Comment les fans de la "Star Academy" se mobilisent pour leur candidat (pour le meilleur et pour le pire)

La nouvelle saison de la "Star Academy" suscite un fort engouement sur les réseaux sociaux, avec des fans très mobilisés et créatifs pour propulser leurs candidats préférés. Un engagement qui peut parfois tourner au harcèlement, comme le déplorent les proches des candidats.

"J’ai l’impression qu’il y a la Star Ac’, la compétition à la télé, et une compétition parallèle sur les réseaux sociaux. C’est à celui qui amènera son candidat le plus loin possible et on se prend au jeu", s’amuse Agnès.

La trentenaire fait partie de cette communauté qui suit assidûment la nouvelle saison de la Star Academy. Le programme, revenu en 2022 sur TF1, enregistre pour cette édition des audiences saluées par la chaîne. Mais surtout, sur les réseaux sociaux, l’émission suscite un engouement intense. Sur TikTok, X (ex-Twitter), Instagram et Facebook, de nombreux internautes en partagent des extraits, les commentent et défendent leurs candidats préférés.

Les fans font preuve d’une certaine inventivité: groupes dédiés, montage photo, vidéo et même, pour une, création d’un filtre sur TikTok dédié à son académicien préféré, Djebril.

Un soutien qui r la diffusion de fausses informations, comme lorsqu'en décembre, certains ont déclaré sur X que les chanteuses Aya Nakamura et Angèle avaient apporté leur soutien à des candidats qui étaient nommés. Cela n'est jamais arrivé, mais le réalisme des publications a poussé le site Au féminin à reprendre ces fausses informations, qui se sont même retrouvées dans une interview d'Europe 1 à une des candidates concernées.

Des votes pour ceux qui sont à l'étranger

Une mobilisation décuplée lorsque ces candidats sont nommés et qu'ils risquent donc de partir faute de votes suffisants du public. "Le but dans ces moments, c’est de donner envie aux gens de voter et de montrer qu’on est présents et que le candidat a réussi à avoir une fan base", explique Eva, 28 ans, très active sur X.

La semaine dernière par exemple, avec d’autres fans, Agnès a ouvert une cagnotte pour les personnes qui vivent à l’étranger et ne peuvent donc pas voter pour la Star Academy. Celles-ci mettent une somme correspondant au nombre de votes qu’elles souhaitent effectuer (un vote coûte 99 centimes). Ceux qui se trouvent en France votent pour elles, en récupérant la somme dédiée dans la cagnotte contre une capture d’écran prouvant qu’ils ont accompli leur mission.

"C’est une organisation qui est intéressante à prendre. Moi, je ne suis pas très organisée comme personne en général et là, je découvre un atout que je peux avoir. Et on se dit qu’on n'a pas le choix, c’est l’argent de gens qu’on ne connaît pas donc on ne va pas faire n’importe quoi avec", explique Agnès.

Du temps et de l'argent

Une mobilisation qui peut coûter cher (Eva a déjà dépensé 200 euros en une semaine, soit le maximum autorisé, pour soutenir un candidat) et prendre du temps. Par exemple, Romain, 38 ans, suit le live (la retransmission presque en direct de ce qu’il se passe au château) tout au long de la journée, en parallèle de son travail qu’il exerce depuis chez lui.

Sur X, il tient un compte suivi par plus de 21 000 personnes, Réact StarAc. Il l’alimente de tous les événements marquants de la journée des académiciens.

"Ce qui est cool, c’est de pouvoir échanger avec les autres. J’attire tout le monde, j’ai toutes les préférences de candidats qui sont sous mes tweets, je peux parler avec tout le monde. C’est une aventure dans l’aventure", témoigne-t-il auprès de BFMTV.com.

En effet, si les communautés de fans ne sont pas nouvelles, le sociologue Gabriel Segré souligne que les réseaux sociaux "modifient l’univers des fans et leurs pratiques". "La toile permet de renforcer et multiplier ces relations, d’agrandir le groupe, de repousser les frontières de la communauté de fans”, développe-t-il. Eva par exemple raconte s’être “fait des amis via le Twitter Star Academy", des personnes avec qui elle parle de sa vie personnelle et même dans certains cas qu’elle a rencontré dans la vraie vie.

Des insultes et des internautes "virulents"

Mais, comme le pointe Gabriel Segré, les réseaux sociaux facilitent aussi les rencontres des communautés entre elles: "C'est ainsi que certains conflits peuvent naître, se développer, être exacerbés et s’installer dans le temps". Et la communauté de fans de la Star Academy ne fait pas exception.

Romain observe sur X une ambiance "violente": "Certains membres de teams sont un peu virulents, (...) ça partage des fake news, des insultes sur des candidats, ça va vraiment loin", déplore-t-il. "Moi la première, je critique certains candidats sur des comportements qui me déplaisent", reconnaît Agnès. Un comportement qui pourrait être qualifié de harcèlement en ligne?

