Législatives : quels sont les liens entre le Rassemblement national et la Russie ?

Financement, candidats aux législatives proches des élites russes, Thierry Mariani dans le viseur de la justice… Le positionnement du RN vis-à-vis de la Russie est une épine dans le pied du parti de Jordan Bardella.

Marine Le Pen et Vladimir Poutine, lors d'une rencontre au Kremlin, le 24 mars 2017 (Mikhail Klimentyev - AP - Sipa)
Marine Le Pen et Vladimir Poutine, lors d'une rencontre au Kremlin, le 24 mars 2017 (Mikhail Klimentyev - AP - Sipa)

À 10 jours du premier tour des législatives, le Rassemblement National, dont l’ancienne présidente Marine Le Pen affiché de nombreuses fois son soutien à la Russie, espère obtenir une majorité à l'Assemblée. Celle qui confiait en 2011 être en "admiration pour Vladimir Poutine" a même rencontré ce dernier, en 2017.

Dix ans après avoir obtenu des prêts russes (remboursés en septembre 2023) pour financer la campagne de son parti, Marine Le Pen n’a jamais cessé de trouver dans ses rangs plusieurs fervents soutiens de Vladimir Poutine. Aujourd’hui, plusieurs députés du parti d’extrême droite sont d'ailleurs accusés de franchir la ligne rouge.

Dans un article publié le 18 juin, Mediapart révèle que le Rassemblement national a investi au moins quinze candidats ayant entretenu des liens directs avec la Russie de Poutine entre 2015 et 2022. Dix d’entre eux, dont Thierry Mariani, auraient effectué des "missions d’observation électorales en Russie", payées par les Russes et épinglées en 2022 par la Commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères. Au retour de la délégation RN de Moscou, la vice-présidente du parti Hélène Laporte avait notamment rapporté y avoir vu "une leçon de démocratie". Une déclaration d'autant plus surprenante, lorsque l'on sait les critiques portées à la sincérité des scrutins en Russie : le Quai d'Orsay soulignait ainsi après la réélection de Vladimir Poutine en mars dernier que "les conditions d’une élection libre, pluraliste et démocratique" n’avaient pas été réunies.

En affichant ainsi leur soutien au régime de Vladimir Poutine, les 10 députés RN "validaient le discours et les actes du Kremlin", selon le rapport de la commission d’enquête. D'après Mediapart, d’autres députés RN aurait effectué des visites à haut niveau à Moscou, comme Joëlle Mélin avec le vice-ministre des affaires étrangères russe en 2017.

Enfin, d’autres accointances avec le régime de Vladimir Poutine ont émergé : l’avocat Pierre Gentillet, candidat dans le Cher pour ces législatives, est un familier des plateaux de la chaîne russe RT France ; il a également créé le Cercle Pouchkine, un think tank proPoutine, en 2015.

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Rémy Berthonneau, candidat en Gironde affirmant ne plus "avoir de lien avec la Russie" dans Sud Ouest, militait pourtant fin 2022 pour la levée des sanctions et la livraison des Mistral à la Russie.

Un nom revient souvent lorsqu’on cite les affaires d’ingérences avec la Russie : celui de l’ex-ministre des Transports du gouvernement Sarkozy, Thierry Mariani. Outre ses multiples voyages "d’observation" des élections russes, l’eurodéputé RN s’était aussi rendu en Crimée et au Kazakhstan de 2015 à 2021. Prorusse assumé, il a entre autres permis d’obtenir des prêts bancaires pour les campagnes de son parti. De quoi devenir l’un des relais politiques les plus influents entre France et Russie, mais aussi d’entrer dans le viseur de la justice française.

En 2021, Thierry Mariani était ainsi sanctionné par le Parlement européen pour ses missions d'observation en Crimée. L’année suivante, une enquête était ouverte pour corruption et trafic d’influence en lien avec l’association qu’il préside, "Dialogue franco-russe".

Enfin, en 2022, année où il entrait au RN, Thierry Mariani a exprimé sa position sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Sur BFM TV, il estimait que "les deux parties" avaient provoqué cette guerre. Il a également précisé à Nice matin que "si [l'Ukraine] avait respecté l’accord de Minsk II, signé en 2015, on n’en serait pas là".

L’enquête du Washington Post enfonce le clou

Après avoir consulté des documents russes, The Washington Post publiait une enquête concernant le Rassemblement national fin 2022. Il y accusait le parti de Marine Le Pen, mais aussi Thierry Mariani, de reprendre des éléments de langage du Kremlin pour affaiblir le soutien à l'Ukraine.

Le journal américain évoquait "un front de propagande caché en Europe occidentale", composé entre autres de "fermes de trolls créées par les stratèges politiques du Kremlin" pour imiter des internautes français et publier du contenu pro-russe sur les réseaux sociaux et critiquer le soutien occidental à l’Ukraine.

Laurent Jacobelli, porte-parole du RN, a vite dénoncé une "cabale" du Washington Post, tandis que Renaissance y a vu la preuve que "le RN est bien le porte-parole du Kremlin en France".

Pendant ce temps au Kremlin, on se frotte les mains. Le 10 juin, lendemain de la dissolution de l’Assemblée par Emmanuel Macron, Dmitri Peskov, un fidèle de Vladimir Poutine, disait suivre "avec attention" la "dynamique des formations de droite qui gagnent en popularité".