XV de France: Galthié, l'ombre d’un doute? Comment le sélectionneur des Bleus est devenu moins indiscutable

La nouvelle est tombée au lendemain de la cruelle élimination en quart de finale de la Coupe du monde. En ce lundi 16 octobre 2023, la France du rugby est encore sonnée. Le dénouement du match au sommet face aux Sud-Africains, tombeurs des Bleus au terme d’une rencontre étouffante (29-28), a laissé tout le monde sous le choc. Le début de semaine est pénible. Plus que pénible. C'est à ce moment-là, alors qu’une sorte de gueule de bois générale s’est emparée de tout le pays, que Florian Grill monte au créneau.

"Fabien Galthié est la bonne personne pour les années à venir. Ce n'est pas le résultat d'un soir qui doit effacer quatre années exceptionnelles", tranche le patron de la Fédération française de rugby. Comme pour être sûr de maîtriser l’incendie avant que le souffle de la contestation n’attise les braises sur lesquelles le sélectionneur du XV de France, sous contrat jusqu’en 2028, s’apprête à marcher.

Loué pour sa capacité à avoir transformé le visage des Bleus depuis sa prise de fonction en 2019, Galthié a vécu lors de cette Coupe du monde 2023 un véritable coup d’arrêt. Alors que ce quart de finale face aux Springboks était incontestablement le match le plus important de son mandat - et peut-être même la mission de sa vie - l’ancien de mêlée est tombé de haut.

Un manque de remise en question?

Les quatre dernières années avaient pourtant été sans fausse note. Le travail effectué à la tête des Bleus depuis son intronisation à l’issue de la Coupe du monde 2019 est unanimement salué par les observateurs du XV de France. Grâce à un Grand Chelem au Tournoi des VI Nations 2022 et une série de 14 victoires consécutives entre le 6 novembre 2021 et le 11 février 2023, un record dans l’histoire du XV de France, le natif de Cahors a de nouveau rendu la France fière de son équipe de rugby. Avec ses épaisses lunettes noires, il a vu sa cote de popularité exploser, au point d’être souvent autant acclamé qu’Antoine Dupont lors de la présentation des équipes. Mais la lune de miel semble finie.

Comme dans toute histoire d’amour, celle entre Galthié et le public français a connu une première secousse au soir de cette élimination contre l’Afrique du Sud. Si un torrent de critiques s’est d'abord abattu contre l’arbitrage de Ben O'Keeffe, le sélectionneur a rapidement été pointé du doigt, notamment à cause de son coaching en fin de match. Un premier agacement à l’encontre du technicien s’est fait ressentir dans les semaines qui ont suivi, Galthié préférant rester silencieux jusqu’au 8 novembre. Mais sa première prise de parole, trois semaines après la fin de l’aventure au Mondial, n’a pas réellement convaincu. Galthié se voit alors reproché sa langue de bois et son absence de remise en question.

Une communication qui interroge

L’une des premières banderilles est envoyée par Richard Dourthe, ancien international français. "Je pense qu'il prend les gens pour des cons. Il ne fait que parler. Il gère sa conférence de presse, c'est tout en communication, peste l’ancien international français (31 sélections entre 1995 et 2001), sur Canal+. Il reste calme, c'est très bien, tous les gens l'adorent, c'est parfait. Mais il élude tous les points qui nous chagrinent, nous les connaisseurs du rugby: pourquoi on a perdu, quelle a été la gestion du groupe, pourquoi y a-t-il eu autant de blessés... Il enfume tout le monde avec ses datas et ce n'est pas respecter les gens qui aiment le rugby."

La communication du sélectionneur ne passe plus. Pire, elle agace. "Je suis halluciné, je suis épuisé. Il m’épuise maintenant. Je rentre dans une phase où je ne le supporte plus, lance Denis Charvet dans le Super Moscato Show, sur RMC, fin novembre. On sort d’un échec à la Coupe du monde. Ce n’est pas une victoire, c’est un échec! Et cet échec, il faut l’expliquer. Il y avait tous les journalistes du monde en train d’attendre ses explications, des explications qu’il ne nous a toujours pas données."

Pierre Berbizier fustige lui aussi la communication minimaliste de Galthié ("Il n’y a pas eu de vrai bilan, au contraire, il y a même eu une forme de provocation avec cette fameuse phrase: 'si c’était à refaire, je referais la même chose…'").

