"Il devait bouillir intérieurement": après l’attente, Mike Maignan prend enfin sa place chez les Bleus

Sa sortie ultra rapide devant Baumgartner contre l’Autriche (1-0) a changé le match, les Bleus ayant marqué dans la foulée, moins de deux minutes après cette intervention. Son plongeon décisif dès la première minute contre les Pays-Bas (0-0), sur une frappe de Frimpong, a permis à l’Equipe de France de ne pas courir après le score.

Depuis le début de l’Euro, Mike Maignan symbolise la solidité de son équipe, qui n’a pas encaissé un seul but et a finalement été assez peu mise en danger (sept tirs cadrés concédés).

Avec deux clean-sheets, le gardien des Bleus rejoint ses prédécesseurs Joël Bats et Fabien Barthez, également invaincus lors des deux premières rencontres de Euro 1984 pour l'un et de la Coupe du Monde 1998 pour le second.

"Mike est rayonnant, se réjouissait Didier Deschamps après le match contre les Pays Bas. Il est fort, il se sent fort, c’est un leader pour la défense, on aura besoin de lui à ce niveau-là !"

Bouillonnement et apprentissage

Ces moments-là, Mike Maignan les attend depuis plusieurs années, après avoir patienté dans l’ombre d'Hugo Lloris en Equipe de France. "Je pense que ça bouillonnait en lui", sourit Romain Damiano. Ce formateur a découvert Maignan dans son premier club de Villiers-le-Bel, en poussin, quand le petit Mike dépannait un jour dans les cages. Il ne les a plus jamais quittées.

"Quand il avait 14 ans, j’avais discuté avec mon père et je lui avais dit que j’avais le futur gardien n°1 de l'équipe de France. Maintenant qu’il y est, c’est fini pour les autres. Avec une bonne hygiène de vie, il y sera au moins jusqu’à 40 ans", ajoute-t-il.

Car il connaît bien le caractère du portier, "discret, réservé" en dehors du terrain, mais qui se transforme une fois sur la pelouse. "Il peut être à la fois incroyable et usant pour ceux qui travaillent avec lui car il t’emmène avec lui dans le travail, la préparation, le professionnalisme, le détail, explique Éric Allibert", son entraîneur des gardiens à Lille de 2019 à 2021. "Au-delà de ses qualités globales, son mental fait partie de son bagage."

Et il en a eu besoin, de ce caractère, car le Milanais n’a pas toujours eu ce qu’il voulait tout de suite. Arrivé à Paris à 14 ans, il n’y jouera jamais, barré par Sirigu, Douchez puis Trapp. A Lille, il patiente derrière Vincent Enyeama avant de s’imposer. Et en Bleu, Hugo Lloris lui a longtemps barré la route (17 sélections à 28 ans).

"Il a été numéro 3, avec sûrement un peu d’impatience, pense Romain Damiano. Mais il a su prendre exemple sur les gardiens qui étaient devant lui, en Equipe de France, à Paris ou à Lille. Et quand il prend la place, personne ne lui reprend."

Selon Franck Raviot, l’entraîneur des gardiens de l'équipe de France, il existe pas mal de similitudes entre Lloris et Maignan. "J’échangeais beaucoup avec les entraîneurs des gardiens du PSG à l’époque, il était vraiment à l’écoute, il prenait exemple sur les autres, pareil à Lille", se rappelle Damiano.

Lloris comme exemple

Allibert abonde: "Derrière Lloris je pense qu’il a dû apprendre, même s’il était n°3, qui est un rôle pas facile, tu bosses après les séances, tu restes avec les mecs qui n’ont pas trop joué. Pour moi, il était prêt dans sa tête depuis un moment. Dans ce cas, tu observes ce qu’il se passe autour de toi, il a aussi beaucoup appris de Franck Raviot."

Sûr dans les airs, bon sur sa ligne et plutôt propre au pied: les premières prestations de Mike Maignan dans cet Euro ont beaucoup plu à ses formateurs, dont Eric Allibert. "Pour moi c’est une finalité, Mike voulait toujours jouer, même les matchs contre des N3 en Coupe de France, car il disait qu’il était resté trop longtemps doublure étant jeune. C’est un grand compétiteur qui a soif de match. C’est une récompense pour lui. Il a eu des petits pépins ces derniers temps, mais il le mérite tellement avec le travail qu’il fournit."

Le gardien ne s’est pas encore présenté devant les médias depuis le début du rassemblement et se concentre pour l’instant sur le terrain. Dans le vestiaire, en revanche, il a pris du poids et peut encourager les siens par des prises de parole. Le milieu Aurélien Tchouaméni l’évoquait cette semaine: "Il apporte son leadership. Il aime parler, parler de manière positive, donner des conseils. Il a un grand charisme, quand il parle, tout le monde l’écoute."

"Je pense qu’il assume, il connaît son rôle, il sait que c’est le numéro 1, pas de soucis de ce côté-là", assure Romain Damiano. "Il a toujours assumé son rôle de leader. Il va commander sa défense, il va apporter tout ce qu’il faut sans soucis. Il devait avoir sûrement une petite pression mais il a largement les épaules."

"La pression? Il ne l’a jamais eue"

Dès les catégories jeunes, ce leadership se dégage dans les petits vestiaires de Villiers-Le-Bel. Nicolas, un pote d’enfance, a partagé quelques années de club et de collège avec Mike Maignan: "Il ne parlait pas forcément mais quelque chose se dégageait. Il fallait le suivre, il avait l’esprit d’équipe."

Et la pression, celle qui peut faire trembler les jambes, Maignan ne la connaît pas vraiment, selon nos interlocuteurs. Il l’avait notamment prouvé en stoppant un penalty dès sa première en Ligue 1 avec Lille en septembre 2015.

"La pression? Il ne l'a jamais eue je crois, rit Nicolas. Il est sûr de ce qu’il sait faire. Il arrivait à relativiser sur pleins de choses. Il savait quelle erreur il avait faite, pourquoi et il ne la faisait plus après. Je pense qu’il devait bouillir intérieurement mais il savait que ça allait arriver." Quand les pépins physiques - qui ont tendance à le gêner - le laissent tranquille, "il fait partie du Top 3 mondial", estime Allibert.

Le natif de Cayenne est aussi porté par son histoire familiale. Il répète souvent qu’il fait sa carrière pour sa mère et ses sœurs, dans une famille qui n’a pas toujours eu les moyens d’une vie confortable à son arrivée de Guyane Française.

"Sa maman, on devrait même dire qu’elle était éducatrice. Elle était là, elle accompagnait, ses sœurs aussi. Elles nous supportaient comme elles supportaient son fils. Une relation très forte comme on voyait très peu de petits avec sa maman à l’époque,, se rappelle Nicolas. "Sa famille est fière et très soudée, appuie Romain Damiano. Il rend déjà fière sa maman avec qui j’échange parfois. Lui ramener la Coupe d’Europe serait un beau cadeau."

Article original publié sur RMC Sport