Foot dans la cour d'école, 4-4-2 et brocolis: dans les pas de Valentin Hoguet, animateur scolaire et qualifié en huitième de Coupe de France avec St Priest

Ce mercredi soir, le "Petit Poucet" de la Coupe de France, l’AS St Priest, club de N3, l’équivalent de la cinquième division va rencontrer Valenciennes qui évolue en Ligue 2. Trois divisions les séparent mais bien plus que cela puisque, face à des professionnels, aucun joueur sanpriot ne vit vraiment du football, même si une poignée possède un contrat fédéral, un salaire qu’ils complètent par une autre activité. Trois sont encore étudiant en Staps, en pharmacie ou en gestion de patrimoine, l’entraîneur lui cumule un emploi d’agent à la Métropole de Lyon et intervient dans une association certains soirs en plus de sa mission de coach; et pour une petite dizaine, ils sont employés par la mairie de St-Priest et effectuent des tâches péri-scolaires sur le temps de midi ou après les cours dans les écoles primaires. Parmi eux, Valentin Hoguet officie quatre jours par semaine à l’école Marius Berliet à St Priest.

11h30: Pour Valentin Hoguet, tout débute vraiment sous le préau, qui abrite la sortie des classes de CM1-CM2. Arrivé quelques minutes avant pour un tour d’horizon de son programme mais aussi d’éventuels aménagements et/ou absences de dernière minute, il attend sagement la sonnerie. A peine retentit-elle, que les jeunes enfants accourent vers lui. Et pour cause: "Valentin, on fait un foot?" lance l’un d’eux, déjà dynamique. Mais il faut d’abord débuter l’appel, puis faire les équipes et aller chercher le ballon avant de lancer une ultime consigne: "Je suis avec les CM2. Un mot d’ordre : soyez collectifs et jouez simplement!"

Tandis que les enfants égrènent un compte à rebours ("3, 2, 1 partez"), le latéral droit de l’AS St-Priest donne le coup d’envoi, en lançant haut dans le ciel, et dans une sympathique désorganisation, le ballon: il est en effet plus question de défoulement après trois heures de cours du lundi matin que de foot tactique! Mais qu’importe: "C’est une génération des écrans, si on peut les sensibiliser à faire du sport en dehors, on a tout gagné, c’est d’abord mon objectif", raconte-t-il tout en courant. Et quand il le faut, il stoppe le jeu: "Je suis là pour fixer des règles, dit-il. Certes, c’est le temps de midi où il faut prendre du plaisir, mais je ne veux aucune insulte, aucun coup. Le foot a besoin de règles, comme à l’école. Je glisse aussi parfois la valeur de dépassement de soi: même dans l’adversité, et si on ne maitrise pas les trajectoires du ballon, on peut faire de bonnes choses."

Si, sur le terrain (de hand et goudronné) de la cour d’école, c’est assez sportif, sur la touche, c’est surtout en mode "expressif et bruyant": il faut dire que "ses groupies", comme se surnomment Atika et ses copines ne cessent de donner de la voix: "Il est super fort en tant que joueur et animateur, disent-elle en chœur. On est fier de lui. Parce qu’il fait un bon parcours et il y arrive bien. Le principal, c’est qu’il s’amuse et avec nous, il est à l’écoute, il est gentil, marrant, strict juste ce qu’il faut."

Des "porte-bonheur" pour le match

Valentin Hoguet a donc tout pour plaire, et lui faire … des cadeaux, dont un dessin : "Tu es sûr que c’est moi?" taquine-t-il en découvrant sur un minuscule bout de papier, son … portrait! Mais bien, vite, on lui intime l’ordre de lire les mots qui seront "tes porte-bonheurs pour le match" résument-elles à gorges déployées! "Promis, je les mets dans le sac, mais au niveau faute d’orthographe, il faudra qu’on travaille cela …", promet déjà le footballeur plus à l’aise avec ses pieds qu’avec ses mains qui peinent à tenir tous les présents – principalement des dessins et des textes – préparés en classe par ses nouveaux fans: "il faut que je m’habitue, explique Valentin Hoguet. Vendredi dernier, j’ai signé une trentaine d’autographes..."

