Attal à Matignon, "une chance" ou le risque de "faire de l'ombre" à Macron? Un choix à double tranchant

L'arrivée de Gabriel Attal au poste de Premier ministre soulage la macronie qui se félicite d'un casting très politique. Mais le plus jeune chef de gouvernement depuis 1958 possède une popularité au firmament qui pourrait à terme gêner le chef de l'État.

Un profil inédit depuis 2017. En propulsant Gabriel Attal à la tête du gouvernement ce mardi, Emmanuel Macron joue son va-tout pour relancer un second quinquennat à la peine.

Le calcul va-t-il vraiment lui permettre de "réarmer" son mandat tout en freinant la montée du Rassemblement national à six mois d'un scrutin européen à très haut risque? Dans la macronie, on affiche son optimisme.

"C'est un homme d'action qui incarne l'innovation, l'espoir. C'est un nouveau souffle pour nous. On renoue avec le dépassement. Je suis très impressionnée par son parcours", s'enthousiasme la députée Renaissance Violette Spillebout, réputée proche de Gérald Darmanin, auprès de BFMTV.com.

"Inédit quelqu'un comme lui à Matignon"

"Si même l'aile droite de la majorité est contente, c'est dire qu'on a vraiment trouvé la perle rare", plaisante de son côté un conseiller ministériel.

Si plusieurs poids lourds du gouvernement n'apprécient guère la promotion de Gabriel Attal, désormais plus jeune Premier ministre de toute l'histoire de la Ve République, les voix discordantes se font rares en public.

Il faut dire que le parcours du nouveau locataire de Matignon a de quoi impressionner. En l'espace de seulement sept ans, celui qui s'est fait élire député en 2017, avant de rentrer au gouvernement par la petite porte en 2018 comme secrétaire d'État, a coiffé au poteau tous ses concurrents.

Bye bye également les profils de Premier ministre affectionnés jusqu'ici par Emmanuel Macron. Depuis son arrivée à l'Élysée, le chef de l'État a toujours veillé à nommer des énarques au profil très administratif et souvent méconnus voire totalement inconnus des Français.

"C'est inédit d'avoir quelqu'un comme lui à Matignon. Avoir le sens de la formule, être sensible, humain, le tout couplé à une capacité de faire. C'est très rare et c'est une grande chance", sourit l'ex-député macroniste Guillaume Chiche dont il est resté proche.

"Le président s'est acheté du temps"

Le jeune homme a également l'avantage d'être très populaire, là où Élisabeth Borne était à la peine ces derniers temps. Déjà identifié des Français depuis le porte-parolat en pleine crise du Covid-19, le nouveau chef du gouvernement a explosé à l'Éducation nationale. Lutte contre le harcèlement scolaire, interdiction de l'abaya, "choc des savoirs"...

Si son passage de seulement six mois rue de Grenelle ne permet pas de faire un bilan, force est de contester qu'il a manifestement imprimé dans l'esprit des Français. Début janvier, Gabriel Attal frôlait les 40% d'opinions favorables dans un sondage Ipsos, se payant le luxe de dépasser Édouard Philippe.

"Le meilleur Premier ministre aujourd'hui, c'est celui qui communique le mieux, qui imprime. C'est clair que le président compte bien s'appuyer sur cette popularité-là en espérant que ça rejaillisse sur lui", traduit Gaspard Gantzer, ex-conseiller de François Hollande qui a côtoyé Gabriel Attal pendant le quinquennat socialiste.

"Le président s'est acheté du temps avec lui. Son nouveau Premier ministre va faire des télés matin et soir et lui pourra se consacrer sur la diplomatie, essayer de se trouver un nouveau cap", décrypte encore le communicant.

"Ombre" ou "complémentaire"?

Au risque de se faire voler la vedette par son chef de gouvernement?

"Plutôt que de lui faire de l'ombre, il va être complémentaire du président", veut croire le patron des sénateurs macronistes François Patriat.

Dans les rangs de la majorité présidentielle, personne n'a cependant oublié qu'Édouard Philippe avait commencé à agacer Emmanuel Macron lorsque son Premier ministre de l'époque était devenu plus populaire que lui.

"Il y avait ce sujet mais ils n'étaient souvent pas d'accord sur un certain nombre de choix à faire pour le pays. On ne peut pas résumer le départ de Philippe à une jalousie du chef de l'État", nuance un conseiller ministériel.

"Pas l'habitude qu'on marche sur ses plates-bandes"

Emmanuel Macron a d'ailleurs bien l'intention de tenir la bride courte. "Je sais pouvoir compter sur votre énergie et votre engagement pour mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération que j'ai annoncé", a fait savoir le chef de l'État sur X (anciennement Twitter).

"C'est sûr que le président n'a pas l'habitude qu'on marche sur ses plates-bandes et que si c'était le cas, ça ne se passerait pas bien", remarque un ancien conseiller du président.

"Se la jouer proche des gens"

Le message semble avoir été reçu 5 sur 5 par Gabriel Attal. Lors de sa passation de pouvoir ce mardi après-midi, le nouveau Premier ministre a assuré Emmanuel Macron de "sa gratitude" et de "sa fidélité".

Signe de sa volonté d'aller dans le concret dès son arrivée à Matignon, Gabriel Attal s'est rendu ce mardi soir dans le Pas-de-Calais, confronté à de nouvelles inondations, aggravées par le froid.

"Il va sûrement surjouer le côté proche des gens tout en essayant de faire tourner la majorité à l'Assemblée. Et même s'il risque d'agacer le président, on va vite se rendre compte qu'après Borne à Matignon, ça va nous faire du bien d'avoir quelqu'un qui fait de la politique", veut croire un député Renaissance.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - France : le ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, nommé Premier ministre