Le Mexique et le Nicaragua rompent avec l'Equateur après un raid dans l'ambassade du Mexique

La crise diplomatique est amorcée. Le Mexique, suivi du Nicaragua ce samedi 6 avril, ont rompu leurs relations diplomatiques avec l'Equateur, après l'irruption de policiers dans l'ambassade mexicaine à Quito pour arrêter un ex-vice président équatorien, Jorge Glas, qui s'y est réfugié.

L'opération policière au sein de la représentation diplomatique mexicaine a été vivement critiquée par les gouvernements de gauche d'Amérique latine, du Brésil au Venezuela, en passant par le Chili.

La présidente du Honduras, Xiomara Castro, qui assure la présidence temporaire de la Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a elle appelé à une réunion "d'urgence" de la "troika" lundi.

Une "violation" de "la souveraineté du Mexique"

Des images diffusées par des médias locaux montrent l'entrée de policiers en uniforme dans l'ambassade, dans le nord de la capitale équatorienne, où ils ont arrêté Jorge Glas, recherché par la justice, auquel Mexico venait d'accorder l'asile.

Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a dénoncé une "violation flagrante du droit international et de la souveraineté du Mexique". "Le Mexique annonce la rupture immédiate des relations diplomatiques avec l'Equateur", a écrit dans la foulée la ministre des Affaires étrangères Alicia Barcena, sur X.

Elle a demandé "les garanties nécessaires de la part de l'Equateur pour la sortie du personnel (diplomatique) mexicain", selon un communiqué publié samedi.

Soutien international

Samedi matin, l'ambassade mexicaine était encerclée par la police et le drapeau national avait été retiré de son mat dans la cour du bâtiment, a constaté un photographe de l'AFP. Le Nicaragua, qui a exprimé sa "solidarité" avec le Mexique, lui a emboité le pas.

"Face à l'action inhabituelle et condamnable (...), qui suscite un rejet irrévocable, nous prenons la décision souveraine de rompre toute relation diplomatique avec le gouvernement équatorien", a déclaré le gouvernement du président Daniel Ortega dans un communiqué.

Le gouvernement brésilien a lui condamné "dans les termes les plus fermes" l'opération policière dans l'ambassade mexicaine, la qualifiant "de claire violation" des conventions internationales, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva exprimant sur X "toute sa solidarité avec le président et ami Lopez Obrador".

"C'est un scandale"

Sur les images publiées dans les médias locaux, on y voit le chef de la mission diplomatique mexicaine, Roberto Canseco crier "c'est un scandale!" en courant après des véhicules quittant son ambassade. S'en suit une bousculade, au cours de laquelle Roberto Canseco tombe à terre.

Le Mexique a accordé vendredi l'asile à Jorge Glas, réfugié depuis le 17 décembre dans son ambassade à Quito et visé par un mandat d'arrêt pour corruption présumée. Quito a dans la foulée qualifié cette décision d'"illégale".

"Chaque ambassade a un objectif unique : servir d'espace diplomatique dans le but de renforcer les relations entre les pays", a commenté le ministère équatorien de la Communication, en ajoutant qu'"aucun criminel ne peut être considéré comme une personne politiquement persécutée". L'ancien vice-président "Jorge Glas a fait l'objet d'une condamnation exécutoire et d'un mandat d'arrêt émis par les autorités compétentes", a-t-il précisé.

L'ambassadrice mexicaine à Quito expulsée

L'octroi de l'asile à Jorge Glas était intervenu au lendemain de la décision de l'Equateur d'expulser l'ambassadrice mexicaine à Quito, à la suite de critiques émises par le président mexicain sur la conduite de la présidentielle équatorienne de 2023.

Mercredi, Lopez Obrador avait accusé les autorités équatoriennes d'avoir exploité l'assassinat du candidat d'opposition Fernando Villavicencio, le 9 août 2023, pour favoriser l'élection du libéral Daniel Noboa à la présidence de l'Equateur, au détriment de la candidate de gauche Luisa González.

Fernando Villavicencio a été abattu après un meeting de campagne dans le nord de Quito à quelques jours de l'élection du 20 août. Sept suspects ont été arrêtés pour ce crime, mais ont été tués en prison. Le gouvernement équatorien avait jugé ces propos offensants.

Jorge Glas soupçonné d'avoir détourné des fonds publics

Jorge Glas, ancien vice-président entre 2013 et 2017 sous l'ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017), est accusé d'avoir détourné des fonds publics destinés à la reconstruction de villes côtières après un séisme dévastateur en 2016.

Dans une autre affaire, Jorge Glas avait été condamné en décembre 2017 à six ans de prison pour corruption dans un vaste scandale impliquant le géant de la construction brésilien Odebrecht. Il avait été relâché de prison en novembre dernier.

L'ancien président Rafael Correa, fugitif condamné à huit ans de prison pour corruption, a écrit sur X que "même dans les pires dictatures, l'ambassade d'un pays n'a pas été violée". "Nous tenons Daniel Noboa pour responsable de la sécurité et de l'intégrité physique et psychologique de l'ancien vice-président Jorge Glas", a ajouté Rafael Correa.

Article original publié sur BFMTV.com