États-Unis : à Los Angeles, les étudiants pro-Gaza de UCLA déterminés à camper jusqu’au bout - REPORTAGE

A UCLA, des centaines d’étudiants restent mobilisés en faveur de la Palestine. Un campement y a été installé, et des défilés ont lieu, comme celui du lundi 29 avril.
FREDERIC J. BROWN / AFP A UCLA, des centaines d’étudiants restent mobilisés en faveur de la Palestine. Un campement y a été installé, et des défilés ont lieu, comme celui du lundi 29 avril.

ÉTATS-UNIS - Lundi matin, ce 29 avril. Le soleil brille et pas un bruit ne dérange la quiétude du campus de l’université de Los Angeles (UCLA). Sauf cet hélicoptère qui bourdonne et tourne sans arrêt au-dessus des bâtiments. Quelques dizaines d’étudiants casque sur les oreilles et sac sur le dos traversent les allées pavées menant jusqu’aux salles de classe. Difficile d’imaginer que seulement quelques centaines de mètres plus loin, en plein centre de ce complexe immense, des dizaines d’étudiants pro-Palestiniens manifestent depuis déjà quatre jours et quatre nuits.

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Jeudi dernier, ils ont établi un campement pour montrer leur opposition à la guerre d’Israël à Gaza, déclenchée après les attaques du Hamas le 7 octobre. Le mouvement étudiant américain a été initié à l’université de Columbia à New York mi-avril. Depuis, des milliers de jeunes à travers les Etats-Unis et dans le monde (à Sciences po Paris et à la Sorbonne notamment en France) ont à leur tour planté des tentes dans les jardins de leur établissement.

Des dizaines de tentes d’étudiants pro-Gaza sont installées devant le Royce Hall, l’un des bâtiments du campus de UCLA à Los Angeles. Le 29 avril 2024
Marie Terrier/HuffPost Des dizaines de tentes d’étudiants pro-Gaza sont installées devant le Royce Hall, l’un des bâtiments du campus de UCLA à Los Angeles. Le 29 avril 2024

En approchant du Royce Hall, édifice emblématique du campus de UCLA, le semblant de normalité qui émanait du campus, où sont inscrits près de 50 000 étudiants, disparaît. Des barrières et des cônes orange encerclent la pelouse. Les étudiants portant un keffieh se font plus nombreux. Certains cachent leurs visages. Des personnels de sécurité en veste jaune fluo barrent le passage, pendant que des curieux prennent en photo ce qu’ils peuvent voir du campement érigé par leurs camarades.

Pour les non-manifestants, seuls sont visibles des panneaux de bois placés de guingois qui empêchent de voir ce qui se passe à l’intérieur. Les journalistes non plus ne sont pas les bienvenus. « Nous avons agrandi le périmètre de sécurité car nous étions attaqués de tous les côtés », nous expliquera plus tard Kaira, diplômée de UCLA en 2023, mais revenue protester contre le « génocide » en cours à Gaza. Dimanche 28 avril en effet, des heurts entre pro-Gaza et pro-Israël ont éclaté, comme vous pouvez le voir dans le reportage de la chaîne ABC ci-dessous. L’université a fait état d’« altercations physiques », et renforcé la sécurité pour garantir des manifestations pacifiques. Il n’y a pas eu d’interpellation.

Columbia et UCLA, deux salles deux ambiances

Ce lundi, les « contre-manifestants » ne se montrent pas. Leur présence est seulement rappelée par un écran géant installé la veille, qui diffuse en boucle des messages en faveur de l’État hébreu. « Nous nous tenons aux côtés d’Israël », résonne la voix de Joe Biden dans les haut-parleurs qui crachent en direction du campement situé à une dizaine de mètres. Ils ne se montrent pas non plus lorsqu’à midi pile, un cortège d’environ 150 personnes traverse le campus pour manifester son soutien à la population palestinienne.

Le calme relatif sur le campus tranche avec les centaines d’arrestations faites à l’université de Californie du Sud (USC) située à quelques kilomètres, ou à celle de Columbia à New York. La tension reste malgré tout palpable à UCLA. Des étudiants s’agacent de se voir barrer le passage à certains bâtiments de cours. Un homme qui dit avoir un entretien profite d’un moment d’inattention pour se faufiler, mais est vite rattrapé par des membres du campement. « C’est une agression », clame-t-il.

Les manifestants sont très organisés. Impossible de parler à n’importe qui, seuls des porte-parole préalablement désignés sont autorisés à répondre à la presse. C’est le cas de Benjamin, 31 ans. Malgré les menaces de violences et de sanction de la part de l’université, à l’image de Columbia qui suspend ses étudiants, il compte rester mobilisé : « J’ai l’intention de rester ici tous les jours, autant que je peux. Les risques que nous prenons ne sont rien par rapport à ce qu’endurent les Gazaouis. »

Pour lui, cette expérience est même « géniale ». « À l’intérieur, il y a une tente pour les médecins, une cuisine, on fait les corvées de repas et de nettoyage à tour de rôle, il y a un espace pour la prière, un espace pour la discussion », décrit-il. Des images publiées sur les réseaux sociaux par les organisateurs du mouvement montrent aussi qu’un coin bibliothèque a été installé. Benjamin estime entre 60 et 70 le nombre de personnes permanentes dans le campement, mais des centaines viennent et repartent chaque jour.

« Menaces de mort »

Cette ambiance « colonie de vacances » ne lui fait pas oublier les critiques dont il dit être victime. Membre de la Jewish voice for peace, une association juive qui milite pour la libération de la Palestine, l’étudiant en histoire de l’art affirme avoir été la cible d’attaques violentes : « J’ai reçu des menaces de mort, des insultes dans mes messages sur les réseaux sociaux. On m’a menacé de violences sexuelles, on a menacé ma famille ». Il ajoute aussi avoir été traité de « Kapo », du nom de ces détenus qui encadraient les autres prisonniers dans les camps de concentration nazis.

En face, les manifestants pro-Israël à Los Angeles et ailleurs affirment avoir entendu des propos antisémites et disent se sentir en danger. Benjamin réfute toute attaque dirigée contre les Israéliens et parle de « malentendu ». « On a besoin de mieux comprendre ce qu’est l’antisémitisme, et faire la différence entre l’inconfort et l’insécurité », plaide-t-il. À ce jour, les deux visions semblent irréconciliables à UCLA et dans les autres facultés américaines.

Comme tous leurs camarades à travers les États-Unis, les étudiants de Los Angeles réclament que leur université coupe ses liens avec les organisations proches d’Israël. Benjamin et Kaira citent l’entreprise de gestion d’actifs BlackRock, le fonds d’investissement Blackstone ou encore le pétrolier Exxon. À ce jour, UCLA n’a pas donné de signal encourageant sur cette principale revendication, regrettent les deux étudiants. « La seule réponse que l’on a eue, c’est un communiqué recyclé, déjà utilisé par le passé dans un tout autre contexte », pointe Kaira. Elle affirme : « Nous ne bougerons pas tant que l’université ne fait rien. »

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