« Il me touchait les seins en riant » : quand les « blagues » d’amis virent à l’agression sexuelle
AGRESSIONS SEXUELLES - « Il me touchait les seins en rigolant comme un enfant », se souvient Gwenn*, 25 ans. Ce geste, celui qu’elle décrit comme un « bon ami » pouvait le répéter plusieurs fois par soirée. Jusqu’à ce que la Parisienne s’énerve et lui dise qu’elle en avait assez.
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Ce qu’a vécu Gwenn n’a rien d’anodin : un tel geste, s’il est non consenti, est une agression sexuelle aux yeux de la loi. Ce délit est défini comme une atteinte sexuelle, c’est-à-dire un contact physique de nature sexuelle, « commise sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise », selon le site du gouvernement. « Il suffit que la victime n’ait pas donné son consentement, ou qu’elle n’ait pas été en état de donner une réponse claire », précise la loi.
Mais quand on parle d’agressions sexuelles, on ne pense pas toujours à ces gestes commis par des amis sous le prétexte de l’humour, souvent dans des contextes de convivialité ou d’ivresse. Pour Le HuffPost, plusieurs personnes qui ont connu des situations similaires à celle de Gwenn ont accepté de témoigner. Elles racontent comment la proximité réelle ou supposée entre amis a joué un rôle dans la banalisation de ces gestes.
« J’ai fait semblant de rigoler »
Les contextes festifs sont souvent propices à ce genre de situations. C’était le cas pour Sophie*, 25 ans, qui a subi des attouchements de la part d’une amie lors d’un afterwork. « C’était une fille avec qui j’avais du mal à poser des limites, se souvient-elle. On travaillait dans la même entreprise et on s’est très vite bien entendues. » Pendant cette soirée, son amie s’est permis de placer son nez dans le décolleté de Sophie, en bougeant la tête, sans son consentement. Le tout afin d’en faire une story Instagram.
« Elle a voulu faire plusieurs prises. Je l’ai laissé filmer juste mes seins car je préférais ça plutôt qu’elle mette son nez dedans. J’ai fait semblant de rigoler, j’étais gênée et ça ne m’a pas mis bien du tout », se rappelle celle qui est ensuite partie et n’a plus jamais mentionné l’incident à son amie. « Je n’avais pas envie de me prendre la tête alors je ne lui en ai pas parlé », explique-t-elle aujourd’hui.
Pour Thomas*, un infirmier breton, les faits se déroulent avec des amies qui sont aussi ses collègues. « Au travail, on va me mettre une main aux fesses, on va me toucher les biceps quand je porte quelque chose de lourd, on m’a déjà mis un doigt dans les fesses… » raconte-t-il. Ces gestes, ses collègues se les permettent sous couvert d’humour, alors même que l’infirmier a exprimé son non-consentement à plusieurs reprises.
« Être proche ne justifie pas ces gestes »
Comment expliquer ces transgressions ? Pour Gwenn et Sophie, la proximité réelle ou supposée avec la personne en question joue beaucoup. Au sujet de cet « ami » qui avait l’habitude de toucher ses seins en soirée, la première suggère : « Je pense qu’il se sent très proche de moi. Il devait penser que ça ne me dérangerait pas. Mais être proche ne justifie pas ces gestes. Je ne sais pas s’il le ferait s’il n’était pas bourré, mais l’alcool n’est pas une excuse. »
Depuis l’incident de l’afterwork, Sophie a mis ses distances avec son « amie », en partie pour cette raison. « Elle se disait peut-être qu’on est copines et que c’est ok. Elle avait l’impression de me connaître, mais si elle me connaissait réellement, elle aurait su que ce n’est pas vraiment mon genre de faire ça », explique celle qui se décrit comme très attentive aux questions de consentement.
« Tu casses l’ambiance »
Dans le cas de Thomas*, à la proximité amicale s’ajoutent certaines spécificités du milieu médical : « On se retrouve très facilement dans la même salle plusieurs heures, on vit des choses difficiles, on peut devenir intimes assez facilement. »
Le trentenaire évoque « l’humour médical rapidement grivois, lubrique, et malheureusement systémique » qui peut mener à ce genre de comportement. Il estime également que le fait qu’il soit « jeune, ouvert d’esprit et avec un bon sens de l’humour » participe à la banalisation de ces gestes. « Mais ce n’est pas parce que je rigole sur certaines choses que j’ai envie de me faire tripoter les fesses à longueur de journée », s’insurge-t-il.
Thomas a tenté de faire comprendre à ses collègues qu’il en avait marre. Ce à quoi on lui a répondu qu’il « cassait l’ambiance », qu’il « aimait ça » ou encore : « Fais pas ta mijaurée ». « On me répond des clichés que pourrait dire dans une série un patron dégueulasse à une salariée », déplore celui qui regrette de ne pas être pris au sérieux. « Je me sens coupable quand on me dit que je casse l’ambiance. Mais c’est mon intimité et ça me gêne. Il faudrait vraiment que je mette une sorte d’ultimatum. »
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