Législatives 2024 : Macron proche de la fin de règne ? Ces signes montrent un président très affaibli

Alors que le chef de l’État est déjà absent des documents de campagne de ses candidats, plusieurs poids lourds de son camp prennent leur distance ou promettent un renouvellement.

Seul en son royaume. En procédant à la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, dans la foulée du résultat des élections européennes, Emmanuel Macron a provoqué un cataclysme sur la scène politique. Une « clarification », pour reprendre son expression, mais qui ne s’opère pas uniquement du côté de ses adversaires.

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Alors que la gauche s’est unie à la va-vite derrière la bannière du « Nouveau front populaire » pour essayer de contrer un Rassemblement national plus proche du pouvoir que jamais, le camp du locataire de l’Élysée montre des velléités d’indépendance inédites vis-à-vis du chef de l’État. Assez impensable il y a encore quelques mois.

De fait, le coup de poker d’Emmanuel Macron reste incompris au sein de ses troupes, tant il hypothèque la suite du quinquennat. Et sans doute bien davantage, comme le montrent plusieurs signes dans cette campagne éclair. Car en creux, c’est le poids du chef de l’État dans les années à venir qui se pose, et ce jusqu’au sein de sa propre famille politique.

Depuis le 9 juin, rares sont ceux qui défendent mordicus le choix présidentiel. Au contraire, les caciques essayent tous de se détacher de sa décision, voire de son bilan, pour tenter de tracer leur propre chemin et de se ménager un espace entre le Rassemblement national et l’alliance des partis de gauche. Le tout loin de l’impopularité du locataire de l’Élysée.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie depuis la première heure macroniste, a ainsi rompu avec une certaine réserve dans les médias à travers plusieurs déclarations détonantes. Il a notamment parlé sur franceinfo de la dissolution comme d’un choix qui a provoqué de « l’inquiétude, de l’incompréhension, parfois de la colère » - avec une moue qui en dit aussi long que le cliché capturé par la photographe de l’Élysée le soir de l’annonce de la dissolution. Avant de fustiger « les cloportes qui se cachent dans les rainures du parquet », selon ses mots, et qui ont conseillé le président en coulisse pour le convaincre du bien-fondé de cette décision.

Plus globalement, toute la macronie semble tentée d’effacer le président de la République de ses discours, ses tracts ou ses affiches, après lui avoir déjà demandé de garder le silence au cours de cette campagne. En ce sens, le cas de Clément Beaune est révélateur de tant d’autres : ce proche d’Emmanuel Macron depuis ses années à Bercy (sous François Hollande), ministre à plusieurs reprises, a supprimé la photo du chef sur ses documents alors que celui-ci prenait presque toute la place en 2022. Et voilà le député sortant qui se présente désormais en candidat « libre. » Cruelle tournure pour celui qui a rassemblé le camp du « en même temps » en 2017.

Mais dans la famille du « centre » revendiqué, c’est sans doute l’ancien Premier ministre Édouard Philippe qui va le plus loin. Peut-être un peu plus « libre » que « loyal » désormais, le président du parti Horizons (3e force à soutenir Emmanuel Macron, au côté de Renaissance et du MoDem) a accusé, jeudi 20 juin devant les caméras de LCI, le chef de l’État d’avoir « tué » la majorité présidentielle. Un constat, certes. Mais dont le vocabulaire, choisi, reflète une forme d’aigreur, sinon la volonté de tourner la page. D’autant que l’ancien chef du gouvernement a promis d’en dire encore davantage après le scrutin.

En attendant, l’ancien Premier ministre a acté une première rupture avec le président et son parti. Après avoir grignoté une vingtaine d’investitures dans de nouvelles circonscriptions par rapport aux législatives 2022, (environ 80 contre 60) Édouard Philippe a demandé à ses candidats de se rattacher en préfecture à son parti, et non à la coalition macroniste « Ensemble » comme il y a deux ans.

Au-delà de cette décision technique, celui qui lorgnait (et vise toujours) 2027 fait campagne depuis sur la promesse d’une « nouvelle majorité. » Comprendre : qui ne serait pas forcément celle dessinée par Emmanuel Macron, ou sous sa coupe. Rien d’anodin donc à voir le visage d’Édouard Philippe s’afficher partout, même sur les tracts de macronistes de la première heure comme Astrid Panosyan-Bouvet, cofondatrice d’En Marche en 2016.

Même constat pour Gabriel Attal : le chef du gouvernement, comme son lointain prédécesseur, est particulièrement présent dans la campagne. Et lui aussi s’engage sur la promesse d'une forme de renouvellement vis-à-vis du président de la République. Notamment lorsqu’il réclame aux Français de le « choisir » dans les urnes comme Premier ministre pour lui donner du poids et une « légitimité forte » à Matignon.

« Cette élection législative est importante : pour la première fois depuis plus de 25 ans, les Français vont choisir leur Premier ministre. Nécessairement, le Premier ministre qui en sortira évidemment aura une légitimité qui est forte », a-t-il par exemple assuré ce mercredi sur TF1.

Et d’ajouter, le lendemain, lors d’une conférence de presse : « Évidemment qu’il y aura un avant et un après. Et qu’à l’issue de cette élection, nécessairement, il y aura un avant et un après dans la pratique du pouvoir, dans l’équilibre des institutions. » Une façon de personnifier le scrutin, mais également de faire entendre poliment qu’il souhaite peser davantage face à Emmanuel Macron dans les prochains mois, si tant est que son camp parvienne à se maintenir aux affaires. Le roi n’est pas encore nu, mais il semble décidément bien affaibli.

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