Pourquoi la Pride des Banlieues dénonce le pinkwashing d’Israël en pleine guerre à Gaza

LGBT + - « Pas de fiertés sans la Palestine. » C’est le message que veut faire passer la Pride des Banlieues, marche des fiertés des quartiers populaires, qui a lieu ce samedi 22 juin à La Courneuve. À travers des posts sur Instagram, mais aussi une tribune publiée dans Politis, les organisateurs souhaitent notamment dénoncer le « pinkwashing » opéré par Israël.

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« Le pinkwashing, c’est un procédé utilisé par une entreprise, un parti politique ou dans le cas d’Israël, un État, pour redorer son image en utilisant de droits LGBTI + », explique au HuffPost Shahrazed, porte-parole de la Pride des Banlieues. « C’est un enjeu tous les ans, ajoute-t-elle. Les entreprises commencent à arborer des drapeaux arc-en-ciel, on voit des chars MasterCard pendant les marches… Mais c’est une façade, avec rien de concret derrière ».

« S’agissant d’Israël, il y a un sens particulier qui est donné », précise Flora Bolter, codirectrice de l’observatoire LGBT + de la Fondation Jean Jaurès. « La politique de communication d’Israël tend à mettre en avant les aspects les plus progressistes, notamment les droits LGBTI + pour mieux faire oublier ses atteintes au droit international et humain ».

L’un des exemples les plus parlants de ce pinkwashing opéré par Israël, c’est une photo publiée par le gouvernement israélien sur Instagram en novembre dernier. Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo ci-dessus, elle montre un soldat israélien, tenant un drapeau arc-en-ciel devant les ruines à Gaza. Dessus, au feutre noir, il est écrit « Au nom de l’amour ».

Une opération marketing financée par l’État

« Ça a été un travail conscient, mené par le gouvernement israélien dans les années 90, 2000 et 2010, explique Déborah Rouach, cofondatrice de l’Institut du genre en géopolitique, premier centre dans ce domaine en France. Il y a eu un plan d’action marketing financé par l’État, qui s’est traduit par une forte communication destinée à l’international, notamment aux hommes homosexuels, pour créer un tourisme LGBTI + ».

Cette campagne marketing, elle a été documentée par le journaliste Jean Stern en 2017 dans son livre Mirage gay à Tel Aviv. Ce dernier explique qu’à travers des publicités, des émissions, ou encore la Gay Pride de Tel Aviv, le gouvernement israélien a cherché à attirer des touristes, et à redorer son image. Des efforts qui à l’époque, coïncident avec des conflits armés ternissant l’image du pays.

« Dans les années 2000 on a la seconde intifada, et en 2008 il y a une guerre à Gaza qui est beaucoup critiquée à l’international », raconte Nitzan Perelman, doctorante en sociologie politique et fondatrice de Yaani, un blog de chercheurs portant sur les contextes israélo-palestiniens. « Et donc Israël décide de mettre en avant cette image progressiste, pour faire oublier à la communauté internationale la répression que les Palestiniens subissent ».

Une réalité pas toujours rose

Alors oui, derrière ce marketing, il y a de vraies avancées qui sont faites en Israël pour les droits des personnes queers. Interdiction des discriminations à l’emploi (1992), autorisation du changement légal de genre (2015), interdiction des thérapies de conversion (2022), GPA pour tous (2022)… « Si on regarde les lois, on peut dire que c’est un pays progressiste et qui, avec certains pays, est même en avance », avance Déborah Rouach.

Mais au quotidien, ce n’est pas si simple. Si l’union civile entre personnes du même sexe est autorisée, le mariage reste illégal. Aussi, dans son gouvernement, Benjamin Netanyahu a fait entrer des personnalités d’extrême droite, racistes et homophobes qui remettent en question ces droits acquis.

« Il ne faut surtout pas oublier qu’en 2015, pendant la marche des fiertés à Jérusalem, un ultraorthodoxe a tué et poignardé une jeune fille de 16 ans en train de marcher avec ses amies, se rappelle Nitzan Perelman. L’image n’est pas aussi rose que présente l’État ».

Déshumanisation de la Palestine

Pour justifier son offensive sur Gaza, Israël continue de s’appuyer (notamment sur les réseaux sociaux) sur la défense des droits LGBT +. Et s’il est vrai que le Hamas et l’autorité palestinienne entretiennent ouvertement l’homophobie et la transphobie, voir Israël comme un refuge pour les Palestiniens queers semble exagéré.

« Les personnes queers qui fuient les territoires palestiniens sont acceptées en Israël, mais elles n’ont pas de droits », indique Déborah Rouach. « Elles ont seulement accès à un permis de résidence temporaire et à des contrats de travail courts. Cela les place dans des situations extrêmement précaires, et traduit la volonté très claire d’Israël de ne pas les accueillir de manière permanente. »

Tout cela est particulièrement vrai depuis le 7 octobre, et la riposte d’Israël sur la bande de Gaza, qui a fait plus de 37 000 morts en huit mois, dont une majorité de femmes et d’enfants.
« La réelle menace aujourd’hui pour les queers palestiniens, c’est Israël », martèle Shahrazed, rappelant le mot d’ordre de la Pride des Banlieues. « Oui, les queers palestiniens existent, et ils se font massacrer au même titre que tous les autres palestiniens ».

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