Non, un tribunal américain n'a pas jugé que les vaccins Covid n'étaient pas des vaccins

Des internautes assurent qu'un tribunal américain a jugé le 7 juin que les injections contre le Covid n'étaient pas des vaccins. C'est faux, les juges ont certes estimé qu'une plainte contre la vaccination obligatoire des personnels scolaires n'aurait pas dû être déboutée, mais ils ne se sont pas prononcés sur la valeur scientifique des arguments des plaignants, à savoir que les vaccins n'empêchant la transmission du virus ne devraient pas être considérés comme des vaccins.

"États-Unis : la Cour d’appel de Californie (9th district) accepte que 'le vaccin Covid n’est pas un VACCIN...s'il ne protège pas de la transmission'" écrit sur X le 8 juin le compte de Verity France, dans une publication partagée des centaines de fois. Verity France, une association représentant des personnes se disant victimes d'effets secondaires des vaccins, a déjà relayé des fausses informations sur les masques chirurgicaux, démystifiées par l'AFP Factuel.

L'allégation est aussi partagée par un autre internaute régulièrement épinglé par AFP Factuel pour ses fausses informations, Silvano Trotta, qui écrit le même jour: "Attention ÉNORME !! La plus puissante Cour d'Appel des Etats-Unis vient de rendre un jugement capital : Elle vient de priver les injections d'ARNm de toute protection en matière de responsabilité juridique". Sa publication sur X est partagée plus de 3.000 fois.

Ce sont des traductions de messages très viraux aux Etats-Unis, diffusés notamment par Alex Jones, le fondateur du site conspirationniste InfoWars, mais aussi par le sénateur républicain Ron Johnson qui a participé à amplifier la rumeur.

<span>Screenshot from X taken June 10, 2024</span>
Screenshot from X taken June 10, 2024

Ces publications font référence à un jugement de la neuvième cour d'appel des Etats-Unis, suite à une plainte contre la vaccination obligatoire contre le Covid du personnel des écoles de Los Angeles, en Californie. Les plaignants affirment que la politique de vaccination du district scolaire de Los Angeles a violé leur droit de refuser un traitement médical.

En première instance, cette plainte avait été déboutée, les juges l'estimant caduque du fait de la fin de cette obligation vaccinale en 2023. Le tribunal s'était également appuyé sur une affaire de 1905 de la Cour suprême des États-Unis qui avait jugé que les États pouvaient exiger la vaccination lorsque nécessaire. 

Mais la cour d'appel est allée à l'éncontre de cette décision, estimant que les plaignants pouvaient poursuivre leur action en justice.  

La décision de cette Cour d'appel le 7 juin a été prise par un panel de trois juges, dont deux avaient été nommés par l'ancien président Donald Trump, à la majorité de deux contre un (archive).

"Pas une décision affirmant que les vaccins ne sont pas des vaccins"

Cependant, l'affirmation selon laquelle les injections contre le Covid ne sont pas des vaccins est un argument avancé par les plaignants, et non la décision officielle des juges.

"Ce n'est pas une décision affirmant que les vaccins contre le Covid-19 ne sont pas des vaccins", a expliqué  à l'AFP le 8 juin Dorit Reiss, professeur de droit spécialiste des vaccins à l'Université de Californie-San Francisco.

"Les plaignants assurent que le vaccin ne prévient pas efficacement la propagation mais atténue uniquement les symptômes pour la personne injectée et est donc assimilable à un traitement médical, et non à un vaccin 'traditionnel'", a écrit la cour d'appel.

Sur cet argument, le tribunal de première instance avait estimé "que même si les plaignants pouvaient étayer leur démonstration que les vaccins ne réduisent pas la transmission, cela ne suffirait pas pour que leur procès réussisse car le gouvernement a un intérêt légitime à prévenir les maladies graves et les décès parmi les individus vaccinés", selon Lindsay Wiley, directrice du programme de droit et de politique de la santé à l'Université de Californie-Los Angeles, dans une interview à l'AFP le 10 juin. "La cour d'appel a annulé cette décision et a décidé que si les plaignants pouvaient prouver que les vaccins ne réduisent pas la transmission, cela pourrait suffire pour que leur procès aboutisse".

Mais la cour d'appel n'a pas établi la véracité scientifique des arguments des plaignants, insistent les experts judiciaires.  Il est habituel pour les cours d'appel de supposer que les allégations des plaignants sont exactes lors de l'évaluation d'une requête en irrecevabilité parce qu'il n'y a pas encore eu de constatation des faits, a expliqué Dorit Reiss à l'AFP.

Ce qu'on fait les juges d'appel, détaille-t-elle, c'est "renvoyer le cas en première instance pour juger l'affaire au fond et établir si les plaignants ont raison".

"La cour a déclaré que, puisqu'elle doit supposer que les revendications des plaignants sont vraies, et qu'ils affirment que les vaccins contre le Covid-19 atténuent uniquement les symptômes et ne préviennent pas la transmission, l'affaire peut continuer à l'étape de la constatation des faits", développe la juriste, "Mais elle n'a pas directement statué sur le fait que les vaccins préviennent la transmission ou atténuent simplement les symptômes".

La majorité de la cour d'appel a écrit: "Nous notons la nature préliminaire de notre décision. Nous ne préjugeons pas de savoir si, avec des arguments factuels plus poussées, les allégations des plaignants se révéleront justes".

<span>Capture d'écran de la 9ème cour d'appel le 11 juin</span>
Capture d'écran de la 9ème cour d'appel le 11 juin

Nicole Huberfeld, professeur de droit de la santé à l'Université de Boston, a assuré à l'AFP le 8 juin que c'est une procédure standard - même si les revendications des plaignants concernant les vaccins contre le Covid-19 sont truffées de "fautes logiques et scientifiques", "les juges doivent généralement accepter les plaidoiries comme 'vraies', même si elles sont enracinées dans des théories du complot".

Les Centres américains de contrôle des maladies (CDC) définissent un vaccin comme "une préparation utilisée pour stimuler la réponse immunitaire du corps contre les maladies" (archive).

Selon les CDC, les vaccins contre le Covid-19 "sont sûrs et efficaces pour protéger les gens de la maladie grave, de l'hospitalisation et de la mort" (archive).