Incitation à appliquer la "priorité nationale": jusqu'à six mois avec sursis requis contre deux responsables du RN

Jusqu'à six mois de sursis requis contre trois responsables du RN pour complicité de provocation à la discrimination (LOIC VENANCE)
Jusqu'à six mois de sursis requis contre trois responsables du RN pour complicité de provocation à la discrimination (LOIC VENANCE)

Ils sont mis en cause pour avoir incité à appliquer la "priorité nationale", pierre angulaire du programme de leur parti, en élaborant il y a plus de dix ans un "guide de l'élu RN": jusqu'à six mois de prison avec sursis ont été requis contre trois responsables ou ex-responsables du RN.

Ces deux cadres et une ex-membre du Rassemblement national (RN) comparaissaient mardi devant le tribunal de Nanterre pour complicité de provocation à la discrimination, tandis que le procès d'un quatrième responsable mis en cause pour provocation à la haine dans la même affaire a été renvoyé au 3 juin 2025 pour raisons médicales.

"On a une incitation claire à commettre cette distinction (entre Français et étrangers), ce sont des instructions qui sont carrément données aux élus", a estimé le ministère public lors de ses réquisitions, face à une salle pleine à craquer.

"Les politiciens devraient être particulièrement attentifs à la défense de la démocratie et de ses principes", a ajouté le procureur.

Il a requis six mois d'emprisonnement avec sursis et 10.000 euros d'amende contre deux des prévenus, le maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) Steeve Briois et l'ex-secrétaire nationale du Front national (devenu RN) chargée des élus Sophie Montel, qui a quitté la formation en 2017.

Contre Marie-Thérèse Costa-Fesenbeck, adjointe au maire de Perpignan, il a demandé une amende du même montant.

M. Briois "a tout notre soutien", a tweeté le président du RN Jordan Bardella pendant l'audience, dénonçant "une grave atteinte à la liberté d'expression à propos d'une mesure de bon sens, largement plébiscitée par les Français".

Aucun des trois prévenus n'était présent à l'audience.

Alors que la campagne pour les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet vient de s'ouvrir, le tribunal de Nanterre a rejeté en début d'audience la demande des prévenus de renvoyer les débats.

Leur défense avait argué que "cette idée (celle de la "priorité nationale", ndlr) est soumise au vote de millions d'électeurs français".

Le "tribunal estime qu'un nouveau renvoi nuirait davantage à l'œuvre de justice", a tranché le président du tribunal en référence aux précédents renvois de cette affaire, débutée en 2014.

- "Guide pratique" -

Cette année-là, l'association La Maison des Potes, partie civile, déposait plainte contre les responsables de la publication du "Petit guide pratique de l'élu municipal Front national".

Dans ce document édité avant les municipales de mars 2014, le FN recommandait à ses candidats "l'application des nombreux points du programme Front national", dont "la priorité nationale dans l'accès aux logements sociaux".

Mme Costa-Fesenbeck est soupçonnée d'avoir mis le document en ligne sur le site internet de la fédération des Pyrénées-Orientales du FN qu'elle dirigeait et Mme Montel de l'avoir rédigé.

M. Briois, alors secrétaire général du FN, avait rédigé l'éditorial préfaçant le "guide pratique".

"Nous avons un titre, +guide pratique+, on n'est pas dans le théorique", a plaidé l'un des avocats de l'association de La Maison des potes, Me Jérôme Karsenti.

"On sait bien que derrière les mots il y a une réalité", a-t-il tancé, "les étrangers sont visés, les immigrés sont visés, et tous ceux qui n'ont pas l'apparence de ceux que [les prévenus] considèrent comme français".

L'avocat de Mme Costa-Fesenbeck, Me Rodolphe Bosselut, a lui dénoncé dans sa plaidoirie une "démarche liberticide" et qualifié le guide de "vademecum didactique".

"Vous allez interdire le débat politique", s'est-il insurgé à la barre, précisant qu'il ne "pense pas (que) la priorité nationale serait ontologiquement raciste".

"On ne peut pas utiliser (la liberté d'expression) pour détruire les autres droits", a fait valoir Me Slim Ben Achour, autre conseil de La Maison des Potes.

Me Arié Alimi, avocat de la Ligue des droits de l'Homme, partie civile au dossier, a lui estimé que la "priorité nationale n'est qu'une idée euphémisée de +la France aux Français+".

"On n'est pas sur des propos xénophobes, racistes, on est sur un débat d'intérêt public", a répondu Me Mohamed Djema en défense de Steeve Briois, suppléant de Marine Le Pen, candidate aux élections législatives dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais.

Décision le 3 septembre.

mlf-dho/bfa/lbx