Violences des mineurs: qu'est-ce que l'"excuse de minorité", qui va être rediscutée par le gouvernement?

"Ouvrir le débat". Gabriel Attal, qui a effectué un déplacement ce jeudi 18 avril à Viry-Châtillon où un collégien a été tabassé à mort au début du mois, a dévoilé plusieurs mesures pour lutter contre la violence des jeunes. Parallèlement à ces annonces, le Premier ministre n'a pas non plus écarté de revoir certains principes en matière pénale, notamment l'"excuse de minorité".

"Dans le respect vigilant de nos principes constitutionnels (...) le ministre (Éric Dupond-Moretti, NDLR) y travaillera et réfléchira dans les prochaines semaines avec les parties prenant, à ouvrir ce débat d’atténuation possible à l’excuse de minorité, si c’est possible et si c’est souhaitable", a déclaré le chef du gouvernement.

En outre, le Premier ministre s'est aussi dit ouvert à la possibilité de mettre en place "une comparution immédiate devant le tribunal pour les jeunes à partir de 16 ans, de sorte qu’ils aient à répondre de leurs actes immédiatement, comme les majeurs et qu’ils soient sanctionnés immédiatement, comme des majeurs".

"J’ai chargé le garde des Sceaux d’y réfléchir et d’y travailler. Le travail de concertation des prochaines semaines permettra de trancher ce débat", a encore indiqué le chef du gouvernement.

Un principe qui remonte à 1945

L'ordonnance du 2 février 1945 - texte de référence en matière de justice pénale des mineurs - évoque ce principe d'"excuse de minorité" repris depuis dans le Code pénal.

Son article 122-8 prévoit que les mineurs présumés "capables de discernement" - à savoir ceux âgés d'au moins 13 ans - "sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des conditions fixées par le code de la justice pénale des mineurs".

Ce Code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur en 2021, réaffirme quant à lui la présomption de non-discernement pour les mineurs de moins de 13 ans contre lesquels aucune peine ne peut être prononcée.

Non discernement pour les moins de 13 ans et peines allégées

Cette présomption se retrouve aussi dans la Convention internationale des droits de l’enfant qui oblige ses États signataires à "établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale".

Ce traité international, ratifié par 197 États dont la France en 1989, prévoit notamment dans son article 3 que "dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale".

L'article 40 du même traité prévoit également que les États signataires "reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci".

En outre, ce même article prévoit que les États doivent "s'efforcer de promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale". Les États signataires doivent aussi prévoir une gamme de dispositions "en vue d'assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l'infraction".

La droite et l'extrême droite veulent la fin de son automaticité

Depuis quelques semaines, plusieurs drames impliquant des mineurs comme ont fait réagir la classe politique française et notamment des élus de droite et d'extrême droite qui souhaitent lever ce principe d'"excuse de minorité".

Mercredi matin, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a plaidé sur BFMTV et RMC pour "des peines très courtes et immédiates" pour les mineurs condamnés: "il ne doit plus y avoir la possibilité d'aménager des peines pour des atteintes à l'intégrité physique."

"L'excuse de minorité ne peut plus être appliquée systématiquement", a estimé Xavier Bertrand ce jeudi sur BFMTV. Le président de la région des Hauts-de-France a appelé à ce que les jeunes soient sanctionnés "comme les adultes".

Un principe qui peut déjà être écarté

Gabriel Attal leur a répondu ce jeudi lors de son discours à Viry Châtillon: "ceux qui tiennent des discours donnant le sentiment que les jeunes peuvent en tout point être regardés comme des majeurs ne connaissent ni notre jeunesse ni notre Constitution".

Evelyne Sire-Marin, magistrate honoraire et membre du bureau de la Ligue des Droits de l'Homme, soulignait la semaine dernière sur BFMTV qu'"on a tous les instruments juridiques pour éventuellement écarter cette excuse de minorité et mettre les mineurs en prison (...) elle peut être écartée entre 16 et 18 ans, c'est tout à fait possible en fonction de la nature des faits, de la personnalité du mineur."

"À partir de 16 ans, pour un délit, on peut aller en prison jusqu'à un an et pour un crime jusqu'à deux ans, par exemple pour l'affaire de Viry Châtillon", indiquait encore la magistrate.

Article original publié sur BFMTV.com