JO Paris 2024 : pourquoi le passage de la flamme olympique inquiète ces médecins pour leurs patients

Le passage de la flamme olympique partout en France limite les sorties des malades mentaux hospitalisés sous contrainte.

Le passage de la flamme olympique ne réjouit pas tout le monde. Si en voyageant de ville en ville le symbole flamboyant des Jeux Olympiques de Paris 2024 provoque souvent l’évènement, elle signifie aussi pour certains une privation de liberté. Ainsi, plusieurs médecins se disent inquiets pour la santé de leurs patients atteints de maladies mentales, empêchés de sortie par les préfets lors du passage de la flamme.

Le parcours de la flamme olympique jour par jour de Marseille jusqu’à Paris, du 8 mai au 26 juillet

« On a été saisis par beaucoup de médecins et de directeurs d’hôpitaux : de tous les coins de France, des professionnels nous ont alertés », rapporte ce samedi 29 juin à l’AFP Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dont les services psychiatriques. En tant que telle, Dominique Simonnot veille, au nom de l’État mais indépendamment du gouvernement, au respect des droits des personnes privées de libertés, ce qui inclut les patients hospitalisés contre leur gré.

Certes, ces mesures de restrictions ne durent que quelques jours le temps que la flamme traverse les zones concernées, mais l’inquiétude grandit désormais pour ce qui concerne la période des Jeux elle-même, bien plus longue puisqu’elle durera du 26 juillet au 11 août pour la partie olympique et du 28 août au 8 septembre pour le volet paralympique.

Ces dernières semaines, de Bordeaux à Nantes en passant par Mulhouse, un scénario se répète systématiquement. À chacune de ces étapes du parcours de la flamme olympique, la préfecture demande aux établissements de santé de reporter les sorties de patients jugés potentiellement dangereux.

L’AFP a, par exemple, consulté une note de l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est - relayée notamment par les Dernières Nouvelles d’Alsace et le Canard enchaîné -, qui sert ici de courroie de transmission entre la préfecture et les établissements de santé.

« En raison du passage de la flamme olympique dans le Haut-Rhin le 26 juin prochain, des mesures d’attention particulière sont attendues concernant les individus atteints de troubles psychiatriques », dit cette note, précisant bien avoir été rédigée « à la demande de la préfecture ».

Pendant deux jours, il a été explicitement demandé un « report des sorties non accompagnées (et) accompagnées » sauf certains rendez-vous médicaux. « Pourquoi on les empêche de sortir au moment au moment du passage de la flamme ? C’est assez tragique, quand on vante des Jeux paralympiques avec l’inclusion des handicapés », regrette Dominique Simonnot qui a adressé un courrier au ministère de l’Intérieur.

Ces mesures s’inscrivent dans un contexte où les autorités mettent en œuvre un important dispositif sécuritaire en vue des JO. De plus, plusieurs drames ont récemment attiré l’attention sur le suivi de malades potentiellement dangereux. Fin 2023, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait ainsi pointé un « ratage psychiatrique » après une attaque mortelle au couteau près de la tour Eiffel.

On assure du côté des autorités qu’aucune consigne nationale n’a été donnée quant à des restrictions liées au passage de la flamme ou pendant la période des JO.

Pour nombre de médecins, c’est en tout cas un contresens de rogner sur les libertés des patients, serait-ce au nom de la sécurité publique. « C’est une dérive qui doit être dénoncée », estime auprès de l’AFP le psychiatre Frank Bellivier, lui-même délégué à la psychiatrie au ministère de la Santé. « C’est inacceptable car ça assimile d’office le malade mental à quelqu’un de dangereux. »

Car souligne-t-il, c’est le psychiatre qui est compétent pour déterminer si un patient est trop dangereux pour sortir. Or, ce qui choque les médecins et les proches dans le cas présent, c’est que les instructions préfectorales s’appliquent a priori et sans distinction.

« On est dans une logique de principe de précaution : c’est une stigmatisation maximum, qui marque au fer rouge les personnes atteintes de troubles psychiques », regrette auprès de l’AFP Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Unafam, association qui regroupe des proches de malades mentaux. Comme nombre de psychiatres, elle souligne le caractère délétère de telles privations de liberté pour le rétablissement des patients concernés.

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