Législatives anticipées : que proposent les trois blocs sur l’écologie ?

C’était le grand oublié de la campagne des Européennes et il ne semble pas beaucoup plus considéré dans cette campagne pour les législatives anticipées : l’environnement est mis de côté dans les débats, et les promesses des différents partis sur le sujet sont soit réduites à peau de chagrin, soit peu détaillées, soit carrément absentes. Pourtant, depuis les accords de Paris, l’objectif européen est clair : réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050. Deuxième puissance économique de l’UE, la France aura une grande influence sur l’avenir de cette ambition, selon que ses responsables choisissent d’accélérer ou ralentir la transition écologique. Or les Français semblent bien conscients de l’enjeu.

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Victime collatérale de la crise agricole 

Malgré l’absence des questions environnementales dans le débat politique et médiatique depuis des mois, l’écologie demeure la troisième préoccupation des Français, d’après le sondage Ipsos de juin 2024 publié juste avant les élections européennes. Mais la crise des agriculteurs de l’hiver dernier est passée par là, et l’écologie est devenue, pour partie, un sujet repoussoir, voire un épouvantail agité à droite et à l’extrême droite. Durant la campagne des Européennes, ces deux courants politiques se sont employés à dénoncer l’esprit « décroissant » de la Commission européenne et du « Pacte vert », responsables selon elles du désarroi du monde agricole. « On a le sentiment qu’ils ne veulent plus de pêche et d’agriculture. Tout est fait contre la souveraineté alimentaire. Vous vous battez contre les mêmes ! », martelait Jordan Bardella à des pêcheurs en avril, comme le rapportait Le Monde. Pour ces législatives, le Rassemblement national ne met en avant aucune proposition concernant l’écologie ne figure dans sa profession de foi – le programme du parti d’extrême droite n’a pas encore été publié. De l’autre côté du spectre politique, la gauche est beaucoup plus prolixe : l’environnement occupe une place de choix dans le programme du Nouveau Front Populaire, avec une petite dizaine de promesses qui concernent la thématique. Le NFP promet ainsi « d’accélérer la rénovation des bâtiments publics », d’assurer « l’isolation complète des logements », ou encore de renforcer les « filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables ».

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Une gauche prudente pour éviter la division

Mais même dans l’alliance dont les Ecologistes sont membre, les objectifs affichés semblent timides, en comparaison des précédentes campagnes. Des promesses d’intention telles que « mettre en place un plan climat visant la neutralité carbone en 2050 », « inscrire le principe de la règle verte » ou encore « faire voter une loi énergie-climat » figurent bien dans le texte, mais aucune n’est étayée. Surtout, le programme évite soigneusement d’aborder l’une des principales lignes de fractures à gauche : le nucléaire. Historiquement antinucléaires, les Ecologistes sont sur la même ligne que la France insoumise, qui souhaite sortir de l’atome, contrairement au Parti communiste et aux socialistes, qui vantent une énergie pilotable et décarbonée. Arrachée malgré toutes les divergences qui séparent les quatre forces de gauche, l’alliance fragile pour les législatives impose de repousser les clarifications. Et le nucléaire en fait partie. « On a des désaccords », assume Yannick Jadot. Mais le moment de les confronter n’est pas encore venu. « Ils seront tranchés sur le long terme par une loi de programmation énergétique, mais dans les cinq ans qui viennent, est-ce qu’on aura le temps de construire un réacteur nucléaire ? Sûrement pas », explique le sénateur écologiste Yannick Jadot. C’est justement sur la question du nucléaire que Gabriel Attal axe ses principales promesses concernant l’environnement. Jeudi matin, il a annoncé souhaiter la « mise en chantier de 14 nouveaux réacteurs nucléaires, technologie essentielle pour atteindre la neutralité carbone selon le gouvernement. L’annonce peut paraître répétitive : le président de la République avait déjà exprimé son souhait de faire construire huit réacteurs supplémentaires, en plus des six déjà lancés lors du discours de Belfort, en 2022. Mais l’engagement de Gabriel Attal vient tout de même infléchir les dernières prises de position du gouvernement. Début juin, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire – qui a l’énergie dans son portefeuille, auditionné au Sénat, expliquait que « le chiffre de six EPR 2 correspond au maximum que notre industrie peut faire d’ici à 2040 ». « Six EPR 2 paraissent constituer la quantité raisonnable d’absorption par notre industrie nucléaire […]. Il est sage de garantir la bonne réalisation de ces six EPR avant de décider de la suite », poursuivait le ministre face aux Sénateurs.

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L’extrême droite contre les renouvelables

L’atome fait en revanche l’unanimité à l’extrême droite, présenté comme un mode de production « souverain », contrairement aux énergies renouvelables, dont le Rassemblement national souhaiterait voir le développement ralentir. Dans son programme pour 2022, le parti de Marine Le Pen promettait de relancer le nucléaire, avec la construction de vingt EPR dont les premiers seraient sortis de terre dès 2031 (ce sera minimum 2035 pour les EPR 2 de Penly, les premiers qui sortiront de terre). Surtout, le parti à la flamme continuait de promettre un « moratoire sur l’éolien et le solaire » : autrement dit, suspendre leur développement en attendant de mesurer l’acceptabilité démocratique des différents projets. Une idée en contradiction avec le retard déjà pris par la France dans le développement des énergies renouvelables, et un projet qui ne s’approche d’aucun scenario prôné par les travaux de RTE publiés en septembre 2021 sur les différents chemins vers la neutralité carbone.

 

Blocage des prix du carburant, contradiction de la gauche

Jeudi matin, le Premier ministre a également annoncé viser une réduction de 20 % des émissions françaises d’ici 2027 et promis la rénovation de 300 000 logements d’ici trois ans. Il s’engage également à doubler le nombre de véhicules électriques en leasing social pour atteindre 100 000 locations par an. La question des véhicules électriques s’inscrit dans le prolongement des débats tenus en amont du scrutin européen. Véritable enjeu industriel et environnemental pour l’Europe, la voiture électrique devrait peu à peu conquérir tous les foyers. C’est du moins ce qu’encourage Bruxelles, via un coup de pression en direction des constructeurs : après 2035, aucun véhicule neuf thermique ne pourra être vendu sur le territoire européen. Une mesure que conteste fortement le Rassemblement national : « Cette mesure inquiète des millions de Français qui n’arrivent plus à se chauffer, à se soigner, se loger et à qui on vient dire : dans quelques années, vous allez devoir vous procurer un véhicule électrique qui coûte beaucoup plus cher », dénonçait ainsi Jordan Bardella sur BFMTV, le 27 mai. La gauche, à l’inverse, est favorable à cette mesure. Mais c’est aussi sur la question de la voiture que le Nouveau Front Populaire avance prudemment, en raison de positions divergentes des différents partis. C’est d’abord le cas sur la question du chantier de l’autoroute A69, dans le Tarn. Insoumis et écologistes soutiennent ouvertement les opposants au projet que ces derniers qualifient de « climaticide ». En face, la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, socialiste « anti-Nupes » et néanmoins soutien du NFP, soutient fermement la construction du tronçon autoroutier. Surtout, le Nouveau Front Populaire promet dans son programme de bloquer le prix des carburants. Une mesure qui converge avec la proposition du Rassemblement national de baisser la TVA sur les prix de l’essence. Ces deux promesses, brandies au nom du pouvoir d’achat, sont contradictoires avec les objectifs climatiques de la France, en plus d’engendrer une baisse conséquente des recettes de l’Etat.