Car il y a clairement un avant et un après, épopée de Coupe de France pour le footballeur venu du Val-de-Marne, passé par le centre de formation d’Auxerre avant d’enchaîner les saisons plombées par le Covid puis par une rupture du ligament croisé du genou alors qu’il jouait en Bourgogne. Arrivé à St-Priest l’été dernier quand le club refonde tout son groupe après une douloureuse descente en N3, il savoure: "J’ai 25 ans, je suis en huitième de Coupe de France, j’ai commencé dans la cour et dans la rue et là, je partage avec les enfants en leur montrant, aussi à ma manière, que j’ai réussi, car j’ai aussi débuté le foot dans la cour d’école dans ma ville natale à Mandres les Roses."

Cet engouement, Valentin le ressent à la cantine qu’il surveille aussi, surtout un jour où le chou-fleur est au menu: "ils ont obligation de goûter à tout avant de se lever et de débarrasser la table", détaille-t-il en réponse à une élève, qui ronchonne: "Mais Valentin, tu pourrais demander un burger!" plaide-t-elle, très peu fan à l’évidence des légumes et du plat du jour: "Ce n’est pas du brocoli, c’est du chou-fleur, c’est bon pour la santé et vous  en mangez souvent du burger. Il faut varier!" Derrière le footballeur, pointe donc l’éducateur et le sportif: "Le foot, c’est en lien avec  la nutrition, explique-t-il encore. Il faut être pointilleux là-dessus. Ils doivent aussi beaucoup boire car ils se dépenses. Je suis là pour regarder. Il faut être ferme et strict car y a des petits tricheurs."

"Quand j’ai su qu’il passait à la TV, je me suis dit je vais faire comme lui: je veux devenir footballeuse!"

Cette cantine, lieu d’expression sur les murs du soutien à l’équipe avec les résultats des derniers exploits inscrits autour de l’immense logo du club, peint par les élèves. Et cette cantine, lieu d’échange et de temps un peu plus calme pour un jeu de questions-réponses: "ah, oui, il faut se préparer à toutes les questions. Et je peux vous dire qu’ils progressent dans la compréhension du hors jeu, du 4-4-2 et de la défense à 5 et de la différence entre les cartons jaune et rouge!", sourit le héros du Groupe scolaire Marius Berliet dans la cinquième commune du Rhône, au sud-est de Lyon.

Avec mine de rien, peut-être une vocation naissante pour Iléna: "il m’apprend beaucoup du foot, savoure-t-elle. Je n’y connaissais rien avant ses matchs. Et quand j’ai su qu’il passait à la TV, je me suis dit je vais faire comme lui: je veux devenir footballeuse!"

"Les enfants se reconnaissent dans ce parcours de Petit Poucet"

Car Valentin Hoguet, pas forcément attiré par cette activité (qui occupe une vingtaine d’heures par mois en moyenne pour un revenu d’environ 300 euros) quand le club du Président Patrick Gonzalez lui a proposée pour augmenter ses émoluments, se sent désormais à l’aise. Et cela se voit: "Il dégage sérénité et humilité, constate son responsable à la mairie, Cédric Casset. Les enfants l’apprécient énormément. Y a une vraie ferveur, car ils se reconnaissent dans ce parcours de Petit Poucet. Il crée l’exemple. Cela les pousse quand même. On sent qu’ils rêvent de vivre cela dans le futur. Cela leur donne des rêves."

Et engendre un soutien sans faille à l’image de la confiance absolue des enfants dans la qualification de St Priest (et de Valentin) ce soir: "2-0", lance sans hésitation Hassen alors que Ylias évoque un score plus large de "5-2, trop facile pour nous!" Plus réaliste, Yanel corrige: "non, 2-1 avec une passe décisive pour Valentin", dit-il en reconnaissant quand même que "ce sera dur contre des professionnels qui ne font que du foot..."

"Chouette", peut-être, mais pas autant qu’une possible qualification pour un quart de finale de la compétition pour l’ASSP, ce club historique de l’agglomération lyonnaise, née en 1945 et longtemps porté par l’industriel et constructeur voitures, puis de camions, Marius Berliet, devenu ensuite Renault Trucks: "Les enfants nous voient tous passés, mesure-t-il. Cela nous donne plus de responsabilités. Et cela peut le faire!" Jamais St Priest n’avait dépassé les 16es de finale – éliminé par Nancy en 2002. Un exploit (avec donc l’élimination de Valenciennes) serait alors un double moment historique!

Article original publié sur RMC Sport