Mais l’ancien capitaine et sélectionneur des Bleus s’interroge également sur la gestion de certains dossiers. "Qu’on nous explique le cas Bastien Chalureau, la gestion d’Antoine Dupont, pourquoi Julien Marchand (blessé lors du match d’ouverture face à la Nouvelle-Zélande et absent tout le reste de la Coupe du monde, NDLR), qui n’a toujours pas rejoué, est resté avec le groupe plutôt que de le remplacer par une force vive? À toutes ces questions, je n’ai pas de réponses, déplore Berbiziers dans Le Parisien. "Quid de la préparation de cette Coupe du monde?", ajoute-t-il. "Un an avant, les entraîneurs de l’attaque et de la touche (Laurent Labit et Karim Ghezal) annoncent qu’ils partent, le prépa physique (Thibault Giroud) annonce qu’il part, le manager (Raphaël Ibanez) a disparu des radars… Pourquoi ces gens-là n’ont pensé qu’à une seule chose, se casser? (…) Quelle était l’ambiance au niveau du staff, quelle a été sa vie en interne? Est-ce que c’est une des raisons de l’échec? Je n’en sais rien mais je pose la question. Tu attends de ton staff qu’il soit focus à 100 % sur l’objectif suprême, non?"

L'Irlande, un rebond manqué

Remis en question par une partie du rugby français, Galthié a l’opportunité de rapidement rebondir avec le Tournoi des VI Nations. L’édition 2024 (2 février-16 mars) et la première journée face à l’Irlande arrivent au moment opportun. Pour le patron des Bleus, l’occasion de refermer la cicatrice de la Coupe du monde et de mettre fin à tous les doutes autour de sa légitimité est trop belle. À l’inverse, la débâcle vécue face au XV du Trèfle sur la pelouse du Stade de France vendredi 2 février (première jourrnée, 17-38) ne fait qu’ébranler encore un peu plus le sélectionneur tricolore. Face à l’Irlande, les Bleus concèdent leur plus lourde défaite depuis le début du mandat de Fabien Galthié et le deuxième plus large revers à domicile de toute leur histoire dans le Tournoi des VI Nations.

Les chiffres sont accablants. Mais, en conférence de presse, Galthié ne se montre une nouvelle fois pas très loquace. "On en revient au fait que la communication est la même depuis des mois et cela continue. À un moment donné, Fabien il faut qu’il redevienne quelqu’un de simple et que l’on comprenne, estime Denis Charvet dans le Super Moscato Show, quatre jours après ce triste France-Irlande. ll y a un peu, pas de la paranoïa, mais presque, en disant: 'Nous on a des convictions, des certitudes et on va aller au bout'. Cela ne marche pas! Je ne dis rien de mal, je dis juste que le danger c’est de se persuader que tu as raison aujourd’hui alors qu’il ne nous apporte pas de solutions", poursuit le consultant RMC Sport.

"Un garçon qui se met le vestiaire assez vite à dos"

Avec cette nouvelle grosse déconvenue, la deuxième en un peu moins de quatre mois, les langues se délient. Connu pour être un manager très exigeant, parfois cassant, Galthié n’est désormais plus protégé par ses résultats. Et les critiques fusent. "On va se retrouver avec le Fabien Galthié que j’ai connu à Toulon, lâche Mourad Boudjellal, interrogé par Sud-Ouest en début de semaine. C’est-à-dire un garçon qui, en règle générale, se met le vestiaire assez vite à dos. Qui emploie le 'je' et le 'sur je', dans tout ce qu’il dit et tout ce qu’il pense. Qui est sûrement un grand technicien mais pas un meneur d’hommes."

À Toulon, Mourad Boudjellal confie avoir le souvenir d’un entraîneur "complètement dépassé" après un quart de finale de Top 14 contre Lyon, un technicien qui "a du mal à se renouveler” lorsqu’il est en pleine tempête. Le principal intéressé a désormais un déplacement périlleux à négocier sur la pelouse de l’Ecosse, ce samedi 10 février à l’occasion de la deuxième journée des VI Nations (15h15), pour s’offrir une petite accalmie.

Article original publié sur RMC Sport