Qui est réellement Jordan Bardella, président du Rassemblement national ?

Qui est réellement Jordan Bardella, président du Rassemblement national ?

Avec Jordan Bardella comme figure de proue, le parti d'extrême droite français, le Rassemblement national (RN), a infligé une défaite cuisante à l'alliance centriste du président Emmanuel Macron, en obtenant deux fois plus de voix lors des élections européennes de juin.

Cette défaite significative a conduit le président à prendre une décision surprenante en convoquant des élections législatives anticipées, prévues le 30 juin et le 7 juillet.

Né en 1995 à Saint-Denis, en banlieue parisienne, dans une cité HLM, d'une mère célibataire, le jeune prodige de la politique se présente comme un rescapé d'une banlieue difficile, gangrenée par la drogue et l'islam radical.

"Comme beaucoup de familles qui vivent dans ces quartiers, j'ai été confronté à la violence, voyant que ma mère n'arrivait pas à joindre les deux bouts", a-t-il déclaré lors d'une interview accordée à France 2 en avril.

La réalité est cependant beaucoup plus nuancée.

Le récit du "self-made man" remis en question

L'enfance de Jordan Bardella a été partagée entre l'appartement de sa mère et la maison de son père dans la ville beaucoup plus aisée de Montmorency, dans la banlieue nord de Paris.

Son père, qui dirigeait une entreprise de distribution de boissons et était relativement aisé, a été effacé de l'histoire de Bardella, a déclaré Pierre-Stéphane Fort, un journaliste d'investigation qui a récemment publié une biographie non autorisée du jeune homme politique.

"Bardella a fréquenté des écoles privées essentiellement catholiques. Lorsqu'il était adolescent, son père l'a emmené faire un long voyage aux États-Unis. À 19 ans, son père lui a acheté une Smart. À 20 ans, il a offert à son fils un appartement dans une banlieue parisienne aisée du Val d'Oise. Mais tout cela ne cadrait pas avec le storytelling politique. Il a donc été effacé", a déclaré M. Fort à Euronews.

Une récente enquête du Monde a tenté de trouver des traces du jeune Bardella dans le quartier de Saint-Denis, qui est devenu central dans son récit de "self-made man", mais n'a pas trouvé grand-chose.

Peu d'habitants se souviennent d'avoir vu Bardella dans le quartier, et les rares qui s'en souviennent ne se rappellent pas s'il avait un intérêt particulier pour la politique ou l'extrême droite.

L'engagement de Bardella dans la politique a commencé à l'âge de 16 ans, lorsque le jeune homme a rejoint le Rassemblement national (connu à l'époque sous le nom de Front national).

À l'époque déjà, Bardella arborait son look épuré caractéristique. Il se rendait aux réunions politiques en costume, les cheveux gominés, cherchant à incarner la dédiabolisation initiée par Marine Le Pen, pour se débarrasser du passé xénophobe et antisémite du RN.

"Très tôt, Bardella a compris que pour gravir les échelons, il devait être irréprochable", a déclaré le biographe, se référant à des entretiens avec d'autres membres du parti qui ont connu Jordan Bardella au début de sa carrière.

Quelques années plus tard, le jeune homme abandonne l'université pour rejoindre le parti à plein temps.

Il a été successivement conseiller régional, porte-parole et vice-président du parti avant de conduire la liste du Rassemblement national aux élections européennes de 2019, à seulement 23 ans.

En novembre 2022, il a été élu successeur de Marine Le Pen à la présidence du parti d'extrême droite.

Il est actuellement député européen et est pressenti pour devenir Premier ministre de la France si son parti remporte la majorité absolue lors des prochaines élections législatives.

Selon M. Fort, l'ascension fulgurante de M. Bardella a beaucoup à voir avec sa relation amoureuse avec la fille d'un ancien conseiller du RN, Frederick Châtillon, l'ancien président du Groupe Union Défense (GUD), une organisation étudiante d'extrême droite dissoute par le gouvernement mercredi.

Jordan Bardella, à gauche, et Marine Le Pen saluent la foule lors d'une manifestation du Rassemblement national à Fréjus, en France.
Jordan Bardella, à gauche, et Marine Le Pen saluent la foule lors d'une manifestation du Rassemblement national à Fréjus, en France. - AP Photo

Sa priorité : son image publique

Jordan Bardella est la première personne qui n'est pas membre de la famille Le Pen à diriger le Rassemblement national.

Marine Le Pen, qui est arrivée deuxième aux deux dernières élections présidentielles, est restée à la tête du groupe RN à l'Assemblée nationale et devrait se représenter en 2027.

Mais son jeune successeur, qui compte plus d'un million de followers sur TikTok, s'avère être un atout majeur pour attirer une foule plus jeune à voter pour le parti.

Jordan Bardella a cultivé sa personnalité dans les médias, avec des apparitions à la télévision, et s'est montré habile sur les plateformes de réseaux sociaux, où il utilise des techniques telles que la musique en vogue, les effets sonores et les clips vidéo ad hoc, qui se sont révélés être un terrain fertile pour attirer les jeunes électeurs.

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, au Parlement européen, mardi 16 janvier 2024 à Strasbourg.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, au Parlement européen, mardi 16 janvier 2024 à Strasbourg. - AP Photo

Mais ses détracteurs l'accusent de passer trop de temps à cultiver son image publique au détriment des questions politiques cruciales.

Manon Aubry, députée européenne de gauche, l'a qualifié de "parlementaire fantôme", citant ses fréquentes absences de l'hémicycle européen au cours des cinq dernières années.

Cela fait écho aux observations de M. Fort, qui décrit M. Bardella comme un caméléon.

"Il change très souvent d'avis et est capable par exemple de dire droite mais d'aller à gauche", a déclaré le journaliste.

"Lorsqu'il parle aux jeunes, il est une sorte de champion des droits des femmes, qui veut lutter contre le réchauffement climatique. Il comprend que ce sont des questions importantes pour les jeunes. Mais quand on regarde ses votes au Parlement européen, on se rend compte qu'il fait le contraire de ce qu'il dit sur les réseaux sociaux. Par exemple, à plusieurs reprises, il a refusé de condamner l'interdiction de l'avortement en Pologne", explique le journaliste.

Mais au final, "le vrai patron reste Marine Le Pen, pas Jordan Bardella", rappelle Pierre-Stéphane Fort.