Voyage dans le ventre de Tokyo

Même si le marché de Tsukiji, à Tokyo, vend des produits de la mer, des légumes et des fruits, on l’appelle communément “marché aux poissons de Tsukiji”. L’entrée en est gratuite ; on peut s’y rendre à pied depuis le quartier de Ginza [les Champs-Elysées tokyoïtes] et y déguster d’excellents produits. Désireux de dissiper, grâce à l’énergie qui émane de ce marché, la fatigue que j’avais accumulée au cours de l’été [particulièrement chaud cette année], je me suis levé très tôt pour m’y rendre.
A 4 heures du matin, bien avant que le jour ne se lève, les marchands déchargent des poissons provenant des quatre coins du globe : des thons de Guam, des saumons de Norvège, des shishyamo [une espèce proche du capelan, d’une taille d’environ 15 cm] d’Islande, des saumons argentés du Chili, des crevettes d’Inde, des poulpes d’Afrique… Presque toutes les espèces en vente dans le monde se trouvent à Tsukiji.
Tandis que le ciel s’éclaircit vaguement à l’est, les grossistes se préparent pour la criée et, ici et là, se mettent en mouvement. Un air glacial monte des nombreux thons congelés, énormes, rangés sur le sol. Quand le soleil commence à percer, une atmosphère plutôt solennelle envahit les lieux. Shigeo Yokota, âgé de 33 ans, employé chez Daimoto, un marchand de thons en gros, scrute chaque poisson d’un oeil attentif. Il éclaire un petit morceau de chair avec sa lampe de poche et en vérifie la fermeté avec le doigt et la langue. Tout en examinant soigneusement la proportion de graisse de chaque thon, il en évalue le prix. “Si on n’achète pas du poisson de qualité, on ne gagnera pas un sou”, explique-t-il. Le prix au kilo est très élevé et, avec des poissons qui peuvent coûter plus de 1 million de yens l’unité [environ 70 000 FF], chaque achat représente une grosse opération. La criée commence, et à peine a-t-on annoncé le numéro du thon qu’il avait repéré que M. Yokota lève très haut la main. Tout en observant du coin de l’oeil les réactions de ses confrères, il indique du doigt le montant qu’il est prêt à payer et parvient à négocier ce thon. “La tactique des enchères, où tout se joue en quelques secondes, est inexplicable”, affirme-t-il.

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