Pourquoi l'avènement de Nicolas Depoortere chez les Bleus n'était qu'"une question de temps"

"Nico, aujourd’hui, il a montré qui il était. De toute façon, on est d’accord pour dire que c’est une question de temps. Mais qu’il fera partie du futur du très haut niveau. Pour l’instant, il construit son chemin. En tous cas, nous, à l’UBB, on est content de l’avoir. Tôt ou tard, il aura ce qu’il mérite". L’hommage est signé Yannick Bru, manager de l’Union Bordeaux-Bègles, après une nouvelle masterclass de son trois-quarts centre ce samedi face au Racing 92 (21-5) et un doublé, dont un époustouflant essai de 90 mètres.

"La double accélération est assez incroyable et nous a grandement servis", confirme Bru.

Elle vient après son essai du même type, le 4 février dernier à Toulon, décisif dans l’obtention de la victoire pour les Bordelais (32-37). On connaissait le Depoortere passeur, rouage du milieu de terrain girondin, excellent devant et dans la défense, on a découvert des qualités athlétiques qui ne gâchent en rien sa facilité technique.

Depuis des mois, l’homme semble être la bonne étoile de l’UBB, comme lors de ses premiers pas chez les pros, le 23 décembre 2022. A La Rochelle, il remplace Rémi Lamerat à 10 minutes de la fin et son équipe s’impose (8-12) après six défaites consécutives et huit ans de disette à Marcel Deflandre. En six mois et à seulement 20 ans, il fait partie de la rotation mais doit se contenter de sorties de banc, jusqu’à la demi-finale perdue à Saint Sébastien, encore face aux Rochelais (24-13).

Une association "made in French Flair"

L’été 2023 va tout changer. S’il voit son pote Louis Bielle-Biarrey prendre la direction de la préparation à la Coupe du monde avec le XV de France, lui va survoler le championnat du monde U20 en Afrique du Sud: cinq matchs, cinq essais, titulaire en deuxième centre aux côtés du Toulousain Paul Costes, pour une association "made in French Flair" à vous faire lever de leurs sièges les amoureux de beau jeu. Et un titre de champion du monde pour une génération dorée en compagnie des Tuilagi, Nouchi, Gazzotti, Jegou, Jauneau ou Reus.

Allait-il pour autant réussir à passer le cap du très haut niveau? Et comment! Depoortere continue sur l’autoroute du succès, cassant les barrières de péages des défenses sur sa trajectoire. Quinze matchs de Top 14, trois de Champions Cup (où on se rapproche du niveau international), seize titularisations et six essais pour mettre tout le monde d’accord. Au sein du rugby français, son talent commence à bruisser dans les conversations.

Et comme d’autres génies précoces, ne lui parlez pas d’âge. Quelques jours après ses 21 ans (le 13 janvier), Fabien Galthié le convoque dans le groupe des 34 pour préparer le Tournoi 2024 et dès le début du rassemblement, une question taraude observateurs et supporteurs: le sélectionneur osera-t-il aligner celui qui fait saliver les amateurs de beau jeu?

Mais Galthié reste fidèle à sa logique. La sélection se mérite, il faut passer des paliers et le rugby n’est pas la "Star Academy". Sous-entendu, l'avis du public compte peu et par ailleurs, on ne touche pas à la paire Danty-Fickou, la plus utilisée sous l’ère Galthié (18 associations en 47 matchs) et au cœur de tous les succès récents.

"Encore plus un rêve" aux côtés de Gaël Fickou

En attendant, à Mayol ou à Chaban-Delmas, Nicolas Depoortere continue son festival domestique. Il faut attendre des résultats en dent de scie du XV de France, l’expulsion de Danty face à l’Italie et sa suspension pour que l’intervalle s’ouvre. "De nouveaux visages apparaissent, on se rend compte que la jeunesse prend le pouvoir dans les clubs, en Top 14, tous les week-ends, constate le co-entraîneur des Bleus William Servat. Vous voyez cette euphorie qu’il peut y avoir, cet enthousiasme. Toutes les équipes sont faites de ce renouvellement en interne. Et aujourd’hui, l’équipe de France bénéficie de ces qualités de joueurs".

Amen. Voilà Depoortere adoubé. Comme aime à dire le staff, il est venu chercher le maillot. Il lui reste maintenant à appréhender le match de dimanche comme il a abordé les derniers mois.

"Je suis quelqu’un de simple, qui ne se prend pas le chou", avoue l’intéressé.

Comme souvent avec cette génération, la notion de pression ne semble pas les atteindre. "Avec les U20, on jouait déjà tous en pros, dans un championnat dur comme le Top 14. Mais c’est aussi dû aux grands qui nous entourent. Que ce soit en club ou avec le XV de France, notre nouvelle génération est très bien intégrée. Et ça donne confiance en nous".

Notamment aux côtés de Gaël Fickou, 88 sélections, bientôt 30 ans et 11 ans en bleu, avec qui il sera associé à Cardiff, "encore plus un rêve avec un des meilleurs centres qui puissent exister actuellement, qui a fait partie de toutes les générations de l’équipe de France et c’est extraordinaire pour mon avenir. C’est toujours un plus d’être accompagné d’un joueur comme ça". Alors, même pas peur du Millenium et de ses chœurs gallois?

"80.000 personnes, ce n’est pas rien! J’aurai peut-être une petite pression. Je vais essayer de faire abstraction de tout ça", s'encourage Nicolas Depoortere.

Pour continuer à voler au milieu du terrain, redonner des couleurs au XV de France et, qui sait, signer un long bail avec les Bleus.

Article original publié sur RMC Sport