Législatives: l'après deuxième tour déjà dans tous les esprits

Des affiches sur des panneaux électoraux pour les élections législatives à Wissembourg, dans le Bas-Rhin, le 30 juin 2024 (SEBASTIEN BOZON)
Des affiches sur des panneaux électoraux pour les élections législatives à Wissembourg, dans le Bas-Rhin, le 30 juin 2024 (SEBASTIEN BOZON)

Qui gouvernera la France à l'issue très incertaine des élections législatives dimanche ? La question hante déjà tous les esprits, tandis que l'idée d'un gouvernement provisoire gérant les affaires courantes fait son chemin, quel que soit le résultat du second tour dimanche.

A deux jours du dénouement de ce scrutin historique, lors duquel le Rassemblement national espère encore la majorité absolue, la continuité de l'Etat sera assurée, a garanti vendredi le Premier ministre Gabriel Attal, tout en restant évasif sur son sort personnel.

Le gouvernement pourrait gérer les affaires courantes "aussi longtemps que nécessaire", a-t-il dit en marge d'un dernier déplacement de campagne à Paris, semblant préparer les Français à une forme de gouvernement provisoire, le temps que le président Emmanuel Macron lui trouve un successeur à Matignon.

Reste à savoir si ce dispositif serait prolongé pendant les Jeux olympiques, qui débutent le 26 juillet et qui focaliseront l'attention du monde.

En attendant le verdict des urnes, Emmanuel Macron revoit ses options. Il a d'ores et déjà chargé l'ancien ministre Julien Denormandie de "regarder les hypothèses" de l'après 7 juillet, "et ce qu’elles impliquent techniquement, institutionnellement", selon deux sources proches de l'Elysée.

Sans dévoiler ses intentions, Gabriel Attal s'est en tout cas montré désireux de s'exprimer à l'issue du second tour.

- "Leçons de morale" -

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a lui rappelé sur BFMTV que "la coutume républicaine" après des législatives voulait que "le gouvernement démissionne".

Mais si le président "me demande de rester quelques heures, quelques jours de plus, le temps de former un gouvernement, je le ferai. C'est ce qu'on appelle les affaires courantes", a-t-il ajouté. Même si sa "volonté" n'est pas de rester place Beauvau, étant donné "les conditions qui semblent se dessiner" à l'Assemblée.

Marine Le Pen a qualifié pour sa part de "sérieuses" les chances du Rassemblement national "d'avoir une majorité absolue à l'Assemblée", estimant que les projections en sièges "ne sont pas une science exacte".

Et elle a critiqué vendredi les "leçons de morale" du capitaine de l'équipe de France de football Kilian Mbappé, qui avait appelé la veille à "voter pour le bon côté".

Trois sondages donnaient encore vendredi au parti d'extrême droite et à ses alliés une majorité relative, en érosion toutefois: 200 à 230 sièges pour Elabe, 205 à 230 pour OpinionWay, 175 à 205 pour Ipsos, une progression qui serait spectaculaire par rapport aux 88 députés RN sortants, mais insuffisante pour atteindre seul la majorité absolue (289 députés).

Les mêmes instituts voient le Nouveau Front populaire deuxième (165-190 chez Elabe, 145-175 chez OpinionWay et Ipsos), devant le camp présidentiel (120-140 pour Elabe, 130-162 pour OpinionWay, 118 à 148 pour Ipsos), qui profiterait notamment des nombreux désistements de candidats hostiles au RN.

- "Un pas vers l'autre" -

La participation s'annonce la plus forte depuis 1997, avec des procurations (3,31 millions au 4 juillet) 3,6 fois plus nombreuses qu'en 2022, selon le ministère de l'Intérieur.

A gauche aussi, certains espèrent déjouer les pronostics. "Nous pouvons gagner", a affirmé jeudi soir le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon, pour qui ce sont les "16 millions d'abstentionnistes" du premier tour "qui font la décision".

Mais d'autres envisagent déjà une coalition avec les centristes voire la droite, comme Marine Tondelier pour qui "le sujet, ce n'est pas avec qui, mais pour quoi faire". Si cette alliance baroque devait voir le jour, la cheffe des Ecologistes a assuré sur franceinfo qu'elle se construirait "sur la base du programme" de la gauche "arrivé en tête des forces républicaines au premier tour".

"Il faudra que les responsables se conduisent en adultes (et) que chacun, voyant la situation de difficultés du pays, accepte de faire un pas vers l'autre", a nuancé le patron du MoDem François Bayrou, qui a évoqué sur France 2 la piste d'un "gouvernement d'entente républicaine".

"Dans cette forme de nouvelle donne, chacun sera quelque part au pied du mur pour avancer au service de nos concitoyens", a affirmé Gabriel Attal, car "les Français, ils attendent qu'on se parle, qu'on travaille ensemble, qu'on dépasse un certain nombre de clivages".

Des "magouilles" dénoncées par le député sortant du RN Jean-Philippe Tanguy, qui a fustigé "un système" où "gauche, droite et macronistes" sont "tous unis pour sauver leurs sièges".

Les jeux sont toutefois loin d'être faits. Car, comme l'a souligné l'ancien président socialiste François Hollande, "ça ne veut pas dire que, parce que des états-majors ou des candidats se sont eux-mêmes désistés, les électrices et les électeurs vont suivre les consignes".

- Violences -

Les réticences sont a priori plus forte chez les électeurs centristes: en cas de duel gauche-RN, entre un tiers (Elabe) et la moitié (OpinionWay) de ceux qui ont voté pour le camp macroniste au premier tour envisagent de glisser dans l'urne un bulletin NFP.

En revanche les électeurs de gauche répugnent moins à faire barrage à l'extrême droite et seraient plus d'un sur deux (OpinionWay) voire deux sur trois (Elabe) à voter pour un candidat Ensemble pour la République face au RN.

De quoi ajouter de l'incertitude au scrutin, dans un contexte explosif. "51 candidats, suppléants ou militants" ont été "agressés physiquement" durant la campagne, donnant lieu à "plus d'une trentaine d'interpellations", selon M. Darmanin.

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