Pourquoi Emmanuel Macron renoue avec le format de la conférence de presse ce mardi soir

Pourquoi Emmanuel Macron renoue avec le format de la conférence de presse ce mardi soir

Après Gabriel Attal qui a multiplié les déplacements depuis sa nomination à Matignon, place à Emmanuel Macron ce mardi soir. Le président va longuement s'exprimer lors d'une conférence de presse. Si le format n'est pas inédit pour le chef de l'État, qui l'a déjà pratiqué, il ne fait pas partie de ceux qu'il affectionne. L'exercice a cependant plusieurs avantages.

• Une conférence de presse qui casse les codes habituels du président

En bientôt sept ans de mandat, le chef de l'État ne s'est plié à la pratique qu'à deux reprises: une fois en avril 2019 pour restituer les enseignements du Grand débat après la crise des Gilets jaunes et une seconde fois en décembre 2021 pour lancer la présidence tournante de l'Union européenne, quelques semaines avant le début de la guerre en Ukraine.

Ces dernières années, le président a préféré le format de longs entretiens dans la presse régionale, les allocutions ou encore les interviews télévisées. Mais pour "le rendez-vous avec la Nation" promis, l'exercice a le mérite de jouer la carte de la différence.

"Dans la gamme des possibles, il lui restait assez peu de notes. Donc le choix a été fait d'un exercice où on l'a peu vu. C'est assez malin. Ce n'est pas tout à fait neuf mais ce n'est pas non plus vu cent fois", nuance Gaspard Gantzer, l'ancien responsable de la communication de François Hollande, auprès de BFMTV.com

Avec cependant un risque: qu'il n'en ressorte pas grand-chose. En 2019, le président avait bien fait quelques propositions nouvelles comme la retraite minimale à 1.000 euros ou l'objectif du plein emploi d'ici à 2030 tout en précisant plusieurs mesures comme la fin de l'ENA. Sans guère marquer les esprits.

Quant à la conférence de presse de décembre 2021, Emmanuel Macron avait levé le voile sur les grands axes de sa présidence tournante de l'UE mais avait surtout profité de l'occasion pour tancer ses adversaires politiques en pleine campagne présidentielle.

L'Élysée a cependant promis de fixer "le sens profond de l’action pour ce nouveau gouvernement au moment où se jouent les grands défis que nous serons amenés à relever pour les 10 prochaines années".

Autrement dit, des annonces concrètes pourraient avoir lieu, directement liées aux thématiques évoquées par le président lors de ses vœux du 31 décembre dernier comme le réarmement civique", "économique" ou celui lié "aux services publics".

• Un format qui inscrit Macron dans les pas de ses prédécesseurs

Confronté aux difficultés d'un second mandat et contraint de composer avec une majorité relative à l'Assemblée nationale, le président veut prendre de la hauteur. Direction donc les références de la Ve République dont certaines de ses figures ont adoré l'exercice.

"Le format s'inscrit dans la tradition gaulliste", explique ainsi un proche d'Emmanuel Macron.

Lorsqu'il est à l'Élysée, Charles de Gaulle, qui est le premier à se plier à la conférence de presse, n'en organise pas moins de 17 en l'espace d'une décennie. Georges Pompidou se prête lui aussi au format près d'une dizaine de fois tout comme François Mitterrand.

Depuis, l'exercice est vu avec réticence. Nicolas Sarkozy qui avait promis de réunir la presse deux à trois fois par an le fera seulement une poignée de fois. Même topo pour François Hollande.

"Vous êtes sous les dorures de l'Élysée, seul sur une estrade. Il y a un côté monarchique qui redonne un peu de lustre au président qui rechigne rarement à jouer du décorum", décrypte Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences-Po Paris.

• Un exercice qui permet à Emmanuel Macron d'asseoir son autorité

Entre un Premier ministre au profil très politique, éloigné de ceux de Jean Castex et d'Élisabeth Borne, susceptible de faire de l'ombre à terme au chef de l'État et de fortes têtes au gouvernement, le président a intérêt à rappeler qui est le patron.

Il faut dire que l'arrivée de Rachida Dati, connue pour son franc-parler souvent acide, et le maintien de plusieurs poids lourds comme Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire, contraint le chef de l'État à faire acte d'autorité pour s'assurer de garder la main.

"Vous êtes sur scène, vous pouvez distribuer les claques ou les caresses, remettre à leur place ceux que vous voulez. Là où dans une interview, vous avez un temps contraint avec une ou deux piques, là, vous pouvez en distribuer pendant plusieurs heures", explique un ancien conseiller d'Emmanuel Macron.

Le chef de l'État devrait aussi rappeler à une partie de sa majorité, secouée après la loi immigration et l'arrivée de ténors de droite, qu'il la souhaite loyale.

"Il faut faire attention", met cependant en garde Gaspard Gantzer. "Si vous faites des petites phrases contre Édouard Philippe ou en critiquant l'aile gauche de Renaissance, vous avez le risque qu'on ne retienne que ça".

• Un format pour lancer le match des européennes

À la peine dans les sondages à six mois du scrutin européen, le président va profiter de sa conférence de presse pour lancer officiellement les hostilités. Pour l'instant sans tête de liste et désormais privé de son chef de file à Bruxelles, Stéphane Séjourné, nommé au Quai d'Orsay, Renaissance est largement dépassée par le Rassemblement national.

Jordan Bardella est ainsi près de 10 points devant la majorité présidentielle dans les derniers sondages.

"On peut imaginer que le président va décocher ses flèches, expliquer ce que serait l'Union européenne si les populistes gagnaient, dire qu'on n'aurait jamais pu avoir autant de vaccins contre le Covid-19 ou soutenir autant l'Ukraine sans des forces progressistes à Bruxelles", avance un député macroniste.

"Ça va lancer le match alors que pour l'instant le RN est seul dans la course", remarque encore Gaspard Gantzer, l'ex-communicant de François Hollande. Gabriel Attal s'exprimera à son tour longuement la semaine prochaine pour son discours de politique générale.

Article original publié sur BFMTV.com