États-Unis : la Cour Suprême rejette la restriction d’une pilule abortive mais ne rassure pas les « pro-choice »

Des manifestants pour l’accès à l’avortement devant la Cour suprême, à Washington, le 26 mars 2024.
DREW ANGERER / AFP Des manifestants pour l’accès à l’avortement devant la Cour suprême, à Washington, le 26 mars 2024.

ÉTATS-UNIS - La Cour suprême américaine a restauré jeudi 13 juin le plein accès à la pilule abortive, contestée par des groupes s’opposant à l’IVG. La décision, saluée par les militants pour l’accès à l’avortement, intervient deux ans après l’annulation par la même Cour de la garantie nationale d’accès à l’IVG et après qu’une cour d’appel de juges ultraconservateurs avait rétabli en 2023 plusieurs restrictions d’accès au médicament.

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La demande avait été faite par des associations de médecins ou des praticiens hostiles à l’IVG, connus sous le nom d’Alliance for Hippocratic Medicine (Alliance pour la médecine hippocratique). Le groupe avait fait valoir que l’approbation de la pilule mifépristone, utilisée dans la majorité des avortements dans le pays, devrait être retirée par l’Agence américaine des médicaments (FDA).

Une requête refusée ce jeudi par la Cour suprême à majorité conservatrice, qui a estimé que les plaignants n’avaient pas le droit d’intenter une action en justice. Dans leur arrêt unanime, les neuf juges de la Cour ont dénié l’« intérêt à agir » des plaignants, condition nécessaire pour saisir la justice. Lors des plaidoiries en mars dernier, plusieurs juges de la Cour s’étaient déjà montrés sceptiques quant au fait que l’un des plaignants ait subi un préjudice à cause de la mifépristone, selon la BBC.

Pas de préjudice selon la Cour

« Les plaignants ont des objections juridiques, morales et idéologiques sincères à l’égard de l’avortement volontaire et de la réglementation assouplie de la FDA », a écrit dans sa décision le juge Brett Kavanaugh, « mais ils n’ont pas réussi à démontrer » qu’ils avaient subi un préjudice réel.

« Pour cette raison, les tribunaux fédéraux ne sont pas la voie adéquate pour répondre aux inquiétudes des plaignants au sujet des actions de la FDA », a-t-il ajouté, soulignant qu’ils peuvent en saisir le pouvoir exécutif ou législatif. « Le désir d’un plaignant de rendre un médicament moins accessible à d’autres personnes n’établit pas sa qualité pour agir », a précisé Brett Kavanaugh.

L’organisation chrétienne conservatrice Alliance Defending Freedom (ADF), qui représentait les plaignants, s’est dite « déçue que la Cour ne se soit pas prononcée sur le fond sur les actions illégitimes de la FDA », et a réaffirmé que ces allègements des règles décidées par l’agence mettent en danger la santé des femmes.

Invoquant des risques pourtant écartés par le consensus scientifique, la décision d’appel, si elle avait été confirmée, aurait ramené la limite de dix semaines de grossesse à sept, interdit l’envoi des comprimés par voie postale et rendu de nouveau obligatoire la prescription exclusivement par un médecin.

Une décision qui ne rassure pas

Le président démocrate Joe Biden, qui a fait de la protection du droit à l’avortement un axe de sa campagne pour l’élection de novembre face à son prédécesseur républicain Donald Trump, a pris acte de la décision mais souligné sur X (anciennement Twitter) que « la lutte continuait ».

« Cette décision ne change pas le fait que des millions d’Américaines vivent aujourd’hui sous de cruelles interdictions d’avortement à cause de Donald Trump », a renchéri sa vice-présidente Kamala Harris. « Ni les menaces sur les avortements médicamenteux », a-t-elle ajouté.

Par son arrêt historique de juin 2022 annulant la garantie fédérale du droit à l’avortement, la Cour suprême a redonné aux États toute latitude pour légiférer dans ce domaine. Depuis, une vingtaine a interdit l’IVG (interdiction volontaire de grossesse), qu’elle soit réalisée par voie médicamenteuse ou chirurgicale, ou l’a strictement encadrée.

Si les militants « pro-choice » se réjouissent de la décision prise jeudi par la Cour Suprême, ce n’est pas assez pour les rassurer. L’institut Guttmacher, un centre de recherche favorable au droit à l’avortement dont les études font autorité, s’est dit « soulagé » que la Cour suprême ait pris « la seule décision raisonnable » possible sur la mifépristone, mais a déploré que cette plainte « de mauvaise foi et sans base factuelle ou scientifique » n’ait pas été rejetée bien avant.

« Nous devons rester vigilants. Le mouvement anti-avortement poursuit sans relâche son objectif d’interdire l’IVG à l’échelle nationale », a ajouté Destiny Lopez, coprésidente de l’institut Guttmacher.

Les défenseurs du droit à l’avortement aux États-Unis n’ont donc pas fini de se battre, et le résultat de la prochaine présidentielle américaine pourrait bien avoir un impact considérable sur leur combat.

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