Mutation du variant anglais : la stratégie vaccinale britannique pointée du doigt

Margaret Keenan, première Britannique vaccinée, le 8 décembre 2020.

Des cas de variants anglais disposant de la mutation caractéristique des variants sud-africains et brésiliens ont été découverts au Royaume-Uni.

Le variant anglais, connu sous le nom de B.1.1.7, est en train de muter indique l’agence de santé publique anglaise dans un rapport du 1er février. Plusieurs cas de variants anglais disposant également de la mutation E484K, présente dans les variants sud-africains et brésiliens, ont été détectés à deux endroits du pays, en Angleterre et au Pays de Galles.

Si cette mutation est particulièrement surveillée, c’est parce qu’elle cumule la mutation N501Y du variant anglais, plus contagieux, et la mutation 484K qui aurait un impact sur l’efficacité du vaccin, qu’elle réduirait en partie. Une mutation qui intervient alors que le pays déploie une stratégie de vaccination contestée.

Une mutation qui rend le vaccin moins efficace

Ainsi, par exemple, Moderna a indiqué que la capacité neutralisante des anticorps fournis par son vaccin est six fois moins importante face au variant sud-africain que pour les autres variants, tout en restant efficace. Novavax a rapporté des résultats préliminaires mettant en évidence une efficacité de son vaccin de 50% chez les patients en Afrique du Sud, à comparer avec un taux pouvant atteindre jusqu'à 89,3% dans des résultats d'études plus avancées au Royaume-Uni.

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De son côté, Johnson & Johnson a rapporté une efficacité de 72% contre seulement 57% en Afrique du Sud, où le variant concernait 95% des cas étudiés.

Une vaccination en plein pic épidémique

“Le Royaume-Uni a commis une erreur qui a favorisé l’émergence de cette nouvelle variation : ils ont vacciné massivement alors que l’épidémie était très active, et ils ont retardé la seconde dose du vaccin à 12 semaines”, remarque le biologiste Claude-Alexandre Gustave.

Ce graphique montre l’évolution du nombre de cas de Covid-19 détectés par jour au Royaume-Uni, depuis le début de la campagne de vaccination, le 8 décembre dernier. En près de deux mois, près de 10 millions d’injections ont été réalisées au Royaume-Uni, bien plus que n’importe quel autre pays européen, alors que le virus circulait activement, avec près de deux semaines consécutives à plus de 50 000 cas recensés par jour.

Evolution du nombre de nouveaux cas détectés de Covid-19.
Evolution du nombre de nouveaux cas détectés de Covid-19.

“Vacciner massivement alors que l’épidémie est active conduira inéluctablement à la sélection de mutants en échappement immunitaire et capables de résister au vaccin”, ajoute le biologiste.

Le risque de “générer des mutations” était connu

Un risque sur lequel avait alerté le Centre national d’information et de connaissances sur le coronavirus d’Israël, qui soulignait que la vaccination de masse pourrait “entraîner une ‘pression évolutive’ sur le virus et générer des mutations”.

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La mutation E484K a été repérée en Afrique du Sud et au Brésil, deux pays avec une forte circulation du virus, ce qui favorise l’émergence de tels variants. “À la fois parce qu’un nombre élevé de personnes sont infectées et constituent autant de réservoirs à mutants, mais également parce qu’une part significative de la population acquiert une immunité contre le SARS-CoV-2, qui subit alors une pression de sélection immunitaire faisant émerger les mutants capables d’y échapper”, explique Claude-Alexandre Gustave. Autrement dit, le virus, trouvant sur son chemin de plus en plus de personnes immunisées, tente de contourner les anticorps et mute.

Des variants qui émergent grâce à la vaccination

“Ces variants sont restés dans l’ombre en 2020 puisque peu d’individus étaient immunisés”. Mais alors que la part de la population infectée est croissante et que les vaccinations de masse démarrent, “ces mutants en échappement immunitaire acquièrent un avantage sélectif puisqu’ils parviennent à mieux se propager que les autres lignées virales freinées par notre immunité”, explique le biologiste.

Autrement dit, lorsqu’une part importante de la population est immunisée, ils se diffusent davantage et prennent le dessus sur la souche du virus jusqu’à présent majoritaire. C’est ce qui correspond à la situation du Royaume-Uni, qui combine circulation active du virus et vaccination de masse, ce qui peut favoriser une mutation du virus pour échapper au vaccin.

L’erreur de retarder la deuxième dose

Autre erreur pointée du doigt, le fait de retarder la deuxième dose. Pfizer et Moderna recommandent respectivement 21 et 28 jours entre les deux injections. Alors que la France s’est finalement rangée derrière les recommandations après l’inquiétude de nombreux scientifiques, les autorités britanniques ont fait le pari de décaler jusqu’à 12 semaines le temps entre la première et la seconde dose, afin d’injecter davantage de première dose, pour assurer une immunité partielle.

Olivier Véran annonce que la deuxième dose du vaccin ne sera pas reportée.
Olivier Véran annonce que la deuxième dose du vaccin ne sera pas reportée.

Sauf que “des études montrent que l’immunité après la première dose est faible et peu, voire pas neutralisante”, relève Claude-Alexandre Gustave. Ainsi, si un individu qui a reçu la première dose est infecté, “le virus se retrouve exposé aux anticorps induits par le vaccin, mais sans que ceux-ci ne puissent bloquer efficacement le virus. Il peut alors se répliquer et donc muter tout en étant exposé aux anticorps vaccinaux. Ceci conduit à sélectionner les mutants capables de résister à ces anticorps”, décrypte le biologiste, qui salue le fait que la France n’ait pas suivi la recommandation de la Haute Autorité de Santé, favorable à espacer les doses.

“Retarder la deuxième dose favorise l’apparition de mutants résistant au vaccin”

“Plus on retarde la 2ème dose, plus on allonge cette période de production d’anticorps faiblement neutralisants, et en cas d’infection, on favorise ainsi la sélection de mutants en échappement immunitaire”, conclut Claude-Alexandre Gustave.

C’est ce qui a pu se produire au Royaume-Uni, avec le décalage des doses combiné à une circulation active du virus, et donc une probabilité plus élevée d’être infectée entre la première et la deuxième dose. En clair, dépasser le délai recommandé entre les deux doses augmente la possibilité donnée au virus de muter en un variant plus résistant au vaccin.

Les vaccins devraient suffire

Cette mutation E484K, désormais combinée à la mutation N501Y qui caractérise le variant anglais, était qualifiée de “la plus inquiétante de toutes”, mi-janvier par Ravi Gupta, professeur de microbiologie à l’Université de Cambridge, lors d’un entretien à l’AFP.

Si le variant sud-africain et brésilien ont un impact sur les anticorps, les laboratoires ont précisé que le niveau de protection donné par le vaccin était à l’origine si élevé que cela ne devrait pas poser de problème.

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