"On a cru que c'était l'apocalypse" : en Turquie et en Syrie, les récits glaçants des rescapés des séismes

Des personnes blessées lors d'un tremblement de terre matinal sont soignées dans un hôpital près de Bab al-Hawa, un point de passage vers la Turquie tenu par les rebelles syriens, le 6 février 2023. - MOHAMMED AL-RIFAI / AFP
Des personnes blessées lors d'un tremblement de terre matinal sont soignées dans un hôpital près de Bab al-Hawa, un point de passage vers la Turquie tenu par les rebelles syriens, le 6 février 2023. - MOHAMMED AL-RIFAI / AFP

Les séismes de ce lundi matin en Turquie et en Syrie ont fait plusieurs milliers de morts. Dans les zones sinistrées, les survivants racontent leurs maisons détruites, les corps extirpés des gravats et un jour digne de "l'apocalypse".

Melisa Salman, 23 ans, journaliste locale à Kahramanmaras, la province où se trouve l'épicentre de deux puissants séismes qui ont frappé lundi le sud-est de la Turquie, n'avait jamais vu de secousses aussi fortes.

"C'est une région sismique, on a donc l'habitude des secousses. Mais nous n'avons jamais vécu une chose pareille", a-t-elle déclaré, encore sous le choc, à propos du premier séisme de magnitude 7.8 qui a frappé le pays à 4h17, heure locale.

Ceux qui avaient dans la matinée oser regagner leurs habitations en apparence intactes, ont du évacuer en panique lorsqu'est survenu un nouveau séisme de magnitude 7.5, à 11h24 heure de Paris.

"J'ai tellement peur"

Tulin Akkaya, à Diyarbakir, également dans le sud-est de la Turquie, en fait partie. La jeune femme d'une trentaine d'années a "vivement" ressenti les secousses, vivant au dernier étage de son immeuble dans le quartier de Kayapinar, à Diyarbakir.

"Nous sommes sortis en panique. C'était presque le même que ce matin. J'ai tellement peur maintenant, je ne peux plus rentrer dans mon appartement, je ne sais pas ce qui va se passer", a-t-elle expliqué.

Les autorités ont enregistré plus de 50 répliques avant l'arrivée d'un deuxième puissant séisme. Malgré la terre qui ne cesse de trembler, les secours, souvent épaulés par des habitants, continuent de rechercher des victimes.

À Kahramanmaraş, une fillette de 6 ans a ainsi pu être sauvée par des secouristes aidés par son père qui œuvrait en manches courtes sous la neige. Au total, trois enfants ont pu être sauvés des décombres de cet immeuble entièrement en ruines à Kahramanmaras. Mais d'autres victimes attendent d'être secourues.

"J'ai pu sauver trois personnes en vie. Mais j'ai aussi porté deux corps. Je ne peux aller chez moi. Je reste au cas où ils auraient besoin de moi", a déclaré Halis Aktemur, ouvrier de 35 ans qui est venu offrir son aide aux secouristes qui travaillent sur les ruines d'un immeuble à Diyarbakir.

"Ma sœur et ses trois enfants sont sous les décombres"

Les températures baissant à l'approche de la nuit inquiètent les habitants des régions touchées. Les salles de sport ou de mariage intactes accueillent des gens qui ne peuvent rentrer chez eux à Diyarbakir.

"Ma sœur et ses trois enfants sont sous les décombres. Aussi son mari, son beau-père et sa belle-mère. Sept membres de notre famille sont sous les débris", a raconté Muhittin Orakci qui attendait les opérations de secours devant un immeuble effondré à Diyarbakir, dans le sud-est du pays.

"Sa sœur est toujours sous les débris", a indiqué une femme en montrant une autre victime qui pleure à Diyarbakir.

En Syrie, c'est "beaucoup plus dur que les bombes"

Dans un hôpital du nord-ouest de la Syrie, Oussama Abdelhamid, blessé au front, n'arrive pas à retenir ses larmes: l'immeuble où il habite avec sa famille s'est écroulé en pleine nuit. Cet habitant d'un village frontalier de la Turquie a survécu par miracle au premier tremblement de terre.

"On dormait quand on a ressenti un très fort tremblement de terre", a-t-il raconté, vêtu d'une longue abaya brune.

"Avec ma femme et mes enfants, nous avons couru vers la porte de notre appartement au troisième étage. Dès que nous l'avons ouverte, le bâtiment tout entier s'est effondré", a-t-il poursuivi après avoir été soigné à l'hôpital Al-Rahma dans la ville de Darkouch, province d'Idleb.

En quelques instants, Oussama Abdelhamid s'est retrouvé sous les décombres du bâtiment de quatre étages dans le village d'Azmarine, mais "Dieu le protecteur" l'a miraculeusement sauvé, ainsi que sa famille, dit-il.

"Mon fils a réussi à sortir et a commencé à crier"

"Les murs nous sont tombés dessus, mais mon fils a réussi à sortir et a commencé à crier, puis les gens se sont rassemblés et nous ont sortis des décombres", ajoute-t-il, très ému, après avoir été soigné à l'hôpital Al-Rahma dans la province d'Idleb. Tous ses voisins ont été tués.

L'hôpital Al-Rahma est bondé, les blessés arrivant sans discontinuer par ambulances, dont un grand nombre d'enfants. Les corps d'au moins trente personnes sont arrivés dans l'établissement.

Dans l'une des chambres de l'hôpital, des blessés sont allongés sur des lits proches les uns des autres, certains la tête entourée de bandages et d'autres des fractures ou des hématomes. Dans une autre pièce, une petite fille crie alors qu'on lui fait une piqûre, avant de lui poser un plâtre à la main. Un garçon à la tête bandée est assis près d'elle.

"La situation est très grave"

"La situation est très grave, de nombreuses personnes sont toujours sous les décombres d'immeubles résidentiels", a déclaré Majid Ibrahim, un chirurgien.

Dans ces zones tenues par les rebelles qui combattent le régime de Damas, on dénombre au moins 221 morts. Mohammed Barakat, 24 ans et déjà père de quatre enfants, est allongé sur un lit de l'hôpital Al-Rahma, où il est soigné pour des blessures au visage et une fracture de la jambe, provoquées par la chute d'un mur sur lui.

Dans la ville de Sarmada, au nord d'Idleb, un bloc de bâtiments contigus a été aplati, alors les panneaux solaires et réservoirs d'eau sont restés intacts. Matelas et couvertures jonchent les décombres. Des secouristes ont essayé de dégager les décombres à la recherche de survivants, tandis qu'un bulldozer et d'autres véhicules soulevaient les toits et les murs.

"Comme si c'était le jour du jugement dernier"

Lorsqu'il a ressenti le tremblement de terre, Anas Habache, 37 ans, est allé chercher son enfant et a demandé à sa femme enceinte de le rejoindre en courant à l'entrée de leur appartement situé au troisième et dernier étage d'un immeuble de la ville d'Alep.

"Nous avons dévalé les escaliers comme des fous, et dès que nous sommes arrivés dans la rue, nous avons vu des dizaines de familles effrayées", a-t-il dit.

"Il y en avait qui étaient à genoux en train de prier, d'autres pleuraient, comme si c'était le jour du jugement dernier", a-t-il ajouté.

"Je n'ai rien senti de pareil pendant toutes ces années de guerre, la situation est beaucoup plus dure que les bombes", a affirmé Anas Habache.

Article original publié sur BFMTV.com

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