Crédibilité économique de la gauche : « Il y a de la bonne et de la mauvaise dette », défend Marine Tondelier

L’annonce tombe peut-être au pire moment pour la gauche, lancée dans une campagne législative express avec un programme économique « de rupture » : la France est épinglée par l’Union européenne pour déficit excessif, après avoir à nouveau dépassé l’an dernier le seuil des 3 % fixés par Bruxelles. Comment, dans ce contexte, promettre des lendemains qui chantent et un retour de l’Etat providence ? Pour l’heure, les chiffres du programme économique du Nouveau Front Populaire sont encore en cours de finalisation. « On a fait en 4 jours un travail programmatique que d’autres font en plusieurs semaines voire en plusieurs années », explique la cheffe de file des écologistes Marine Tondelier. Attaqué par ses adversaires macronistes sur le plan de la crédibilité, le Nouveau Front Populaire doit trouver la parade pour rassurer les milieux économiques et convaincre les Français. Le premier test a été passé jeudi matin : le socialiste Boris Vallaud et l’insoumis Eric Coquerel étaient auditionnés par plusieurs fédérations patronales, dont le Medef.

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« Des Robins des bois à l’envers »

Pour l’heure, Marine Tondelier « récuse » ces « procès en crédibilité » lancés par « un gouvernement qui a affolé les agences de notation sur sa propre politique ». « Qui sont-ils pour nous donner des leçons de morale ? », demande l’élue écologiste, pointant du doigt l’augmentation de la dette sous les mandats d’Emmanuel Macron. « Ils ont fait 40 milliards de cadeaux fiscaux par an aux riches sans compter les 14 milliards de la suppression de la taxe d’habitation. Ils ont enlevé des recettes. C’est Robin des bois à l’envers, ils ont pris aux pauvres pour donner aux riches ». Contre ce que la gauche a dès le début dénoncé comme « le président des riches », le Nouveau Front Populaire promeut un programme économique basé sur une politique de relance qui s’appuierait sur une hausse des dépenses de l’Etat et, en contrepartie, une hausse des recettes fiscales. « On est pour la justice sociale. On estime que lorsqu’il y a de l’argent à aller chercher, certaines personnes peuvent contribuer plus que d’autres. On va rendre le système fiscal plus juste », assume Marine Tondelier. Et l’élue écologiste de prendre l’exemple des deux grandes crises qui se sont répercutées en France ces dernières années : « Quand je vois que des fortunes ont doublé ou triplé sur un an, avec des superprofits grâce à la guerre en Ukraine ou le covid-19, il aurait été juste et normal de les taxer pour financer des politiques et aider celles et ceux qui ont été frappés par ces crises ».

 

 

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Sur le modèle du « quoi qu’il en coûte »

 

Au-delà d’augmenter les impôts, la gauche entend aussi investir pour le climat, ce qui passe à court terme par de la dette supplémentaire. Au risque d’encore franchir les limites des règles du pacte budgétaire européen, dans un contexte de finances publiques dégradées. « Il y a de la bonne et de la mauvaise dette, il faut que les Français le sachent », répond Marine Tondelier, rappelant que « l’inaction climatique va nous coûter de l’argent ». Là encore, la cheffe de file des écologistes tape sur le bilan d’Emmanuel Macron, qui a vu la dette bondir (notamment avec la crise du covid-19). « Si on faisait de la dette pour faire de la justice sociale et baisser la pauvreté dans le pays, sauver le climat, je dirais pourquoi pas. Mais il n’y a jamais eu autant de pauvres dans ce pays : 9 millions de personnes. Là ils se sont endettés pour faire des cadeaux fiscaux à leurs amis », attaque Marine Tondelier, qui rappelle que « 42 % des Français sautent un repas par semaine. 35 % ont moins de 100 euros sur leur compte en banque le 10 du mois ». Reste à savoir comment la gauche compte mettre en place son programme économique qui pourrait laisser la Commission européenne sceptique. « Quand vous voulez changer les choses, mettre en œuvre une politique de rupture, tout le système va toujours expliquer que ce n’est pas possible”, relativise Marine Tondelier, qui déplore un deux poids deux mesures dans la perception des politiques proposées entre la macronie et la gauche : « Quand on est Macron, on a une présomption de crédibilité, quand on est de gauche on a une présomption de non crédibilité », explique la nordiste, rappelant la politique du « quoi qu’il en coûte » menée par Emmanuel Macron à partir du printemps 2020. « Là, ce n’était pas grave, et quand c’est la gauche et les écologistes qui proposent, c’est très grave », note Marine Tondelier.

 

« Oui, on va le faire »

 

L’élue en est convaincue, la gauche ne doit pas baisser les yeux quant à ses ambitions sociales : « Qu’on aille défendre notre pays, qu’on aille dire qu’on va se battre pour ne plus avoir 9 millions de pauvre, qu’on va investir dans l’avenir et l’environnement », martèle-t-elle. « Oui on va le faire, j’espère bien qu’on va le faire ! Moi je n’ai pas fait tout ça pour promettre un programme de rupture et dire « oui c’est pas possible » en arrivant au gouvernement », s’engage Marine Tondelier, qui trouve là un moyen d’attaquer le Rassemblement national. Le parti d’extrême droite, qui tergiverse depuis plusieurs jours sur les promesses qu’il souhaite ou non mettre en place, « s’apprête à faire la même politique que Macron », selon l’écologiste. « Ils disent qu’ils vont abroger la réforme des retraites, mais pas tout de suite, après un audit financier… ils nous proposent des baisses de TVA sociales sur les biens de première nécessité, avant d’annuler leur annonce le lendemain. Nous je sais ce qu’on va faire, et je peux vous dire qu’on va vraiment le faire ».