Loin des contre-vérités actuelles, à quoi ressemblait vraiment le Front populaire en 1936?

De gauche à droite: le ministre des Pensions Albert Rivière, le ministre de l'Économie nationale Charles Spinasse (en retrait), le ministre de l'Intérieur Marx Dormoy, le président du Conseil des ministres et leader du Front populaire Léon Blum, le sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères Pierre Viénot et le ministre de l'Agriculture Georges Monnet, en train de quitter le palais de l'Élysée, à Paris, en 1936. | AFP

C'est un cas d'école de lutte mémorielle. En évoquant la mémoire de l'été 1936 et du Front populaire, la gauche rassemblée dans le cadre du Nouveau Front populaire fait appel à un imaginaire qui associe congés payés, réduction du temps de travail et élan collectif. À ce récit s'en oppose un autre, mobilisé cette fois (un peu) par la droite et (beaucoup) par l'extrême droite: même en ayant eu un bilan positif, le mouvement emmené par Léon Blum aurait préparé la défaite de juin 1940 avant d'abattre la IIIe République. Contexte, clichés, idées reçues et demi-vérités… Petit panorama pour s'y retrouver.

1. Le Front populaire est né dans une atmosphère politique d'une violence tellement inouïe…

Si l'ambiance politique actuelle n'a rien de franchement apaisé, la violence débridée qui caractérise la France du milieu des années 1930 se situe un cran plus haut. Usé par la crise économique de 1929, chauffé à blanc par l'affaire Stavisky en janvier 1934 (un escroc lié aux milieux politiques), le pays est sous tension et l'antiparlementarisme se réveille.

Le 6 février 1934 en est resté le symbole: place de la Concorde à Paris, des manifestants mobilisés pour l'essentiel par l'Action française, le mouvement nationaliste et royaliste de Charles Maurras, convergent pour protester contre le départ du préfet de police de Paris, Jean Chiappe, réputé proche des ligues. La manifestation vire à l'émeute, la réponse policière se solde par quatorze morts et plusieurs dizaines de blessés dans les rangs nationalistes. La gauche, elle, voit dans l'émeute du 6 février une fracture profonde, une tentative de l'extrême droite de prendre le pouvoir. Ce qui va progressivement la conduire à s'unir dans le cadre du Front populaire.

Celui-ci, d'ailleurs, répond largement à une volonté de la base militante. Le 12 février 1934, deux cortèges de manifestants décident de fusionner en scandant «unité!»: le…

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