"D'une nuit à l'autre, mon enfant n'était plus là": l'émotion de la mère d'Estelle Mouzin au procès de Monique Olivier

Jusqu'au dernier moment, Suzanne Goldschmidt a hésité à prendre la parole. Elle le reconnaît, elle n'a "pu lire le dossier d'enquête sur la disparition d'Estelle Mouzin que récemment. "J'ai appris des détails que je ne connaissais pas et qui m’ont effarée", souffle cette femme de 67 ans, cheveux courts gris, entendue ce mercredi 6 décembre par la cour d'assises des Hauts-de-Seine qui juge Monique Olivier depuis une semaine.

Suzanne Goldschmidt est la mère d'Estelle Mouzin. C'est elle qui, le 9 janvier 2003 au soir, constate la disparition de sa fille qui vivait avec elle et sa soeur aînée Lucie dans un pavillon à Guermantes, en Seine-et-Marne. C'est elle qui passe les premiers appels aux gendarmes alors que la fillette n'est pas rentrée de l'école ce soir-là. "Mon rayon de soleil m’a été enlevé lorsque Michel Fourniret me l'a retiré et l’a tué de la manière la plus atroce possible", témoigne, en visioconférence, cette mère endeuillée.

"D’une nuit à l’autre ma plus jeune fille, mon enfant, n’était plus là", poursuit-elle d'une voix emplie d'émotion.

"Dans la même maison sans Estelle"

Comment une mère peut-elle continuer à vivre après la disparition, inexpliquée pendant 20 ans de son enfant? Contrairement à Éric Mouzin, son ex-mari, qui s'est lancé dans le combat contre l'oubli de sa fille disparue, Suzanne Goldschmidt, arrivée en France en 1967, a fait le choix de quitter la France. Avant ce témoignage devant la cour d'assises, elle avait gardé le silence depuis juillet 2003.

"Après l’enlèvement d’Estelle, je suis restée en France pendant deux ans qui ont été un enfer quotidien. Tout était insupportable, l’attention médiatique, l’obligation d’identifier des objets (dans le cadre de l'enquête, NDLR) toujours avec la boule au ventre, le regard des autres, (...), les affiches partout... Ce regard des autres toujours bienveillant me ramenait sans cesse à l’horreur."

"Je ne pouvais plus continuer à vivre dans la même maison sans Estelle (...) Il fallait partir le plus loin possible essayant d’échapper à cette perte insupportable", se justifie cette femme à l'accent germanique, installée depuis en Afrique-du-Sud.

"J'ai commis une grave erreur"

Suzanne Goldschmidt se protège aussi, pendant des années, des détails sordides de la mort de sa fille, "pour ne pas replonger dans ce cauchemar". Mais, depuis 20 ans, elle vit, à l'instar des autres membres de la famille d'Estelle Mouzin qui ont témoigné devant la cour d'assises, dans une forme de culpabilité. Dévoilant une enfant "facile", "toujours de bonne humeur", à la "personnalité vive, extravertie", la sexagénaire se souvient de sa fille tellement "fière de rentrer comme une grande à la maison avec sa clé autour du cou".

"J’ai commis une grave erreur, une faute que je me reproche depuis 20 ans et que je continuerai à me reprocher jusqu’à la fin de ma vie", cupabilise encore Suzanne Goldschmidt.

Cette dernière est la seule mère des trois victimes pour lesquelles Monique Olivier est actuellement jugée à témoigner devant la cour d'assises. De mère à mère, elle tente de faire parler Monique Olivier qui "aurait pu sauver sa (ma) fille". Monique Olivier a reconnu avoir gardé la petite fille dans une maison de Ville-sur-Lumes. "Elle l'a laissée entre les mains de Fourniret sans aucune émotion ou empathie, Monique Olivier a aussi tué Estelle", ne décolère pas Suzanne Goldschmidt.

"Je vous demande: qui êtes vous pour avoir commis ces actes? Avez-vous imaginé que vos garçons subissent le même sort?", interpelle-t-elle Monique Olivier, tête basse dans le box.

"Si vous avez encore une once d'humanité, dites nous où vous avez enterré Estelle! Pourquoi avoir gardé le silence aussi longtemps, notre attente aurait été un peu écourtée et Michel Fourniret aurait pu être jugé", plaide-t-elle. "Je ne fais pas exprès, c’est pas par méchanceté, pas par cruauté, mais je ne sais pas où est le corps d’Estelle", réagit Monique Olivier.

Article original publié sur BFMTV.com