Accord avec l'Algérie, Constitution... La droite veut mettre la pression sur la macronie avant la loi immigration

Une journée pour pousser ses pions, à 72 heures de l'arrivée du projet de loi immigration à l'Assemblée nationale. Les députés Les Républicains présentent ce jeudi dans l'hémicycle deux textes sur les questions migratoires.

"On veut mettre le gouvernement face à ses contradictions. Ça devrait être plutôt facile, vu que Gérald Darmanin dit tout et son contraire. La fermeté, c'est nous", nous affirme le député LR Philippe Juvin.

Haro sur l'accord migratoire entre la France et l'Algérie

Alors que Les Républicains avaient toute latitude pour mettre les sujets de leur choix sur la table de 9h à minuit, décision a été prise de mettre tout en haut de la pile les questions migratoires - tout un symbole après des mois d'hésitations de la majorité sur cette réforme.

Au menu pour commencer: une proposition de résolution pour mettre fin à l'accord entre l'Algérie et Paris. Ce traité signé en 1968, six ans après l'indépendance du pays, a créé un statut unique pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi.

Très concrètement, le regroupement familial est facilité comme l'accès à certaines professions tout en étant plus restrictifs sur les visas étudiants. 600.000 titres de séjours à des ressortissants algériens ont été accordés en 2022.

"Tout ce qu'on fait sur la loi immigration ne concerne pas les Algériens"

Dans une longue interview à L'Express à l'été dernier, Édouard Philippe avait appelé à mettre fin à cette particularité, directement liée à l'histoire coloniale entre Paris et Alger. Les députés Horizons ont d'ailleurs annoncé vouloir voter en faveur de cette résolution, ce qui a sérieusement agacé Emmanuel Macron.

"Je n'avais pas compris que la politique étrangère de la France était définie au Parlement", a grincé le chef de l'État mercredi en Conseil des ministres. De quoi donner un sérieux argument à la droite.

"Tout ce qu’on fait sur la loi immigration ne concerne pas les Algériens car ils ont un droit dérogatoire", dénonce ainsi le député Pierre-Henri Dumont qui voit là une occasion de dénoncer "les ambivalences du gouvernement".

La réforme de la Constitution, "l'alpha et l'oméga" des questions migratoires

Mais c'est surtout le plat de résistance qui est attendu avec gourmandise par les députés de droite: celui d'une proposition de loi constitutionnelle. Elle cherche à étendre au champ du référendum les questions d'immigration. Autant dire que même en cas de vote favorable, il faudrait au moins plusieurs mois pour organiser une éventuelle grande consultation des Français.

Cette proposition de loi veut aussi permettre de déroger aux accords internationaux ou au droit européen. Impossible par exemple de ne pas respecter les dispositions des accords de Schengen en l'état actuel des textes.

"Nous, on veut permettre aux Français de pouvoir dire là où ils souhaitent que la France aille sur l'immigration. On refuse les mesurettes. La Constitution, c'est l'alpha et l'oméga de cette bataille", assure le député Philippe Gosselin.

"Il y a une façon de faire"

Le projet de loi immigration qui sera en débat dans trois jours adopte, lui, une autre philosophie, au grand dam des députés LR.

Dans sa version initiale, considérablement durcie par le Sénat avant de revenir à une copie plus proche en commission des lois au Sénat, ce texte défend deux objectifs. Il veut faciliter les expulsions tout en régularisant les travailleurs sans-papiers dans les secteurs des métiers en tension comme le BTP, la restauration ou l'aide à la personne.

"C'est vrai qu'on peut résoudre à la marge un certain nombre de problèmes (avec cette loi) mais pour véritablement réduire l'immigration, il faut forcément aller vers un changement de la Constitution", insiste néanmoins la députée LR Annie Genevard, secrétaire générale du parti.

Une éventuelle adoption de la proposition constitutionnelle des LR reste cependant très peu probable. Elle a d'ailleurs été rejetée en commission des lois dans une ambiance tendue.

"Éviter de se fâcher" avant les débats lundi

Mais la droite espère bien que la majorité présidentielle saura prendre des gants et arrondir les angles.

"On sait très bien que la majorité ne va pas voter pour, mais il y a une façon de faire", souligne le député LR Stéphane Viry, qui a signé avec 16 de ses collègues un appel à être "constructif" avec Gérald Darmanin et son texte sur l'immigration.

"On va rejeter cette proposition de référendum, c'est certain. Mais en effet, je comprends que ça va donner le ton des prochains débats et que si on peut éviter de se fâcher avant de rentrer dans le dur de la loi immigration, c'est mieux", reconnaît un député Renaissance.

Sans guère espérer de miracle. En l'état actuel du projet de loi immigration, la droite refuse de le voter, sans manifester pour l'instant de regrets.

"On ne pourra pas nous dire qu'on refuse de tendre la main au gouvernement. Au contraire, on aura montrer qu'on fait tout ce qu'on peut de notre côté pour limiter l'immigration. Le reste n'est pas de notre ressort", assène ainsi le député Philippe Juvin.

Article original publié sur BFMTV.com