Violences chez les jeunes: le débat autour de l'excuse de minorité relancé

Le débat relancé. Le jeune Matisse, 15 ans, est mort samedi 27 avril à Châteauroux après avoir été poignardé par un autre mineur, également âgé de 15 ans. Alors que le gouvernement affiche sa volonté de lutter contre la violence des jeunes, ce nouveau drame impliquant des mineurs relance les discussions autour de l'excuse de minorité.

· L'excuse de minorité, un principe ancien

L'excuse de minorité est un principe de justice pénale des mineurs qui prévoit une atténuation des peines encourues pour les mineurs "capables de discernement", c'est-à-dire âgés de plus de 13 ans. En dessous de cet âge, aucune peine ne peut être prononcée.

L'ordonnance du 2 février 1945 - texte de référence en matière de justice pénale des mineurs - évoque ce principe repris depuis dans le Code pénal. Son article 122-8 prévoit que les mineurs de plus de 13 ans "sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des conditions fixées par le Code de la justice pénale des mineurs".

Concrètement, le Code de la justice pénale des mineurs - entré en vigueur en 2021 - dispose que "le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue".

Entre 13 et 16 ans, cette diminution de peine est automatique. À partir de 16 ans, elle peut être écartée si les magistrats estiment que les faits sont suffisamment graves et que le mineur est jugé suffisamment responsable pénalement.

· Le gouvernement prêt au débat

Plusieurs drames récents impliquant des agresseurs mineurs ont relancé un débat autour de l'excuse de minorité: la mort de Zakaria à Romans-sur-Isère, celle de Shemseddine à Viry-Châtillon ou encore celle de Philippe à Grande-Synthe.

À Viry-Châtillon, le Premier ministre Gabriel Attal a formulé le 18 avril plusieurs propositions pour endiguer la violence des jeunes. Au sujet de l'excuse de minorité, il s'est dit favorable à l'ouverture d'un débat pour voir si des "atténuations" sont "possibles" et "souhaitables". Le chef du gouvernement recevra les représentants des différents partis politiques à partir de ce lundi après-midi afin d'évoquer le sujet.

Son ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, s'est montré plus prudent. "Ma boussole est constitutionnelle et principielle. J'estime qu'on ne peut pas traiter un adolescent comme un adulte", a-t-il déclaré sur le plateau de BFMTV ce dimanche 28 avril.

· La droite et l'extrême droite contre l'excuse de minorité

La tête de liste du Rassemblement national aux élections européennes, Jordan Bardella, milite pour "la fin de l'excuse de minorité". Une proposition qu'il faisait déjà l'an dernier au moment des émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel.

Pour le président Les Républicains des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, "l'excuse de minorité ne doit plus être la règle" et "ne peut plus être appliquée systématiquement". "Il faut des peines minimums pour casser cette impunité", a-t-il insisté sur BFMTV le 18 avril. L'été dernier lors des émeutes, le président de son parti, Éric Ciotti, se disait déjà "favorable à supprimer l’excuse de minorité".

Gil Avérous, maire divers droite de Châteauroux où a été tué le jeune Matisse, estime ce lundi sur BFMTV que "l'excuse de minorité ne peut plus être invoquée". "Il faut pouvoir incarcérer les jeunes dont on sait que manifestement, ils sont dangereux", a-t-il réclamé, alors que le mineur mis en cause était connu des services de police pour des vols aggravés et placé sous contrôle judiciaire au moment des faits.

"L'excuse de minorité doit être revue", a abondé sur BFMTV la maire divers droite de Romans-sur-Isère, Marie-Hélène Thoraval, qui dénonce une "culture de l'excuse".

· Les syndicats de magistrats inquiets

Les magistrats spécialisés dans la justice des mineurs ont exprimé le 22 avril leur "surprise" face aux annonces du Premier ministre Gabriel Attal pour lutter contre la violence des mineurs.

"Comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans, réduction voire suppression de l'atténuation de peine pour minorité... Les praticiens de la justice des enfants et des adolescents ne peuvent cacher leur surprise", a affirmé l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) dans un communiqué.

"Renoncer à l'atténuation de peine pour minorité, notamment pour les plus jeunes, de 13 à 15 ans, c'est nier qu'une personne adolescente n'est pas encore arrivée à pleine maturité", a estimé l'association.

L'AFMJF a également critiqué le fait d'imaginer que "la menace d'emprisonnement sera un levier efficace de prévention de la récidive, alors que toutes les études réalisées sur la désistance démontrent le contraire".

Les deux principaux syndicats de magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) et le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) ont également exprimé leur préoccupation.

Article original publié sur BFMTV.com