désastreuses" qu'entraînerait un nouveau conflit entre Israël et le Hezbollah.

Plusieurs pays étrangers ont par ailleurs exhorté cette semaine leurs ressortissants installés dans la région à quitter le Liban "le plus vite possible". Après le Canada, l'Allemagne a lancé cet appel mercredi.

"Les tensions actuelles dans la zone frontalière avec Israël peuvent s'aggraver à tout moment", assure Berlin, évoquant "un risque accru d'attentats terroristes" dans le pays, qui pourraient viser des étrangers occidentaux ou de grands hôtels.

Le risque d'embrasement du conflit entre Israël et le Hamas concerne déjà le Yémen où le Commandement de l'armée américaine pour le Moyen-Orient a affirmé avoir détruit un "radar" des rebelles Houthis, alliés du Hamas. En cause, la position des Houthis qui ciblent le trafic maritime international en mer Rouge et dans le Golfe d'Aden en "solidarité" avec la population de Gaza.

• Menace réelle d'une extension du conflit ou guerre psychologique?

Les experts sont de leur côté divisés sur la possibilité qu'une guerre éclate véritablement. Elizabeth Sheppard Sellam, maîtresse de conférences à l'université de Tours, spécialiste sécurité et défense, estime que le "crescendo" de violences ces derniers temps laisse penser qu'il existe "des risques de guerre dans les semaines à venir, auprès de BFM Business.

"Je crois que d'ici quelques semaines, nous verrons une opération israélienne au Liban", abonde également auprès de l'Agence France Presse (AFP) Nitzan Nuriel, ancien directeur du département israélien de lutte contre le terrorisme. "Cela va durer des mois", prédit-il.

De son côté, Djilali Benchabane, consultant expert en stratégie et géopolitique, voit plutôt "un rapport psychologique" et "une envie d'en découdre" entre les différents protagonistes, à BFM Business. "On peut aller vers des frictions, mais est-ce qu'on ira vers une guerre totale? Je m'interroge encore".

Israël est "plus intéressé par un cessez-le-feu que par la guerre", surtout s'il est confronté à une campagne sur plusieurs fronts "orchestrée par l'Iran", estime à l'AFP pour sa part Sarit Zehavi, une ancienne responsable du renseignement de l'armée israélienne.

Article original publié sur BFMTV.com