Affaire Théo: sept ans après, trois policiers jugés aux assises pour violences volontaires

Affaire Théo: sept ans après, trois policiers jugés aux assises pour violences volontaires

C'est une affaire qui est devenue un symbole des violences policières. Le 2 février 2017, il est un peu avant 17 heures quand la vidéosurveillance de la ville d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, filme l'interpellation par quatre policiers de Théo Luhaka. Une opération qui se déroule dans la violence et dont le jeune homme âgé à l'époque de 22 ans porte encore les stigmates et souffre d'un handicap à vie.

Presque sept ans après cette scène, trois policiers sont jugés par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis compétente pour juger les crimes. Car le principal accusé est poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné "une mutilation ou infirmité permanente" sur la victime, avec les circonstances aggravantes de sa qualité de personne dépositaire de l'autorité publique, avec arme et en réunion. Il encourt 15 ans de réclusion criminelle.

Handicap à vie

L'"affaire Théo" avait lancé à l'époque un débat sur l'usage de la force et le maintien de l'ordre, une affaire dont s'est emparé l'exécutif, la victime recevant la visite du président de la République de l'époque François Hollande. Ce 2 février 2017, un équipage de quatre fonctionnaires de la BST (brigade spécialisée de terrain) d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) décide d'effectuer des vérifications d'identité sur un groupe de jeunes hommes dans la cité des 3.000. Rapidement, le ton monte et le contrôle de police dégénère.

Les images de la vidéosurveillance montrent les fonctionnaires procéder à l'interpellation de Théo Luhaka, alors âgé de 22 ans, qui s'y oppose. Au cours de l'empoignade, son pantalon tombe. Alors qu'il est dos au mur et pris en étau par deux policiers, ce dernier porte un violent coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense, une matraque, à travers le caleçon du jeune homme, qui s'effondre. Un trou d'environ 1 cm sera mesuré sur le sous-vêtement.

Interpellé et emmené au commissariat d'Aulnay-sous-Bois pour être placé en garde à vue, Théo Luhaka présente un important saignement. Les secours le transportent à l'hôpital où il va subir une intervention chirurgicale en urgence pour traiter une perforation rectale. A l'époque, interrogé par BFMTV, le jeune homme dénonce un acte de "torture". "C'est de la violence volontaire c'est vrai mais il y a un viol en réunion, les quatre étaient complices pour moi." Les accusations de viol ont toutefois été abandonnées au cours de l'instruction, faute d'éléments caractérisés.

"C’est une atteinte à son corps qui est extrêmement grave, qui l’empêche de se mouvoir, qui l’a empêché pendant sept ans de vivre sa passion qui était le sport", fait valoir son avocat Me Antoine Vey auprès de BFMTV.

"C’est un préjudice physique grave mais c’est aussi un préjudice psychologique très fort", poursuit-il.

Acte "involontaire"

Comme à chaque affaire de violences policières présumées, le rapport de l'IGPN, l'Inspection générale de la police nationale, était fortement attendu. L'enquête administrative a relevé des "manquements" commis par le policier auteur des coups de matraque relevant d'un "usage disproportionné de la force", constatant qu'au moment où sont portés les coups, Théo Luhaka "ne commet pas d'atteinte envers l'intégrité physique des policiers interpellateurs".

Concernant le deuxième policier, Jérémie Dulin, l'autorité dénonce un "manquement au devoir de protection due aux personnes placées sous la garde de la police". La police des polices estime toutefois que le caractère des coups n'a rien de "volontaire". Une notion qui sera au coeur des débats devant cette cour d'assises.

"A plusieurs reprises j’ai porté des coups de bâton télescopique de défense en visant le haut des jambes, témoigne sur BFMTV le policier mis en cause.

"Je reconnais et je l’assume, je n'avais aucun autre moyen a priori pour défendre mon collègue face à M. Luhaka. Je n’ai jamais eu la volonté de causer cette blessure désolante", ajoute-t-il.

Les trois policiers jugés sont toujours en activité, leur hiérarchie prononçant des sanctions administratives qu'à l'issue de ce procès pénal. Théo Luhaka a toujours appelé au calme malgré l'émotion suscitée par son interpellation et sa blessure. A la veille de l'ouverture du procès des trois policiers, il confie au Parisien "ne pas vouloir faire le procès de la police".

Article original publié sur BFMTV.com