Amnesty met en cause le rôle de l'ISI pakistanais

par Mehreen Zahra-Malik ISLAMABAD (Reuters) - Les autorités pakistanaises devraient enquêter sur le rôle des services de renseignement militaire (ISI) dans les attaques meurtrières subies par un grand nombre de journalistes au Pakistan ces dernières années, estime Amnesty International dans un rapport rendu public mercredi. Son étude souligne les menaces qui pèsent sur les reporters locaux, qu'elles émanent des partis politiques, des extrémistes islamistes ou des services de renseignement. Trente-quatre journalistes ont été tués au Pakistan en conséquence directe de leur travail depuis 2008. Huit ont péri ces onze derniers mois, depuis l'arrivée au pouvoir du Premier ministre Nawaz Sharif en mai 2013. "Il serait décisif pour le Pakistan d'enquêter sur ses propres agences militaires et de renseignement et de s'assurer que les responsables de violations des droits de l'homme contre des journalistes sont traduits en justice", déclare David Griffiths, le directeur adjoint d'Amnesty pour la région Asie-Pacifique. "Cela enverrait un signal fort à ceux qui prennent pour cibles les journalistes, en leur montrant qu'ils n'ont plus carte blanche." Amnesty publie son rapport dans le sillage de l'attentat commis le 19 avril dernier contre Hamid Mir, l'un des plus célèbres journalistes pakistanais, blessé par balles à Karachi. Hamid Mir a survécu et son employeur, la chaîne privée Geo News, a accusé l'ISI d'avoir orchestré cette attaque. L'armée a démenti ces accusations et réclamé la fermeture de la chaîne. Critiquer l'armée ou l'ISI reste un tabou au Pakistan mais le bras de fer engagé par Geo News avec les militaires a déclenché un débat sans précédent sur la liberté de la presse dans le pays. Il y a plusieurs semaines, un autre célèbre présentateur de télévision, Raza Rumi, a été victime d'une agression à Lahore. Il a depuis trouvé refuge aux Etats-Unis. En dépit des nombreuses violences commises contre les journalistes, les autorités n'ont que très rarement retrouvé leurs auteurs. Sur les 74 cas étudiés par Amnesty, elles n'ont enquêté que sur 34 affaires et six seulement ont abouti devant des tribunaux, donnant lieu à deux condamnations. Le Comité pour la protection des journalistes, un organisme basé à New York, a classé en 2014 le Pakistan comme quatrième pays le plus dangereux au monde pour les journalistes. Reporters sans frontières le place au 158e rang sur 167 pays dans son classement mondial de la liberté de la presse 2014. "Les journalistes, en particulier ceux qui couvrent les questions de sécurité nationale ou de droits de l'homme, sont la cible de tous les camps", résume David Griffiths. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)