Guerre Israël-Hamas: la Cisjordanie connaît une flambée de violences depuis le début du conflit

L'armée israélienne a annoncé ce vendredi 17 novembre avoir tué au moins "cinq terroristes" à Jénine, en Cisjordanie occupée. Le ministère palestinien de la Santé a rapporté de son côté "trois morts et 15 blessés, dont quatre dans un état critique".

Depuis les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre dernier, l'armée israélienne bombarde sans répit la bande de Gaza mais elle multiplie également ses incursions en Cisjordanie, territoire formant l'État de Palestine avec Gaza.

En six semaines environ, plus de 190 Palestiniens y ont été tués selon le ministère de la Santé. Presque autant que durant les neuf premiers mois de l'année: 208 d'après cette même source.

Raids de l'armée israélienne

Avant ce vendredi, dans la ville de Jénine, où s'entassent 23.000 habitants et réfugiés selon l'ONU, plusieurs Palestiniens ont déjà trouvé la mort lors de raids de l'armée israélienne ou lors d'affrontements durant des protestations.

Le 9 octobre dernier, le ministère palestinien de la Santé a annoncé la mort de 14 personnes dans l'opération israélienne la plus meurtrière en Cisjordanie depuis au moins 2005, quand l'ONU a entamé le décompte des Palestiniens tués lors d'incursions israéliennes dans le territoire palestinien.

Israël a alors annoncé avoir arrêté "plus de 20 suspects recherchés" dont deux militants du Jihad islamique qui combat aux côtés du Hamas à Gaza, qui "tiraient sur" ses soldats.

Hébron, Naplouse, Ramallah... De nombreuses villes et localités cisjordaniennes ont reporté des affrontements et des morts, dont sept par exemple ce mardi à Tulkarem. L'armée israélienne assure que ces opérations répondent à une "augmentation significative des attaques terroristes" en Cisjordanie avec "plus de 550 tentatives d'attentats depuis le début de la guerre".

Les ONG Al-Haq et B'Tselem accusent l'armée "de ne plus utiliser que des balles réelles pour disperser des manifestants". Des journalistes à travers la Cisjordanie confirment ne plus voir aussi souvent de tirs de grenades lacrymogènes, habituellement utilisées.

Harcèlement croissant

Depuis le 7 octobre, le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) recense en moyenne plus de six "incidents" (du vol de bétail aux violences physiques) par jour entre colons et Palestiniens, contre une moyenne de trois au cours des mois précédents.

Les services de renseignements israéliens ont eux recensé 120 crimes haineux commis par des Juifs en Cisjordanie depuis cette même date, dont au moins quatre meurtres, selon le quotidien israélien Haaretz. Aucun de ces crimes n’a donné lieu à aucune poursuite, indique la même source.

Routes bloquées, raids armés, puits attaqués: les Palestiniens des villages de Cisjordanie occupée disent subir le harcèlement croissant des colons israéliens, plus menaçants depuis le début de la guerre à Gaza.

"Même l'armée israélienne voulait rouvrir la route mais les colons sont venus l'en empêcher", raconte, Imran Nawaja, agriculteur près d'Hébron dans le sud de la Cisjordanie. "Ce sont eux qui commandent ici maintenant", soupire-t-il.

"Ils utilisent la guerre comme prétexte pour nous expulser de nos maisons et s'approprier nos terres", dénonce Jaber Dababsi, agriculteur palestinien et militant dans le village de Khallet al-Dabaa.

"Ils viennent la nuit, ils coupent les tuyaux, ils percent les réservoirs d'eau et ils nous disent 'vous avez 24 heures pour partir'", poursuit-il. "Il faut partir à pied parce qu'ils bloquent les routes avec des blocs de pierre et après ils détruisent tout au bulldozer".

Violences avec les colons

En effet, les tensions et les violences surviennent au cours d’opérations "antiterroristes" de l’armée israélienne mais certaines, dont des meurtres, sont aussi commises par des colons, des Israéliens installés en territoire palestinien.

Symbole et illustration de cette tension croissante, la mort le 28 octobre dernier, Bilal Saleh, 40 ans, mortellement atteint à la poitrine par un tir de fusil d'un colon israélien lors de la récolte des olives sur ses terres près de Naplouse.

Après plus de cinq semaines de guerre à Gaza, "69% des Palestiniens disent redouter de futures attaques de colons", rapporte le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR).

"Le 26 octobre, des colons nous ont attaqués, détruisant nos maisons, nos réservoirs d’eau, nos panneaux solaires et nos voitures", témoignait dans le rapport de l'Ocha un habitant du village palestinien de Khirbet Zanuta (Sud).

"J’ai pris la décision la plus difficile de ma vie: quitter Zanuta et tout laisser derrière moi, comme des souvenirs. J’ai fait cela pour protéger mes enfants", expliquait-il.

Autre exemple rapporté par The Times of Israël: l'armée israélienne a perquisitionné des dizaines de maisons dans le village d’al-Mughayyir, dans le centre de la Cisjordanie, laissant un grand nombre d’entre elles complètement saccagées et semblant apposer un autocollant portant la mention "Je me tiens aux côtés d'Israël" sur au moins l’une d’entre elles, indique le groupe de défense des droits Yesh Din.

Permis de port d'arme

Dans ce contexte extrêmement tendu, certains colons "portent même des uniformes militaires", affirme Moussaab Rabbe, agriculteur et ouvrier du bâtiment de 36 ans.

"On leur a donné des armes et le droit d'agir comme des soldats, ils arrêtent les gens et nous pensons que ce sont des soldats", raconte-t-il dans l'un des hameaux de Massafer Yatta, au sud d'Hébron.

Le 10 octobre, la police israélienne a annoncé qu'elle armerait des civils et le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, figure de l'extrême droite, a dit travailler à assouplir les critères d'obtention des permis de port d'arme.

Une session parlementaire israélienne a révélé que durant la première semaine de guerre, 41.000 Israéliens avaient demandé un permis d'arme à feu, contre 38.000 demandes en temps normal sur une année entière.

Article original publié sur BFMTV.com