Union européenne : Giorgia Meloni veut peser sur les « top jobs » après avoir été écartée des négociations

La Premier ministre italienne Giorgia Meloni a encore son mot à dire sur les « top jobs » européens. (Photo : Ursula von der Leyen avec Giorgia Meloni, au G7 en Italie, le 13 juin)
LUDOVIC MARIN / AFP La Premier ministre italienne Giorgia Meloni a encore son mot à dire sur les « top jobs » européens. (Photo : Ursula von der Leyen avec Giorgia Meloni, au G7 en Italie, le 13 juin)

EUROPE - Elle n’a pas dit son dernier mot. La Première ministre italienne Giorgia Meloni n’a pas caché son mécontentement après avoir été écartée des négociations pour désigner les candidats aux « top jobs » de l’UE à l’issue des élections européennes. Alors avant le Conseil européen des 27 et 28 juin, la dirigeante d’extrême droite rencontre, ce mercredi 26 juin, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, candidate à un second mandat, pour jouer de son influence sur ces postes clés.

Six dirigeants européens, dont Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, se sont mis d’accord mardi sur les trois « top jobs » de l’UE : Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne ; l’ancien chef du gouvernement portugais, le socialiste Antonio Costa, pour la présidence du Conseil européen ; et la cheffe du gouvernement estonien, la centriste Kaja Kallas, pour prendre la tête de la diplomatie de l’UE.

« Contre offensive » avec Orban

La Première ministre italienne a jugé « surréaliste » d’avoir été ignorée alors que le groupe de droite dure qu’elle dirige, les Conservateurs et réformistes européens (ECR), est en passe de ravir aux centristes de Renew la place de troisième force politique au sein du Parlement européen.

S’adressant aux députés italiens ce mercredi, la cheffe du gouvernement a fustigé, avec une tonalité populiste qui fait la marque de fabrique l’extrême droite, « ceux qui affirment que les citoyens ne sont pas assez sages pour prendre certaines décisions et que l’oligarchie est, au bout du compte, la seule forme acceptable de démocratie ». « Nous sommes convaincus que le peuple a toujours raison et que tout dirigeant doit suivre les indications qui arrivent des citoyens », a-t-elle poursuivi à propos de l’attribution des « top jobs ».

Mais en la matière, les jeux ne sont pas encore totalement faits, et la Première ministre italienne le sait. La leader de Frères d’Italie veut donc tirer son épingle du jeu lors d’une réunion cruciale du Conseil européen jeudi et vendredi, au cours de laquelle les trois noms seront présentés aux chefs d’État et de gouvernement pour approbation. D’après les informations du Monde, le Premier ministre hongrois Viktor Orban lui a rendu visite à Rome lundi pour préparer avec l’Italie une « contre-offensive » lors de ce sommet à Bruxelles.

Chantage italien pour un « commissaire fort »

À quelques heures de la réunion des chefs d’État et de gouvernement, l’entourage de la Première ministre menace toujours de ne pas soutenir le trio von der Leyen, Costa et Kallas : « Si je dois parler au nom des [Frères d’Italie], je dois vous dire que pour l’instant, il nous est impossible de voter en faveur d’Ursula von der Leyen ou de tous les autres, car nous ne connaissons pas leur programme politique », a déclaré Nicola Procaccini, eurodéputé Frères d’Italie cité par Politico.

Objectif de ce coup de pression : obtenir « au minimum » une vice-présidence de la Commission européenne. « Nous voulons un commissaire fort pour avoir une bonne politique européenne en faveur de l’industrie et de l’agriculture, bien sûr engagée sur le changement climatique, mais pas d’une façon fondamentaliste », avait détaillé le ministre des Affaires étrangères de Meloni, Antonio Tajani, à des médias français.

Le soutien de la dirigeante italienne est d’autant plus crucial que, dans l’éventualité où Ursula von der Leyen obtiendrait le feu vert du Conseil européen, elle devra surmonter dans la foulée un autre obstacle, bien plus délicat : celui du vote du Parlement européen.

Draguer Meloni pour la présidence de la Commission européenne

La présidente de la Commission européenne doit en effet recueillir l’approbation d’une majorité absolue de 361 eurodéputés (sur 720) lors de la session plénière prévue du 16 au 19 juillet. Sauf que la coalition du PPE, des socialistes et des libéraux risque d’être trop petite pour obtenir ces 361 voix requises, souligne Politico.

Effectivement, certains députés du PPE se désolidarisent, la trouvant « trop verte » depuis qu’elle soutient avec détermination le Pacte vert européen, rappelle Public Sénat. « Il y a un risque réel, d’environ 30 %, qu’elle ne soit pas confirmée en raison de possibles défections » au moment du vote, estimait dans une note début juin l’Eurasia Group, citée par l’AFP. D’autant plus qu’en 2019, Ursula von der Leyen avait été élue de justesse par cette même coalition, avec seulement 9 voix d’avance.

Pour grappiller les suffrages nécessaires, Ursula von der Leyen semble déterminée à draguer l’extrême droite. D’où sa rencontre ce mercredi avec Giorgia Meloni, où les deux femmes aborderont également la future majorité de l’UE, rapporte l’agence de presse italienne Ansa.

Ces négociations sont importantes car, si la nomination d’Ursula von der Leyen n’est pas approuvée, le « reste du puzzle des postes de haut niveau pourrait être menacé », analyse un diplomate auprès de Politico. Effectivement, la défection de l’actuelle présidente remettrait en cause tous les équilibres – sexe, orientation politique, typologie de pays… – du trio von der Leyen, Costa et Kallas. Giorgia Meloni détient donc la dernière carte à jouer, en décidant si l’élection d’Ursula von der Leyen doit se faire au prix de la tête d’un des deux autres dirigeants désignés.

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