"Boucher de Téhéran", "visage dur de l'Iran": qui était Ebrahim Raïssi, mort dans un crash d'hélicoptère?

Le président iranien Ebrahim Raïssi est mort ce dimanche 19 mai dans un crash d'hélicoptère, ont annoncé les autorités ce lundi. Ultraconservateur, il était à la tête du pays depuis 2021.

Il était pressenti pour devenir le nouveau Guide suprême. Le président iranien Ebrahim Raïssi mort dimanche, ainsi que son ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, dans un crash d'hélicoptère, était au pouvoir depuis 2021. Âgé de 63 ans, il était réputé pour être ultraconservateur et était surnommé le "bourreau", le "boucher de Téhéran" ou encore "le visage dur de l'Iran".

Né en novembre 1960 dans la ville sainte chiite de Machhad, située dans le nord-est de l'Iran, il venait d'une famille religieuse. Il avait perdu son père à l'âge de 5 ans, selon l'agence de presse Reuters. Quelques années plus tard, il avait décidé de suivre ses traces et de devenir clerc. Il étudie alors la religion dans un séminaire de la ville sainte de Qom.

Sur le plan privé, il était marié avec une professeure en sciences de l'éducation à l'université Chahid-Béhechti de Téhéran, Jamileh Alamolhoda, et avait deux filles, toutes deux diplômées de l'enseignement supérieur.

Alors qu'il était encore étudiant, il avait participé aux manifestations pour le renversement du shah d'Iran Mohammad Reza Pahlavi et soutenu l'arrivée au pouvoir de l'ayatollah Khomeiny, dans le cadre de la Révolution islamique en 1979.

Il a débuté sa carrière juridique à seulement 20 ans comme procureur général de Karaj, ville proche de Téhéran, peu après la victoire de la Révolution islamique. Il a gravi ensuite progressivement les échelons du système judiciaire pendant 30 ans. Il a exercé notamment comme procureur général de Téhéran entre 1989 et 1994, comme chef-adjoint de l'Autorité judiciaire de 2004 à 2014, avant de devenir procureur général de l'Iran.

Il a pris ensuite en 2016 la présidence de l'association Astan-é Qods Razavi, une puissante fondation qui gère notamment le mausolée de l'Imam-Réza à Machhad ainsi qu'un immense patrimoine industriel et immobilier.

En tant que procureur, Ebrahim Raïssi avait supervisé l'exécution de centaines de prisonniers politiques en 1988 à Téhéran, selon des associations de défense des droits humains.

D'après Amnesty International, des "comités de la mort", sortes d'inquisitions composées de procureurs, mais aussi de juges religieux qui devaient décider du sort de milliers de détenus dans le cadre de procès arbitraires. L'ONG estime qu'au moins 5.000 personnes ont perdu la vie dans ce cadre.

Des années plus tard, en 2021, alors qu'il était questionné sur ces exactions, il avait affirmé: "si un juge, un procureur, a défendu la sécurité du peuple, il doit être félicité [...]. Je suis fier d'avoir défendu les droits de l'homme dans toutes les fonctions que j'ai occupées jusqu'à présent".

Après s'être présenté une première fois à l'élection présidentielle en 2017, sans succès, il a été élu en 2021, rassemblant près de 62% des voix. Le taux de participation pour ce scrutin était le plus faible de toute l'histoire de la République islamique.

Il avait fait campagne notamment en se présentant comme le champion des classes défavorisées et de la lutte contre la corruption. En devenant président, il a succédé à Hassan Rohani, président modéré et qui ne pouvait plus se représenter après avoir exercé deux mandats consécutifs.

À la tête de l'Iran, il s'est notamment montré ferme dans les négociations nucléaires, considérées comme une opportunité d'obtenir un large allègement des sanctions américaines envers l'Iran, en échange de restrictions modérées sur le nucléaire iranien, selon Reuters.

Sous sa présidence, toutes les branches du pouvoir en Iran sont placées sous le contrôle de partisans de la ligne dure, fidèle à l'ayatollah Ali Khamenei.

Un turban noir toujours vissé sur le crâne et un long manteau religieux sur les épaules, Ebrahim Raïssi occupait lui-même une haute fonction religieuse comme ayatollah. Il était considéré comme l'un des favoris pour être élevé au poste le plus important de la République islamique, celui de Guide suprême. Un poste actuellement occupé par l'influent ayatollah Ali Khamenei, âgé de 85 ans, et dont il a longtemps été le protégé.

Ses difficultés à redresser une économie iranienne en difficulté, sous le coup d'une mauvaise gestion et visées par de lourdes sanctions économiques, ont cependant freiné la popularité d'Ebrahim Raïssi.

Encore ces dernières années, il était le "pilier d'un système qui emprisonne, torture et tue les personnes qui osent critiquer les politiques de l'État", selon Hadi Ghaemi, directeur exécutif du Centre pour les droits de l'homme en Iran (CHRI), organisation de défense des droits humains.

Profondément suspicieux à l'égard de l'Occident, il avait été placé sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés pour "complicité de graves violations des droits humains", des accusations balayées comme nulles et non avenues par les autorités de Téhéran.

Ces derniers mois, alors qu'Israël et le Hamas sont en guerre, Ebrahim Raïssi avait apporté ouvertement son soutien au groupe palestinien et son opposition pour l'État hébreu, ennemi de la République islamique. Il avait notamment défendu la lourde attaque de drones et de missiles lancée par l'Iran le 13 avril contre Israël.

En mars dernier, des élections législatives avaient vu la victoire des conservateurs et ultraconservateurs, une victoire pour Ebrahim Raïssi. Ce dernier avait alors salué "un nouvel échec historique infligé aux ennemis de l'Iran", en référence aux pays occidentaux et aux opposants installés à l'étranger.

Il s'agissait du premier scrutin national depuis le mouvement de contestation qui a secoué l'Iran fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict de la République islamique.

Le premier vice-président Mohammad Mokhber a été désigné ce lundi pour remplacer ponctuellement le président, comme le prévoit la loi. Des élections doivent avoir lieu pour désigner un nouveau chef d'État d'ici 50 jours. D'ici là, une période d'incertitude politique s'ouvre dans le pays.

Article original publié sur BFMTV.com