Législatives anticipées : que proposent les trois blocs sur l’éducation ?

Si Emmanuel Macron a décrété que l’éducation était « la mère des batailles », les programmes des autres formations en lice pour les législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet ne sont pas en reste sur le volet éducatif. Laïcité et autorité sont au centre des mesures pour l’école dans le programme du camp présidentiel. Choc des savoirs, réforme du système en profondeur, lutte contre le harcèlement : le gouvernement a fait de l’éducation l’une de ses priorités. Le 20 juin, lors de la présentation du programme d’Ensemble pour la République, Gabriel Attal est revenu sur son bilan en tant que ministre de l’Éducation. Pour défendre le pouvoir d’achat des Français, le chef du gouvernement envisage des « achats groupés » de fournitures scolaires, pour en baisser le prix jusqu’à 15%. Pour restaurer l’autorité à l’école, le camp présidentiel voudrait expérimenter l’ouverture des collèges de 8h à 18h classés en REP et le recours aux internats pour des jeunes en rupture.

Un constat unanime : le niveau des élèves baisse

 

Parmi les mesures déjà sur les rails : la réforme du ‘choc des savoirs ‘ voulue par Gabriel Attal, prévue pour la rentrée 2024. Des groupes de niveau doivent être mis en place en français et en mathématiques dès l’entrée en 6ème pour renforcer les savoirs fondamentaux et remonter le niveau. Car le constat est là : le niveau des élèves n’est pas bon. Dans la dernière étude Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) sur les pays de l’OCDE, publiée le 5 décembre 2023, on note une baisse significative et inédite depuis 2000 des résultats des élèves français en mathématiques et en compréhension de l’écrit. A l’échelle mondiale, la France dégringole au 26ème rang, loin derrière l’Estonie ou la Pologne. Si la baisse du niveau des élèves fait l’unanimité au sein du camp présidentiel, du Nouveau Front Populaire (NFP) comme du Rassemblement national (RN), les moyens pour tenter de relever le niveau diffèrent.

 

Abroger le « choc des savoirs »

 

Ainsi, dans les 15 premiers jours, en cas de victoire aux élections législatives anticipées, le Nouveau Front Populaire veut redonner à l’école publique son objectif d’émancipation, en abrogeant le ‘choc des savoirs’. Car cette réforme est très contestée sur le terrain. Notamment du côté des enseignants et des parents opposés à la création des groupes de niveau, dénonçant un « tri social » des élèves.

De son côté, le Rassemblement National est bien plus disert sur la sécurité, l’immigration et le pouvoir d’achat que sur la question de l’éducation. Pour le parti de Jordan Bardella, il faut également « abroger » la réforme du ‘choc des savoirs’. Mais les groupes de niveau devront être à la main des établissements, l’important pour le RN étant de remettre au cœur des programmes l’enseignement du français, des mathématiques et de l’histoire. Si le RN souhaitait augmenter le salaire des enseignants lors de la campagne présidentielle de 2022, désormais tout dépendra de l’audit financier que Jordan Bardella entend mener s’il devient Premier ministre.

 

L’uniforme obligatoire pour le RN comme pour la majorité présidentielle

 

Pour restaurer l’autorité, le RN prévoit d’envoyer les élèves perturbateurs dans des centres spécialisés. Après deux exclusions de leur établissement, un conseil de discipline pourrait les y affecter. Ces élèves perturbateurs feraient toute leur scolarité jusqu’à leurs 16 ans sans possibilité de revenir dans un établissement classique. Le RN souhaite aussi instaurer l’uniforme obligatoire au primaire et au collège, mais il reconnaît que cela prendra du temps pour le mettre en œuvre. L’instauration de l’uniforme obligatoire à l’école est une idée partagée par le camp présidentiel qui a lancé une expérimentation pour une généralisation en 2026. Mais cette mesure suscite peu d’enthousiasme de la part des principaux concernés. Enfin concernant le collège,

 

Jordan Bardella propose un examen d’entrée en 6ème dès le CM2. Il veut aussi mettre fin au collège unique et orienter plus tôt et plus vite les élèves en difficulté vers des filières professionnelles.

La réforme du ‘choc des savoirs’ mise en place par Gabriel Attal prévoit d’uniformiser les connaissances enseignées à tous les écoliers du primaire avec des manuels labellisés par l’Etat et des programmes articulés autour d’objectifs annuels. Ce qui pourrait porter atteinte à la liberté pédagogique des enseignants selon ses opposants. Le programme du Nouveau Front populaire prévoit de préserver cette liberté pédagogique et de « faire les premiers pas » vers la gratuité intégrale à l’école qu’il s’agisse de la cantine scolaire, des fournitures, des transports et des activités périscolaires afin de rendre l’école véritablement gratuite.

Suppression de Parcoursup pour le Nouveau front populaire

 

Passé les premiers 15 jours, s’il gagne les législatives anticipées, le Nouveau Front populaire a pour objectif de lancer dans les 100 jours deux grandes lois pour entamer la reconstruction de deux services publics essentiel dans les domaines de la santé et de l’éducation. L’objectif de la coalition de gauche est de réduire les effectifs par classe « pour faire mieux que la moyenne européenne à 19 élèves par classe ». Le NFP veut aussi moduler les dotations des établissements scolaires – y compris privés – en fonction de leurs objectifs et du respect de la mixité sociale. Enfin pour ce qui est de l’université, le NFP veut démocratiser le processus en abolissant Parcoursup et la sélection à l’entrée de l’université publique tout en instaurant le repas à 1 euro dans les Crous. Alors que cette mesure avait permis aux étudiants de tenir le coup pendant la période Covid, le gouvernement en avait ensuite réservé l’accès aux seuls boursiers. Enfin à plus long terme, le programme du NFP vise à abroger le service national universel, un dispositif à mi-chemin entre le service militaire et le service civique proposé aux jeunes de 15 à 17 ans, instauré en 2019.

Face aux mesures proposées par le Rassemblement national, des cadres de l’Education nationale, chefs d’établissements, inspecteurs pédagogiques, d’académie et généraux ont lancé une pétition dénonçant l’arrivée possible de l’extrême droite au pouvoir. Ils assurent qu’ils « refuseraient d’obéir » à des directives en opposition avec les valeurs républicaines. Une prise de position inédite de la part de fonctionnaires censés appliquer les mesures de leur hiérarchie.  Ces signataires se basent sur le statut de la fonction publique. L’obligation d’obéissance hiérarchique peut cesser si l’ordre donné risque de compromettre gravement l’intérêt public. Cette pétition a déjà recueilli près de 1000 signatures.