Élection américaine: pourquoi le débat entre Joe Biden et Donald Trump ne ressemble à aucun autre

Un choc que de nombreux Américains attendent. Après avoir passé plusieurs mois à s'invectiver par médias et réseaux sociaux interposés, Donald Trump et Joe Biden vont se retrouver face à face, ce jeudi 27 juin sur le plateau de la chaîne CNN, pour la première fois depuis les débats de 2020.

Au coude-à-coude dans les sondages, le républicain et le démocrate jouent gros dans cet événement inédit à plus d'un titre. L'affiche, d'abord, est exceptionnelle: pour la première fois de l'histoire américaine, un débat présidentiel met en scène un président en exercice et un ancien chef d'État.

La Commission des débats présidentiels snobée

Le timing ensuite, détone. Les deux candidats s'affrontent dès l'été, avant même d'avoir été officiellement investis par leurs partis respectifs. D’ordinaire, les prétendants à la Maison-Blanche attendent l'automne pour débattre, comme le prévoit la Commission des débats présidentiels.

Cet organisme indépendant organise de manière très codifiée les duels télévisés entre candidats à la Maison-Blanche depuis 1987. Quatre débats sont habituellement prévus, dont un entre les candidats à la vice-présidence.

Mais cette année, Donald Trump et Joe Biden ont pour la première fois rompu avec cette tradition. Les deux équipes de campagne ont préféré négocier entre elles pour s'accorder sur le choix du média, la date et les conditions des échanges.

Micros coupés, pas de public...

Concrètement, le débat se déroulera à partir de 21 heures (3h dans la nuit de jeudi à vendredi, heure française) dans les studios de CNN à Atlanta, sans public. Les deux candidats échangeront pendant 90 minutes. Ils se tiendront derrière un pupitre, et chacun verra son micro coupé quand l'autre prendra la parole. De quoi éviter la cacophonie qui avait dominé le premier duel télévisé de la précédente présidentielle. Face à Donald Trump, qui ne cessait d'interrompre son challenger, Joe Biden avait fini par lui lancer: "Tu vas la fermer, mec ?".

Le président américain a remporté un tirage au sort lui permettant de choisir de quel côté il se tiendrait sur le plateau et s'il souhaitait intervenir en premier ou en second lors des déclarations finales. Il a opté pour se tenir à droite sur l'écran, laissant le choix à Donald Trump d'intervenir en dernier et donc de clore le débat.

Les deux débatteurs n'auront ni prompteurs, ni fiches préparées, mais auront de quoi prendre des notes ainsi qu'une bouteille d'eau. Ils ne pourront pas s'entretenir avec leurs équipes pendant les deux interruptions publicitaires.

L'échange sera animé par Jake Tapper et Dana Bash, des figures de CNN. Les deux journalistes "utiliseront tous les outils à leur disposition pour faire respecter les temps de parole et assurer un débat civilisé", assure la chaîne.

CNN a autorisé ses rivales à diffuser en simultané, avec un logo de la chaîne et sans commentaires extérieurs. Les habitués de Fox News n'auront donc pas à zapper. La chaîne préférée des conservateurs prendra l'antenne deux heures avant le débat, avec ses éditorialistes Jesse Watters ou Sean Hannity, qui s'en prennent régulièrement à CNN, jugée "anti-Trump" par ses partisans.

Une organisation favorable à Biden?

Les conditions du débat semblent à l'avantage de Joe Biden, qui a tout à gagner d'un débat argument contre argument, sans invectives. Et ses exigences ont été satisfaites. Selon Politico, c'est l'équipe du dirigeant démocrate qui a exigé l'absence de public, craignant qu'un brouhaha ne perturbe son candidat de 81 ans.

En face de lui, le très fougueux Donald Trump sera obligé de s'en tenir au cadre. "Ce ne sera pas évident pour lui. Donald Trump aime casser les codes, il n'aime pas être contraint. Il est bien plus à l'aise dans de grands meetings où il peut haranguer la foule", explique à BFMTV.com Olivier Richomme, professeur de civilisation américaine à l’université Lumière Lyon-2.

Pour Thierry Arnaud, éditiorialiste à BFMTV et ancien correspondant aux États-Unis, Joe Biden a effectivement une carte à jouer. "Comme il est très critiqué sur son âge, il suffit qu'il arrive à tenir tête à Donald Trump pendant 90 minutes pour qu'on salue la performance. À l'inverse, si Donald Trump ne parvient pas à écraser Joe Biden comme il a promis de le faire, il y aura une déception", décrypte-t-il dans notre podcast Washington Briefing.

Immigration, IVG, pouvoir d'achat, soutien à l'Ukraine, déboires judiciaires de Donald Trump... Les deux candidats ne manquent pas de sujets sur lesquels se confronter. De quoi permettre aux électeurs de trancher? Selon Olivier Richomme, ce débat peut être décisif pour "convaincre les indécis, particulièrement dans les swing states (États clés, NDLR) où quelques milliers de voix peuvent faire basculer l'élection".

L'échange devrait en tout cas être massivement suivi. 84 millions de téléspectateurs étaient au rendez-vous pour le premier duel entre Hillary Clinton et Donald Trump, un record, et 73 millions pour le premier débat Biden-Trump en 2020.

Article original publié sur BFMTV.com