"Projets Mbappé" dans le foot amateur: les éducateurs, une cible des parents des jeunes joueurs

"Projets Mbappé" dans le foot amateur: les éducateurs, une cible des parents des jeunes joueurs

À Linas-Montlhéry (91), on n’avait encore jamais vu ça. Le 2 décembre dernier, un jeune éducateur de 18 ans de la catégorie U9 s’est fait frapper au visage par un père agacé de voir son fils sur le banc de touche. "Depuis quelque temps nous constatons une recrudescence d’agressions verbales ainsi que l’agressivité de certains parents à l’égard de nos éducateurs, détaille Michaël Bertransetti le président du club essonnien. Cet épisode monte d’un cran dans la violence. C’est la goutte qui fait déborder le vase."

Un comportement loin d’être un épiphénomène le long des mains-courantes. À Montrouge (92), un parent, en colère suite à la non-convocation de son fils, a menacé physiquement l’entraineur des U17 le 12 décembre dernier. Montrouge, un club qui accueilli Ben Arfa, Ludovic Blas, Demba Ba et beaucoup de futurs pros.

"Ce qui s’est passé n’est pas une première, témoigne le responsable des jeunes du MFC92 Guillaume Rigelo. On s’est trop longtemps tu. Ces agressions existent depuis plusieurs saisons. Il fallait qu’on en parle, que les éducateurs parlent de leur insécurité sur leur lieu de travail ou de bénévolat. On ne se sent plus en sécurité."

Des entraînements à huis-clos voire supprimés

L’entourage familial des jeunes joueurs ou joueuses est visé. Trop présents, trop interventionnistes dans chaque décision prises par l’entraineur, les parents n’hésitent plus à manifester leur mécontentement avec violence. Certains parlent de "Projet Mbappé" pour pointer du doigt l'envie démesurée de certains parents de faire de leur enfant la future star du football mondial.

"On reçoit régulièrement des messages, des vocaux tard le soir, soulève Marc Rafa, responsable des jeunes à Mérignac-Arlac, le club de Nouvelle-Aquitaine qui recense le plus de licenciés (plus de 850). Tu te réveilles le lendemain et parfois certains sont supprimés, d’autres non. Tous les parents ne sont pas comme ça mais on travaille sur les barrières à mettre pour que l’éducateur ne soit pas dérangé à 23h le soir par des parents qui veulent parler du match ou de la séance du jour."

Difficile d’intervenir malgré tout. Plusieurs clubs ont décidé pour marquer le coup de supprimer des séances d’entrainement ou de basculer les séances à huis-clos. "Les papas se prennent pour des coachs, confie Pascale Choquet président du club de Thiais dans le Val de Marne (94). Les mamans moins mais elles donnent quand même des consignes même si elles n’y connaissent rien. On entend beaucoup : ‘Oui mais moi j’ai fait 20 ans de foot…’"

Les éducateurs se mobilisent pour enfin être entendus

"Communiquer avec les parents, c’est la clé. Mais il y a une telle pression de certains parents sur leur fils, parce qu’ils veulent qu’il passe pro et que leur retraite soit assurée derrière…" À Mérignac-Arlac on souhaite éviter les huis clos "parce qu’on est seulement un support à l’éducation, poursuit Marc Rafa. On fait beaucoup de pédagogie mais c’est difficile de priver les parents qui ont une bonne attitude de la relation qu’ils développent avec leur enfant au foot. On n’est pas l’école."

À Thiais, Pascale Choquet a fait placer une bâche le long du terrain. Les enfants y ont eux-mêmes inscrit un message demandant aux membres de leurs familles venus les soutenir de ne pas crier ou insulter l'adversaire et de respecter l'entraîneur.

Les éducateurs d’Île-de-France se sont eux mobilisés vendredi dernier à Montfermeil pour manifester leur colère face à des situations qu’ils maitrisent de moins en moins. Ils étaient une quarantaine à vouloir créer une association pour que leur parole soit enfin entendue et éviter ainsi qu’un drame se produise le long des terrains.

Article original publié sur RMC Sport