Contrôles insuffisants, dépenses sous-estimées... Le financement de l'école privée étrillé dans un rapport

"Ça ressemble à une vieille guerre". C'est un rapport parlementaire qui va sans doute raviver la rivalité entre enseignement public et privé en France. Ce rapport, bipartisan, puisqu'il est porté par le député LFI Paul Vannier et Christopher Weissberg, issu de Renaissance, va être présenté ce mardi 2 avril à l'Assemblée nationale sur le financement public de l'enseignement privé sous-contrat. L'AFP a pu consulter ce document, qui doit être présenté dans l'après-midi en commission des affaires culturelles et de l'éducation à l'Assemblée nationale.

Les rapporteurs ont auditionné près de 60 organismes (administrations, collectivités territoriales, réseaux d'établissements, enseignants...) afin d'évaluer les financements publics alloués aux établissements d'enseignement privés, qui scolarisent 17% des élèves en France - soit deux millions - et sont financés "a minima à 75% par la puissance publique".

Via ce rapport, qui comporte une cinquantaine de recommandations, les deux députés demandent plus de contrôles du financement de l'enseignement privé. En juin dernier, la Cour des comptes avait déjà exhorté l'enseignement privé sous contrat à "rénover en profondeur" ses liens avec l'État.

Un financement "opaque"

Les moyens publics bénéficiant au secteur s'élèvent à 9,04 milliards d'euros en 2024, mais "malgré les sommes en jeu", l'allocation de cette dépense est "peu transparente", "sans cadre légal systématiquement défini et éminemment politique", regrettent-ils.

Ils épinglent un manque de "visibilité budgétaire" côté dépenses de l'État, notamment en ce qui concerne les rémunérations des accompagnants d'élèves en situation de handicap, ainsi qu'une "absence de lisibilité comptable" côté collectivités territoriales.

La dépense publique consacrée aux établissements privés (dont 95% sont catholiques) est "en tout état de cause sous-estimée", ajoutent les parlementaires. À tel point que le modèle de financement, qui repose sur un ratio de 80-20 entre public et privé, est actuellement "plus favorable aux établissements privés", selon le rapport.

En janvier, Paul Vannier, qui travaille sur ce sujet depuis septembre, dénonçait, concernant le financement de ces établissements privés, une dépense qui n'est "pas mesurée" et "contrôlée", dans "un système particulièrement opaque".

"Ce qui me choque le plus, c'est que personne ne connaît le montant total de la dépense publique consacrée aux écoles privées sous contrat", avait expliqué l'élu, évoquant un chiffre "entre 12 et 13 milliards d'euros".

Des contrôles "largement insuffisants"

Autre constat: "la fréquence et la profondeur des contrôles" sont "très largement insuffisantes". Des contrôles budgétaires sont insuffisants, selon le rapport qui évoque des contrats d'association avec l'État "tacitement reconduits d'année en année", sans vérification.

Le document pointe également des "angles morts" dans le contrôle pédagogique des établissements, notamment "la bonne application des dispositions relatives à l'instruction religieuse".

Les contrôles administratifs, eux, ne reposent que sur de "rares signalements", comme pour le lycée musulman Averroès à Lille ou le collège Stanislas à Paris, critiquent les députés qui demandent à ce que les rapports d'inspection soient rendus publics.

"Les contreparties exigées des établissements privés sont loin d'être à la hauteur des financements, comme en témoigne la dégradation de la mixité sociale et scolaire", ajoutent les deux députés.

Pour renforcer cette mixité, Christopher Weissberg propose de rendre obligatoire la prise en compte de l'indice de positionnement social (IPS) dans le "modèle d'allocation des moyens". Son collègue de LFI, prône, lui, "un mécanisme de malus" pour baisser les dotations lorsque cet IPS est supérieur à celui des établissements publics du même secteur.

Le privé dénonce une "vieille guerre"

Cette opposition entre enseignement public et privé a de nouveau été mise en évidence par la polémique née des déclarations de l'ex-ministre de l'Éducation Amélie Oudéa-Castéra sur la scolarisation de ses enfants dans un établissement privé.

Le secrétaire général de l'enseignement catholique, Philippe Delorme, a dénoncé mercredi 27 mars des "combats d'arrière-garde" visant l'école privée. "Une partie du débat public autour de notre prétendue opacité, manque de transparence, m'a interloqué, et je trouve surtout cette perception très injuste et pas ajustée", a-t-il déclaré.

Concernant le rapport parlementaire, Philippe Delorme assure que "le financement de l'enseignement privé sous-contrat n'est pas opaque. Il est transparent et on ne cache pas des donateurs milliardaires qui nous financeraient de façon occulte, loin de là".

"Certains acteurs, politiques ou autres remettent en cause notre existence, ça ressemble à une vieille guerre que je pensais définitivement enterrée", a-t-il regretté.

En France, le privé sous contrat scolarise plus de 2 millions d'élèves dans un peu plus de 7.500 établissements, financés à hauteur de 75% par des fonds publics.

Article original publié sur BFMTV.com