Législatives en Essonne: Jérôme Guedj en campagne "contre le RN" et pour peser sur la ligne à gauche

Le député socialiste Jérôle Guedj, le 5 janvier 2024 à Paris (Ludovic MARIN)
Le député socialiste Jérôle Guedj, le 5 janvier 2024 à Paris (Ludovic MARIN)

Deux ans après son élection comme député estampillé Nupes, le socialiste Jérôme Guedj, ancien proche de Jean-Luc Mélenchon devenu opposant farouche à la ligne de la direction insoumise, repart cette fois sans l'étiquette du Nouveau Front populaire, et face à son ancienne suppléante qui lui reproche ce choix.

"Le problème des campagnes c'est que la première cigarette est de plus en plus tôt", soupire le candidat avant de la jeter, lui qui reconnaît que "ce n'est pas la meilleure chose". Dès 7H30 il plante une affiche de campagne montée sur pied à l'entrée de la gare de Massy-Verrières.

Dans la longue procession de passagers marchant, baillant ou courant attraper un train pour Paris, certains adressent un mot d'encouragement, ou promettent d'aller voter le 30 juin. D'aucuns reconnaissent d'emblée l'homme de 52 ans, lâchent un "salut Jérôme". Pas tous. "C'est le Rassemblement national ?", demande une femme à son amie.

"Je compte sur vous, contre l'extrême droite", répète pourtant inlassablement le candidat. Car la banlieue sud n'est pas épargnée par la poussée du RN.

"C'est un ras-le-bol général, ma fille ne se sent plus en sécurité", gronde Florence, qui assume son vote RN. "Si ça se trouve ça ne changera rien mais on ne l'a pas essayé".

Parti socialiste, Ecologistes, PCF, Place publique, Parti radical de gauche... Le tract de Jérôme Guedj, qui recevra dimanche la tête de liste aux Européennes Raphaël Glucksmann dans sa circonscription, ne mentionne ni La France insoumise, ni le Nouveau Front populaire.

"J'ai voulu qu'on envoie un signal fort à la direction de La France insoumise", assume l'ex-député, reprochant à LFI une "brutalisation du débat public".

"La priorité c'est de battre le Rassemblement national mais ça doit se faire en ayant une ligne claire pour être en capacité d'incarner la gauche, de se rassembler, pas de se rabougrir", anticipe-t-il entre deux étals d'un marché de Chilly-Mazarin, non loin de Massy, répétant qu'il siégera "dans un groupe socialiste" en cas d'élection.

- "On fait comment" ? -

Jérôme Guedj et Jean-Luc Mélenchon ont été proches au PS. Le premier a été l'assistant parlementaire du second lorsqu'il était sénateur de l'Essonne. Mais la relation mise sur pause quand le leader insoumis est parti fonder le Parti de gauche en 2008 s'est rompue après les attaques du Hamas le 7 octobre en Israël.

Clin d'oeil de l'histoire, son bureau à Massy se situe "à 20 mètres" de l'ancien QG partagé avec Jean-Luc Mélenchon. Jérôme Guedj sourit même en repensant aux journées de boulot après les conseils nationaux du PS pour "imprimer un journal" transmis aux militants.

Une photo en noir et blanc au mur le montre plus jeune, militant s'adonnant à une opération de collage. Dans un coin du cliché une petite affiche "Mélenchon-Guedj". Une autre photo immortalise la victoire aux législatives de 2022, au côté d'Hella Kribi-Romdhane, l'ex-suppléante.

Cette dernière sera peut-être sa principale concurrente. Elle s'est lancée dans la campagne, soutenue par des élus et militants y compris LFI, après le refus de M. Guedj d'endosser l'étiquette Nouveau Front populaire.

"On n'est pas dans les feux de l'amour, il n'y a pas de sujet de trahison il y a un désaccord politique", balaye Mme Kribi-Romdhane (Génération.s).

Devant l'Opéra de Massy, tracts "Nouveau Front populaire" à la main, elle dit ne pas comprendre la décision de son ancien collègue, et s'inquiète de voir son opposition à la direction insoumise se transformer en penchant vers le camp présidentiel après les élections.

"Je rejette toute alliance avec la macronie", insiste-t-elle, appelant à imposer un "projet de société ambitieux clair, ancré à gauche". "Le Rassemblement national ne peut pas gagner ici c'est pourquoi je pense qu'il faut assumer cette confrontation".

Mais ce duel fratricide fait soupirer certains électeurs. "On s'en fiche de l'étiquette on veut du changement", appelle Rachid, employé de la RATP. "La France insoumise n'est pas antisémite. C'est quand même dommage", déplore Nawelle Aineche, artiste résidente à Massy.

"On fait comment du coup ?", ironise Maëlle, commerciale et électrice de gauche qui apprend jeudi que deux candidats s'affrontent. "Moi ce sont les idées... honnêtement je m'en fiche que ce soit Michel ou Jean-Pierre".

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