Législatives: pourquoi le RN n'est pas assuré d'avoir une majorité absolue au second tour

Le Rassemblement national a remporté le premier tour des élections législatives ce dimanche 30 juin et espère désormais obtenir une majorité absolue (au moins 289 députés) à l'Assemblée nationale lors du second tour. Jordan Bardella a prévenu qu'il ne briguerait le poste de Premier ministre qu'à cette condition mais cette large majorité n'est pas encore garantie.

Se dirige-t-on vers une vague bleu marine à l'Assemblée nationale après le second tour du 7 juillet prochain? Si oui, celle-ci permettra-t-elle au Rassemblement national et à ses alliés de briguer la majorité absolue, qui garantit a priori à l'exécutif de pouvoir faire voter ses projets de loi, sans composer avec d'autres groupes ou élus de la chambre basse?

Après le premier tour de ces législatives anticipées, le Rassemblement national et ses alliés (dont le LR Éric Ciotti) sortent vainqueurs incontestables avec 33,14% des voix. C'est cinq points au-dessus de la gauche unie sous la bannière du Nouveau Front populaire (27,99%). Une avance conséquente qui ne lui confère pas toutefois, l'assurance d'obtenir la majorité absolue dans le futur hémicycle.

Dans une lettre aux Français, révélée par BFMTV, Jordan Bardella a appellé les électeurs à "faire le choix d'une rupture responsable" et à lui donner "une majorité prête à agir, au service de tous les Français". Dimanche 30 juin, 38 députés Rassemblement national ont d'ores et déjà été élus dès le premier tour et 297 candidats de son alliance sont arrivés en tête au premier tour, contre 155 pour le Nouveau Front populaire (NFP) et 62 pour le camp présidentiel.

Mais plusieurs éléments conduisent à la prudence. La marge d'erreur des sondages d'abord. L'obtention d'une majorité absolue pour le Rassemblement national fait parti des scénarios les plus optimistes pour le parti lepéniste.

Selon nos premières estimations avec Elabe et la Tribune dimanche, le parti à la flamme peut tenter de briguer avec son score entre 255 à 295 députés. Bernard Sananes, président de l'institut de sondage, précise: la projection à 295 députés est la fourchette haute. La fourchette basse est relativement loin d'une majorité absolue. À noter également que l'enquête Elabe est la plus optimiste en projection de sièges pour le RN.

Selon ses estimations, le Nouveau Front populaire disposerait de 120 à 140 sièges, auxquels il convient d'ajouter les 11 à 12 députés de gauche dissidents. Le camp présidentiel pourrait obtenir de 90 à 125 parlementaires. Et les Républicains (délestés des pro-Éric Ciotti), 35 à 45.

Selon une projection Ipsos-Talan par exemple (à prendre avec précaution également), réalisée sur la base des résultats du premier tour, le RN et ses alliés pourraient disposer de 230 à 280. Contrairement à la perspective Elabe, celle-ci ne prévoit pas de majorité absolue pour le parti à la flamme. Mais une majorité relative très forte.

Pour rappel, à l'issue du 1er tour des législatives de 2022, les prédictions en sièges post-second tour avaient été largement sous-estimées. Ainsi le RN était envisagé à 15-30 sièges. C'est finalement 89 députés d'extrême droite qui ont fait leur entrée au Palais Bourbon au second tour. Du jamais vu et du jamais prévu.

À l’issue des élections législatives de 2022, Renaissance avait perdu sa majorité absolue à l’Assemblée nationale, malgré la large réélection d’Emmanuel Macron face à Marine le Pen. Sur plus de 350 députés sortants (avec ses alliés Modem et Horizons), moins de 250 avaient été réélus.

L'alliance des gauches, la Nupes (LFI, PS, EELV et PCF ), devenait la première force d’opposition avec 151 parlementaires (75 LFI, 31 PS, 23 écologistes, 22 communistes). Fin 2023, elle éclatait après des divergences entre ses membres.

Le Rassemblement national (RN) avait déjà créé la surprise en envoyant 89 députés à l'Assemblée (contre 8 en 2017). Et dépassé les Républicains, en net recul, qui avaient sauvé 62 sièges (contre plus de 110 sous la précédente législature).

Désistements, cas par cas, "ni-ni"... Post-premier tour, les consignes de vote ont fusé des bouches des différents chefs de parti. Ainsi, Gabriel Attal a appelé les candidats Ensemble arrivés troisième à se retirer dans les circonscriptions à triangulaires - et elles sont nombreuses cette fois-ci (entre 285 et 315).

"Dans plusieurs centaines de circonscriptions, nos candidats Ensemble pour la République seront présents au second tour et constitueront le meilleur choix pour éviter que le Rassemblement national ne dispose d'une majorité absolue", a poursuivi le Premier ministre.

"Dans d'autres circonscriptions", cela "passera par le désistement de nos candidats dont le maintien en troisième position aurait fait élire un candidat du Rassemblement national face à un autre candidat qui défend comme nous les valeurs de la République", a assuré Gabriel Attal.

Tous les chefs des partis de gauche unis poussent eux aussi vers un désistement de leurs candidats en cas de troisième position.

Dans la foulée de cette prise de parole, certains ministres ont annoncé se retirer. C'est le cas par exemple de Marie Guévenoux, la ministre des Outre-Mers, en ballotage défavorable dans la 9e de l'Essonne. Avec 27,11 % des suffrages, elle est arrivée derrière la candidate du Nouveau Front Populaire Julie Ozenne (37,6 %) et celui du Rassemblement national Paul-Henri Merrien (29,96 %).

"Ce soir, sans perspective de victoire, j'ai décidé de ne pas maintenir ma candidature", a déclaré sur X (ex-Twitter) la bientôt feu ministre et désormais feu députée.

Dans la 1ère circonscription de Marseille, la secrétaire d'État chargée de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, a, elle aussi, décidé de se retirer pour faire barrage au RN. Elle n’a obtenu que 23,61 % des suffrages, derrière la candidate du Rassemblement national Monique Grisetti (45,54 %) et celle Place publique, Pascaline Lécorché (26,90%). Un résultat inédit dans une circonscription dominée par la droite et le centre depuis 2007.

Devant quelques militants à la mine grave, face à ces résultats, l'ex-membre du gouvernement a annoncé dès dimanche soir: "Évidemment, je me retire. Il n’est même pas imaginable que je puisse me maintenir".

Toutes les positions des ministres en ballotage défavorable (à l'instar de Fadila Khattabi, de Dominique Faure ou encore de Patricia Mirallès) ne sont pas encore connues. De nouveaux désistements conséquents pour faire barrage au Rassemblement national pourraient donc venir grossir les rangs du Front républicain.

Contrairement à son premier ministre, Emmanuel Macron n'a pas donné de consignes plus claires que: "Face au Rassemblement national, l'heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour", a énoncé le président de la République dans une déclaration écrite.

Selon nos informations cependant, le chef de l'État a demandé à ses équipes d'étudier chaque circonscription pour trouver des alliances, y compris avec des candidats LFI, pour faire barrage au RN. Une nouvelle réunion stratégique a lieu ce lundi matin à l'Élysée.

Article original publié sur BFMTV.com