Coronavirus : faut-il craindre une nouvelle "guerre froide" ?

Donald Trump s'est montré virulent envers la Chine au sujet de la gestion de la crise du nouveau coronavirus.
Donald Trump s'est montré virulent envers la Chine au sujet de la gestion de la crise du nouveau coronavirus.

Les tensions internationales se cristallisent autour du coronavirus. La France, les États-Unis et le Royaume-Uni ont notamment fait part de leurs doutes sur la gestion de la crise par la Chine.

La crise sanitaire du nouveau coronavirus va-t-elle être doublée d’une crise diplomatique ? Alors que la Chine remonte la pente, d’autres pays encore durement touchés commencent à s’interroger sur la véracité des informations dévoilées par Pékin sur le sujet.

Donald Trump est - sans grande surprise - le plus virulent. Le président américain a, très tôt, accusé la Chine d’avoir menti sur la gravité du Covid-19. Plus récemment, il a blâmé l’OMS pour sa trop grande proximité avec le pays, ce qui aurait conduit à sa mauvaise gestion de la pandémie. La sanction ne s’est pas fait attendre très longtemps puisque le républicain a décidé, le 14 avril, de suspendre la contribution américaine au budget de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Les accusations ne s’arrêtent pas là puisque, selon Fox News, Washington serait en train d’enquêter sur l’origine du nouveau coronavirus. D’après le média, les investigations montreraient que le virus, bel et bien d’origine naturelle, se serait répandu à cause d’une erreur humaine. Étudié dans un laboratoire de Wuhan, il aurait contaminé l’un des employés, faute de mesures de sécurité suffisantes.

La France dubitative

Outre ces tensions déjà existantes entre la Chine et les États-Unis - “depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump s’est engagé dans une guerre commerciale contre ce pays”, rappelle Barthelemy Courmont, professeur à l’université catholique de Lille et directeur de recherche à l’Iris - d’autres pays font entendre leurs réticences face à Pékin.

À commencer par la France. Dans une interview accordée au Financial Times ce 16 avril, Emmanuel Macron l’affirme : “Il y a manifestement des choses qui se sont passées et qu’on ne sait pas” en Chine. “N’ayons pas une espèce de naïveté qui consiste à dire que cela a été beaucoup mieux géré” là-bas, ajoute-t-il.

Le ton était déjà monté entre les deux pays quelques jours plus tôt, lorsque le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait recadré l’ambassadeur de Chine pour une lettre diffusée sur le site officielle de l’ambassade de Chine en France. Cette missive, signée par un “diplomate chinois en poste à Paris”, critique âprement la gestion de la crise sanitaire dans l’Hexagone et dans les autres pays occidentaux.

La Russie en médiateur

Le Royaume-Uni a également fait part d’une certaine réserve à l’égard du gouvernement de Xi Jinping par le biais de son ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab, qui a assuré en conférence de presse le 16 avril que la Chine devrait “répondre à des questions difficiles sur l’apparition du virus, et pourquoi il n’a pas été stoppé plus tôt”.

En face, Vladimir Poutine a affirmé son soutien à la Chine lors d’un entretien téléphonique avec Xi Jinping, toujours le 16 avril. “Les tentatives de certaines personnes visant à calomnier la Chine en utilisant l'origine du nouveau coronavirus sont inacceptables”, a affirmé le président russe, ajoutant que, pour l’heure, les accusations étaient “contre-productives”.

Pas du tout une logique de guerre froide

La Chine et la Russie d’un côté, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France de l’autre, voilà qui pourrait rappeler un schéma déjà rencontré dans l’histoire. Il n’en n’est rien. “Nous ne sommes pas du tout dans une logique de guerre froide ou de bipolarité”, balaye Barthélémy Courmont. D’ailleurs, “les divergences entre les États-Unis et l’Europe sont très profondes”, poursuit-il.

N’oublions pas que ces trois États font partie des pays les plus touchés par le Covid-19, et “ils sont agacés de voir la Chine se poser en donneuse de leçon” sur la question sanitaire. Ils ont donc eu un “premier réflexe assez compréhensible même s’il n’apporte rien”, analyse Guillaume Devin, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris, qui a co-dirigé “L’assemblée générale des Nations unies”.

Mais la similitude s’arrête là. Car ces trois pays n’ont pas du tout les mêmes intentions. Donald Trump cherche par tous les moyens à “désigner un coupable, pour montrer que son administration n’est pas en tort”, avance Barthélémy Courmont. Le bouc émissaire est idéal, puisque c’est un rival commercial.

Emmanuel Macron se pose en leader européen

Emmanuel Macron essaie, quant à lui, de s’imposer en leader de l’Union Européenne. La crise est pour lui “une opportunité de relancer le projet européen, auquel il est très attaché”, poursuit le directeur de recherche à l’Iris. Le Royaume-Uni, particulièrement affaibli par la crise, qui a momentanément mis sur le banc de touche son Premier ministre, “est dans une position de suiviste”, nous explique Guillaume Devin. Ces deux pays sont moins dans l’invective actuelle que dans la quête d’une vérité en sortie de crise.

De son côté, la Chine tente surtout de “minimiser la responsabilité de Pékin dans la crise, de passer sous silence tout ce qui a fait défaut”, mais aussi de tirer profit du fait que, pour le moment, le pays semble sorti d’affaire pour “s’imposer sur la scène internationale”, nous précise Barthélémy Courmont.

Quant à l’attitude de Vladimir Poutine, elle est plutôt “pragmatique”. Le président russe joue la carte chinoise, plus disposée “à l’écouter que le côté occidental, à l’heure actuelle”, poursuit le spécialiste.

Des négociations nécessaires

Même si les tensions se cristallisent autour de la pandémie, elles ne devraient pas dégénérer pour autant. “Certes, les contentieux sont nombreux, donc les difficultés devraient durer”, prévoit le professeur de Sciences Po, pour autant “il y a une forme d’interdépendance”. “Tout le monde est lié, tout le monde a besoin de croissance et on ne peut pas laisser les pays pauvres s’enfoncer dans la dette, donc il faudra bien négocier, prendre des mesures collectives”, poursuit Guillaume Devin.

Pour autant, la méfiance et les sous-entendus risquent bien de perdurer au sujet du coronavirus.

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