Mort d'André Boniface, légende du rugby français et incarnation du "French flair"

Le rugbyman André Boniface (balle en main) contre l'Angleterre lors du Tournoi des Cinq nations à Colombes, le 22 février 1964 (-)
Le rugbyman André Boniface (balle en main) contre l'Angleterre lors du Tournoi des Cinq nations à Colombes, le 22 février 1964 (-)

C'était l'une des incarnations de ce fameux "French flair" cher à la presse britannique: André Boniface, attaquant légendaire du XV de France et de Mont-de-Marsan, est mort lundi à l'âge de 89 ans à l'hôpital de Bayonne, a indiqué sa famille.

Centre de génie des Bleus, associé à son petit frère Guy, décédé prématurément dans un accident de la route le 1er janvier 1968, André Boniface a remporté quatre Tournois des cinq nations (1954, 1955, 1959 et 1962).

Il a aussi décroché un titre de champion de France en 1963 et trois Challenges Yves-du-Manoir avec le Stade Montois, son club de toujours ou presque.

C'était le temps des "Boni" qui a émerveillé les terrains de l'Hexagone mais aussi ceux des îles britanniques les mois d'hiver. Avec leur inventivité et leur soif de mouvement, ils ont été l'incarnation du "French Flair", expression venue d'Angleterre pour saluer la créativité du "jeu à la française".

"André Boniface marquera le rugby français pour l'éternité. Le +French flair+, c’était lui. A Dax, puis à Mont-de-Marsan (dont il sera également entraîneur) pendant 20 ans, il déambula dans les défenses de tous les clubs avec le génie de ceux qui ont le rugby dans le sang. Champion...", a salué la LNR sur X.

L'aîné des Boniface a obtenu 48 sélections en Bleu, mais un peu moins de la moitié aux côtés de son frère Guy, lauréat de deux Tournois sans lui.

- "Mis au placard" -

Après plusieurs périodes agitées en Bleu, les deux Montois seront écartés définitivement de la sélection en mars 1966 à la suite d'une défaite contre le pays de Galles (9-8) à Cardiff, qui aura également mis fin à la carrière internationale de Jean Gachassin, auteur d'une passe en cloche pour André Boniface interceptée par un Gallois.

Ces trois joueurs avaient été désignés responsables de cette défaite par leur Fédération, dont les "pardessus" n'appréciaient pas forcément le franc-parler de l'aîné des "Boni".

"Il disait un peu trop ce qu'il pensait de certains dirigeants. C'était dans sa nature", témoigne Gachassin auprès de l'AFP. "Ils l'ont mis au placard et j'étais solidaire".

"C'était un grand monsieur et un grand joueur", salue l'ancien joueur de Lourdes, devenu plus tard président de la Fédération française de tennis. "Il représentait un certain rugby. Le rugby champagne, comme on l'aime, et qui se perd aujourd'hui".

- "Jamais une passe trop haute" -

"Ils n'ont pas eu la sortie qu'ils méritaient", regrette l'ancien ailier Christian Darrouy, équipier des Boniface en équipe de France et au Stade Montois, touché par le décès d'André "car sans lui, je n'aurais pas joué au rugby".

"J'étais bon au foot, j'ai fait un match de rugby avec le lycée de Mont-de Marsan car il manquait un joueur. André en a parlé aux dirigeants montois qui sont venus me voir le lendemain au lycée. J'ai eu la chance que le rugby soit facile car je jouais à l'aile et à ses côtés", a expliqué Darrouy à l'AFP.

Avec Mont-de-Marsan, André Boniface avait dû attendre sa troisième finale pour soulever enfin le Bouclier de Brennus.

Ce fut au terme d'une finale 1963 mémorable "mais décevante sur le plan du jeu", dira-t-il, contre le voisin et ennemi Dax, distant de 40 kilomètres, disputée au Parc Lescure de Bordeaux devant un public landais forcément divisé.

"André avait des jambes, il courait très vite et avait de la qualité dans ses passes. Je n'ai jamais eu une passe trop haute ou dans les chevilles. C'était toujours là où il fallait, se souvient Darrouy, ancien recordman d'essais en Bleu. J'avais des bons ballons et j'aurais aimé en avoir davantage mais ils (Guy et André) étaient morpions, ils ne faisaient pas toujours la passe".

"L'esprit rugby d'André, c'était +On attaque, on attaque, on attaque+ et c'est ça qu'on voulait, surtout moi en tant qu'ailier. Donc on jouait tous les ballons, il fallait qu'André ait tous les ballons. Le demi de mêlée, l'ouvreur, il fallait qu'ils passent le ballon derrière", conclut Darrouy.

rap-sdu/bm