Euro-2024 : comment l’Ukraine s’est préparée au tournoi dans un pays en guerre

L’équipe d’Ukraine, ici face à ses supporters après un match nul en amical face à l’Allemagne, à Nuremberg, le 3 juin 2024.
picture alliance / dpa/picture alliance via Getty I L’équipe d’Ukraine, ici face à ses supporters après un match nul en amical face à l’Allemagne, à Nuremberg, le 3 juin 2024.

EURO-2024 - On ne s’avancera pas beaucoup en affirmant que l’Euro de football, qui s’ouvre ce vendredi 14 juin en Allemagne, devrait être vécu comme une soupape de décompression bienvenue par le peuple ukrainien. Ce dernier pourrait même se prendre à rêver, sa sélection nationale possédant de très bons arguments pour réaliser un beau parcours.

L’Euro 2024 de foot a plus de liens avec la construction européenne que ce que vous pouvez imaginer

En lançant son tournoi lundi 17 juin (15h) à Munich face à la Roumanie, l’équipe d’Ukraine porte les espoirs d’un pays englué dans une guerre initiée par la Russie depuis maintenant près de 28 mois. À ce jour, ce sera d’ailleurs le rare cas connu d’un pays vivant une guerre et disputant dans le même temps un championnat d’Europe ou une Coupe du monde de football.

Il s’en est pourtant fallu de peu pour que la sélection ukrainienne passe à la trappe en mars, lors des barrages. Menée 1-0 face à l’Islande peu avant l’heure de jeu, elle avait finalement renversé la situation grâce à des buts de Viktor Tsygankov et Mykhailo Mudryk.

Le message fort d’Oleksandr Zinchenko

Le mérite est d’autant plus grand pour ces Ukrainiens qui, à cause des combats, ont eu à disputer tous leurs matches à domicile de la phase de qualification sur terrain neutre à l’étranger, en Slovaquie, Pologne, Allemagne ou encore République tchèque.

Non qualifiée pour le dernier Mondial au Qatar, mais quart de finaliste du dernier Euro en Angleterre, la sélection emmenée par Sergiy Rebrov sera l’une des favorites de son groupe avec la Belgique, face à la Slovaquie et la Roumanie.

Pour le quatrième championnat d’Europe de son histoire, elle arrive dans de bonnes dispositions. Les Ukrainiens n’ont en effet perdu que trois de leurs 15 derniers matchs, se payant même le « luxe » de faire match nul en Allemagne (0-0) en début de mois, une nation parmi les grandes favorites de cet Euro à domicile.

Pour performer dans le groupe E, l’Ukraine pourra compter sur des éléments majeurs de sa nouvelle génération évoluant en Europe : Oleksandr Zinchenko (Arsenal), Mykhailo Mudryk (Chelsea) ou le gardien du Real Madrid, Andrii Lunin. Mais aussi sur l’ailier du Dynamo Kiev Andriy Yarmolenko, auteur de 46 buts en 120 matches en sélection nationale.

Car c’est la particularité des 26 appelés pour ce tournoi en Allemagne : si une moitié joue en Angleterre, en Espagne ou encore en Italie, l’autre évolue dans le championnat ukrainien, qui a pu aller à son terme, fin mai, malgré les combats dans l’est et le sud du pays.

Parfois non sans mal, comme lors d’un match entre Dnipro et Oleksandriya, en novembre, qui a duré... 4h30 en raison de multiples alertes de bombardements aériens. La plupart du temps, sinon, à huis clos ou devant des tribunes presque vides. Dans ces conditions, c’est le Shakhtar Donetsk qui a tiré son épingle du jeu en devenant champion après avoir disputé ses matches à domicile à Lviv, Kiev et même jusqu’en Turquie à Antalya, à cause de la ligne de front trop proche dans l’est.

Le contexte de l’adhésion à l’UE

Si aucun joueur sélectionné pour l’Euro n’a participé aux combats – au contraire d’autres sportifs qui ont pris les armes, comme le tennisman Serhiy Stakhovsky, conduisant à la mort de plus de 200 d’entre eux au cours de la première année du conflit –, la prise de position la plus marquante au sein du groupe reste l’œuvre de l’un de ses joueurs phares, Oleksandr Zinchenko. Au micro de la BBC, le 5 avril dernier, le défenseur de 27 ans s’était dit prêt à rejoindre le front en cas d’appel de la part de son pays. Au moment même où son club d’Arsenal était lancé en plein sprint final avec Manchester City pour tenter de décrocher le titre de champion d’Angleterre.

Juste avant le début du tournoi, 13 joueurs de l’équipe nationale se sont adressés au monde dans une vidéo publiée sur X par la Fédération ukrainienne de football. On peut y voir des images de leurs villes natales touchées par les bombardements russes.

En règle générale, les joueurs ukrainiens n’oublient pas qu’ils restent des privilégiés dans leur pays. « Je suis reconnaissant à nos soldats de me permettre de continuer à jouer au football, de progresser et de dormir paisiblement », a ainsi récemment remercié le milieu du Shakthar Donetsk Georgiy Sudakov.

Le fait que l’Euro se déroule cette année en Allemagne s’inscrit aussi comme un symbole, comme l’a partagé le sélectionneur Sergiy Rebrov en amont du tournoi, pour qui le pays « est le partenaire le plus important de l’Ukraine dans cette guerre ». Celui-ci souligne aussi un autre symbole important en évoquant la participation de son pays à l’Euro au moment où l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne est sur la table des négociations.

Sur place, la sélection ukrainienne ne sera par ailleurs pas logée à la même enseigne que les autres nations, sécurité oblige. Elle fera l’objet « de mesures spéciales de protection », avait annoncé avant la compétition la ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser.

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