Menace terroriste: les jeunes de plus en plus ciblés par la propagande jihadiste?

Menace terroriste: les jeunes de plus en plus ciblés par la propagande jihadiste?

Alors qu'un adolescent de seulement 15 ans a été interpellé avec un couteau cette semaine près d'une synagogue de Strasbourg, la jeunesse de plusieurs suspects d'attaque terroriste, ou de tentative d'attaque, interroge. Souvent non liés à une organisation terroriste, ces suspects sont-ils devenus des cibles de la propagande jihadiste?

20 ans, 18 ans, 15 ans...

Qu'il s'agisse du meurtre ce mois-ci du professeur de lettres Dominique Bernard à Arras, dans le Pas-de-Calais, ou de celui de l'enseignant Samuel Paty en 2020, le profil des auteurs d'attentat apparaît comme particulièrement jeune: 20 ans dans le premier cas, 18 ans dans le second. Un adolescent de 15 ans a également été interpellé avec un couteau jeudi près de la synagogue de Strasbourg.

Depuis plusieurs années, les terroristes présentent un profil récurrent: un jeune âge, une origine caucasienne, l'absence d'appartenance à une organisation terroriste identifiée et de tout passé criminel.

Ces profils relativement isolés sont plus difficiles à identifier pour les services de renseignements, alors que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a affirmé ce dimanche dans le JDD craindre principalement une menace terroriste venue de "l'intérieur" et le fait de "gens auto-radicalisés".

"Le terrorisme a toujours été jeune", nuance cependant sur BFMTV Myriam Benraad, professeure en relations internationales à l'université Schiller à Paris. La différence aujourd'hui avec le terrorisme observé dans le passé est que "les mineurs ont accès à des contenus extrêmement violents de propagande sur Internet", précise-t-elle ensuite.

Des attaques à l'arme blanche ou à la voiture-bélier

"La génération actuelle n'a pas vraiment de terre de jihad accessible, comme ça a pu être le cas avec l'Irak et la Syrie ou précédemment pour l'Afghanistan par exemple", analyse pour BFMTV Alexandre Rodde, chercheur spécialisé dans le terrorisme et les tueries de masse.

"Ils n'ont pas accès à ce réseau potentiel et donc n'ont pas la capacité à se financer et à s'organiser", indique-t-il.

"C'est aussi pour ça qu'ils changent de mode d'action pour s'en remettre au plus simple", avec des attaques menées "à l'arme blanche" ou "au véhicule-bélier", accessibles à des individus isolés et parfois jeunes, explique le chercheur.

Une propagande très accessible sur Internet

Pour la chercheuse Myriam Benraad, les attaques terroristes de ces dernières années, si elles ne sont pas liées à des organisations terroristes, ne sont pas le fait de "loups solitaires", comme l'affirment certains.

"C'est un terrorisme inspiré notamment par une propagande jihadiste qui circule très librement sur les réseaux sociaux et donc assez facilement accessible", notamment auprès des jeunes.

"Dans la mesure où des individus, par ailleurs vulnérables, ont accès à ces contenus, (alors qu'ils) nourrissent des griefs envers nos sociétés, ils peuvent être inspirés", estime-t-elle, ce qui peut en faire des cibles idéales de propagande.

Des individus "manipulables"

L'absence de jihad en Syrie ou en Irak, avant le passage à l'acte, rend plus complexe l'interpellation de ces terroristes, souvent radicalisés en ligne. Le choix potentiel de cibler la jeunesse ne doit donc rien au hasard, selon la psychologue-clinicienne Johanna Rozenblum.

"Plus ils sont jeunes, plus ils sont manipulables", estime-t-elle auprès de BFMTV.

"C'est un vrai formatage, une emprise psychologue face à des jeunes qui n'ont pas de libre-arbitre, plus d'esprit critique" et sont manipulés pour "penser de façon violente et barbare", avance la psychologue.

"Plus de 1.000 mineurs" radicalisés recensés

Selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, la France compte "plus de 1.000 mineurs avec des fiches actives pour islamisme".

"Ce sont des mineurs radicalisés qui s'échangent des photos de décapitation, qui consultent de la propagande de Daesh", a énuméré sur BFMTV jeudi le ministre, évoquant des "radicalisations qui se font sur Internet".

La France a été placée en "urgence attentat", le niveau le plus élevé du plan Vigipirate, au lendemain de l'attaque au couteau dans un lycée d'Arras, tuant un enseignant de lettres le 13 octobre dernier.

Article original publié sur BFMTV.com