"99% des patientes viennent d'un autre État": le périple des Américaines qui veulent avorter

Alors que l'avortement est devenu illégal dans un tiers des États du pays, les cliniques frontalières sont devenues prises d'assaut par des patientes parfois contraintes à plusieurs heures de route.

Un thème clivant à quatre mois de la présidentielle américaine. Alors que ce jeudi 27 juin doit se tenir un premier débat à couteaux tirés entre Donald Trump et Joe Biden, le thème de l'avortement s'annonce central entre le républicain et le démocrate.

Le 24 juin 2022, la Cour suprême a annulé son arrêt qui garantissait le droit fédéral des Américaines à avorter, rendant à chaque Etat sa liberté de légiférer sur la question. Une décision permise par les récentes nominations de juges conservateurs par Donald Trump.

La décision polémique de la haute cour a eu des conséquences directes sur le quotidien des femmes souhaitant avorter. Depuis deux ans, ces dernières sont parfois contraintes de parcourir des milliers de kilomètres afin de se rendre à des cliniques frontalières de leur État.

BFMTV s'est rendu à Bristol, une ville à cheval entre le Tennessee, où l'avortement est maintenant prohibé, et la Virginie, où il reste légal et pratiqué. Rien que pour l'année 2024, la Bristol Women’s Health prévoit d'accueillir 2.000 patientes, un chiffre en constante augmentation.

"La plupart de nos patientes doivent faire deux à trois heures de route, certaines de 12 à 14 heures. 99% des patientes que je vois ici sont originaires d’un autre état que la Virginie", confirme à notre caméra Karolina Ogorek, directrice de l'établissement.

De plus, les femmes qui prennent rendez-vous dans cette clinique afin d'avorter sont également soumises à la pression de militants anti-avortement, qui militent à proximité.

"Je viens ici entre deux et quatre jours par semaine. Je viens ici pour plaider auprès des femmes, de ce qui les amène, pour qu’ils ne prennent pas la vie d’un enfant", dit, encore à BFMTV Debra Mehaffey. "Dieu a gravé ses principes dans votre cœur, vous savez que c’est mal", crie-t-elle à une patiente qui pénètre les lieux.

Dès le lendemain du 24 juin 2022, de premiers États ont interdit les interruptions de grossesse sur leur sol, forçant des cliniques à fermer en urgence ou à déménager sur des terres plus accueillantes.

Depuis, le pays est fracturé entre la vingtaine d'États ayant décrété des interdits ou de fortes restrictions, principalement situés dans le Sud et le centre, et ceux des côtes, qui ont adopté de nouvelles protections.

La décision du temple américain du droit a aussi eu de profondes répercussions politiques: depuis l'arrêt de la Cour, les conservateurs ont perdu quasiment chaque référendum ou scrutin qui évoquait la question de l'avortement. Et ce, même dans des États qui leur sont d'habitude largement acquis, comme l'Ohio, l'Alabama ou le Kansas.

Au cours des deux dernières années, "le mouvement pro-avortement a découvert que les Américains se souciaient bien plus de ce droit qu'ils ne l'avaient anticipé", relève la professeure Mary Ziegler de l'Université de Californie, Davis. "Et donc ils essaient de tirer parti de cette situation par le biais d'initiatives électorales", explique-t-elle à l'AFP.

Les démocrates capitalisent sur ce dossier brûlant, espérant ainsi capter de précieuses voix, notamment chez les femmes et les jeunes, pour la présidentielle de novembre.

Le président Joe Biden, un catholique pratiquant longtemps frileux sur la question, est lui-même devenu un champion du droit à l'avortement, ce qui lui vaut d'être soutenu par plusieurs organisations de planning familial dans sa campagne pour un second mandat.

Article original publié sur BFMTV.com