"Lorsqu’on voit un comportement qui nous déplaît, on a tendance à le dire publiquement, mais derrière, il y en a 50 qui font de même, donc je peux comprendre le mot harcèlement avec la répétition. Mais si moi on me dit, ‘tu harcèles quelqu’un, j’ai du mal à le comprendre parce que ce n’est qu'un tweet", répond-elle.

Le Code pénal qualifie bien de harcèlement des propos ou comportements qui “sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.”

Des fans "prêts à quantité de sacrifice"

Comment expliquer une telle virulence? "Les fans développent le sentiment qu’ils sont redevables, qu’ils doivent beaucoup à la vedette et à son œuvre: ils trouvent réconfort, aide, secours, dynamisme, consolation dans l’œuvre, l’écoute des disques, la voix du chanteur", explique le sociologue Gabriel Segré.

"Ils trouvent ce même soutien dans la vedette elle-même, dans la relation affective qu’ils développent avec elle. Ils trouvent chaleur, solidarité, amitiés, parfois amour, fraternité, écoute dans le groupe de fan. Et ils trouvent but, objectifs, sens, et bonheurs dans la dévotion, le culte de la vedette", énumère le maître de conférences à l'université Paris Nanterre.

Résultat, les fans "se sentent vite prêts à quantité de sacrifices, très désireux de rendre un peu, de remercier, de témoigner de leur gratitude et de leur reconnaissance", explique l’auteur du livre Fans de... Sociologie des nouveaux cultes contemporains. Cela "peut conduire certains fans à ne pas supporter les critiques qui peuvent être adressées à la vedette et à réagir de façon violente, démesurée".

Un phénomène difficile à vivre pour les proches

Un phénomène auquel les proches de candidats ne peuvent pas rester insensibles. Syndie, la mère de Lénie, candidate encore en lice, dit à BFMTV.com avoir fait une "très mauvaise découverte" au sujet des commentaires sur sa fille sur certains groupes Facebook. La jeune fille, qui a perdu son beau-père il y a un an, a raconté dans l’émission sa peine face à ce deuil. Syndie a vu de nombreux commentaires selon lesquels sa fille faisait "de la comédie". "Je n’aurais pas dû y prêter attention, mais c’est blessant", affirme-t-elle.

"Arriver à un tel niveau de méchanceté, je n’en reviens pas", s’étonne-t-elle encore. En décembre, elle a publié sur Facebook une vidéo fustigeant des "messages de haine" allant "très loin". Elle n’est pas la seule proche de candidat à avoir pris la parole. La sœur de Julien, Mélissa, a dénoncé les "détracteurs" qui "gâchent cette belle aventure" après des affirmations selon lesquelles son frère serait violent.

En décembre, la sœur de Candice a fait un TikTok sur sa tristesse de "voir ses parents découvrir la haine des réseaux sociaux". Candice elle-même, éliminée de l’émission fin décembre, s’est exprimée sur ce sujet dans une interview sur la chaîne YouTube de la vidéaste Alix Grousset.

"J'aimerais que ça reste bienveillant parce que je vois la team Candice être hyper gentille avec moi mais aussi un peu méchante avec certains autres de mes camarades alors que nous, on s'aime tellement tous, on est tellement tous bienveillants entre nous qu'on ne s'attendait pas à ce qu'il y ait de la haine comme ça entre entre les entre les teams", a-t-elle déclaré.

La production pas assez réactive ?

Certains professeurs ont tenté de calmer le jeu, comme la répétitrice Lucie Bernardoni, qui a appelé ceux qui soutiennent les académiciens à être "aussi bienveillants que les élèves eux-mêmes" et affirmant que "la haine est intolérable".

Des fans pointent toutefois le silence de la production face à cette violence. "Je trouve que la production ne fait pas grand-chose concernant le harcèlement que certains candidats se prennent. Ils sont très efficaces pour strike les vidéos (faire supprimer les extraits de l’émission diffusés sans droits sur les réseaux sociaux, NDLR) mais moins pour tout ce qui est harcèlement", juge Eva.

De son côté, la mère de Lénie, Syndie, affirme ne pas attendre de prise de position de la part de TF1 ou d’Endemol, la société de production responsable du programme, estimant que cela risquerait de "rallumer la flamme". "Je pense que la meilleure solution, c’est de ne plus y porter attention", dit-elle. Contactée, Endemol n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Après avoir ressenti de "la colère" et de la "tristesse" face aux commentaires sur sa fille, Syndie a décidé de quitter presque tous les groupes Facebook dédiés à l’émission. Appréhende-t-elle le moment où, sortie du programme, sa fille rallumera son téléphone? "On en avait parlé avant, mais j’espère avoir élevé mon enfant de façon à ce qu’elle porte son attention sur les choses positives".

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Star Academy : cette règle très stricte imposée aux candidats