Pour Zar Amir Ebrahimi, l’Iran vit « une révolution sans marche arrière »

IRAN - Il y a quinze ans, elle a dû fuir son pays pour échapper à la prison et aux coups de fouet. Aujourd’hui, c’est depuis la France qu’elle observe et soutient le vent de révolte qui souffle sur l’Iran suite à la mort de Mahsa Amini en septembre 2022. Zar Amir Ebrahimi en est convaincue : c’est une véritable révolution qui est en marche.

L’actrice iranienne naturalisée française s’est confiée au HuffPost sur son combat et ses espoirs pour l’Iran, à l’occasion de la sortie du documentaire Sept hivers à Téhéran, dans lequel elle prête sa voix à une jeune femme condamnée à mort.

« C’est vraiment une page qui a été tournée ces derniers mois. Et il n’y a pas de marche en arrière », nous dit-elle dans la vidéo en tête d’article, « On a besoin de reconstruire un pays qui est complètement détruit, mais ça va arriver. Je vois un bel avenir pour les enfants iraniens ».

Les femmes au front de la révolution

Cette nouvelle page de l’histoire, Zar Amir Ebrahimi l’attendait. Après avoir reçu le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en mai 2022, elle avait même prédit que s’il devait y avoir un jour une nouvelle révolution en Iran, « elle serait féminine ».

« Ça faisait quand même un bon moment que je sentais qu’il allait se passer quelque chose avec les femmes », explique-t-elle. « Quand on voit la génération, les filles assez courageuses qui laissent tomber leur voile... moi ma génération, on avait beaucoup plus peur. On ne faisait jamais ça », se rappelle l’actrice de 41 ans.

En plus de la témérité des Iraniennes, quelque chose d’autre a changé depuis la mort de Mahsa Amini : elles ne se battent plus seules. « Dès le début, c’était déjà une révolution parce que même les hommes sont sortis pour défendre les femmes. Et ça, c’est quelque chose de vraiment nouveau », souligne Zar Amir Ebrahimi.

Pour celle qui a connu une époque où certaines Iraniennes refusaient de remettre en cause le port du voile, « si on est tous là, au rendez-vous, pour défendre une fille qui a été tuée pour ne pas avoir mis son hijab “proprement”, comme le dit le gouvernement, c’est une révolution ».

Activiste sans frontière

L’actrice ne peut pas rentrer en Iran sans risquer sa vie, mais elle milite activement sur les réseaux sociaux et à travers ses rôles, toujours très engagés. « Parfois je me demande si ce combat que l’on mène hors d’Iran sert à quelque chose, si l’on n’est pas déconnectés », confie-t-elle, soucieuse. « Mais je pense qu’avec cette révolution, on a un rôle beaucoup plus important qu’avant ».

Elle sent que dans son pays natal, les gens comptent sur « les acteurs, les artistes, les politiciens, les activistes, les journalistes, tous ces gens qui ont été obligés de quitter l’Iran » et s’étonne même que la République islamique n’ait « pas du tout pensé à ça ».

Quand elle a fui l’Iran en 2008, elle a eu « le sentiment qu’ils m’ont laissée partir, ils ne voulaient pas que je reste parce qu’ils savaient que je ne resterai pas silencieuse ». Les Iraniens qui ont pu fuir à l’époque forment une diaspora importante en Europe et aux États-Unis. « On a réussi à créer cette communauté forte qui peut se battre contre le système de dictature ».

Aujourd’hui, la situation est très différente, le gouvernement iranien confisque les passeports, emprisonne les artistes et renforce sa politique de terreur. Mais la lutte continue : « c’est vrai qu’on voit moins de manifestations parce que pas mal de gens ont été arrêtés, des filles ont perdu leur œil. Mais cette révolution reste encore sous la peau des gens ».

Ne pas laisser les Iraniens tomber dans l’oubli

Malgré les violences, les Iraniens poursuivent leur combat pour la liberté. Zar Amir Ebrahimi appelle, elle, la communauté internationale à ne pas relâcher son soutien : « C’est important qu’on continue de se battre et d’être présents, pour ne pas laisser les Iraniens tomber dans l’oubli. »

Quelques semaines après la mort de Mahsa Amini,  la Place de la Republique était noire de monde en soutien aux Iraniens. Zar Amir Ebrahimi appelle la communauté internationale à ne pas relâcher cet engagement.
Quelques semaines après la mort de Mahsa Amini, la Place de la Republique était noire de monde en soutien aux Iraniens. Zar Amir Ebrahimi appelle la communauté internationale à ne pas relâcher cet engagement.

Elle craint que ce combat quotidien ne s’éreinte, et qu’il se passe « ce qu’il s’est passé avec l’Afghanistan ». « Il ne faut pas », martèle-t-elle. « Il faut rester vigilants et il faut aider les Iraniens, les Afghans, tous ces gens du Moyen-Orient, à rester debout, parce que ça va quand même détruire le monde entier ». 

Et aux gouvernements qui ne se positionnent pas fermement à cause des enjeux économiques et politiques avec l’Iran, Zar Amir Ebrahimi n’a qu’une chose à dire : « Peut-être que pour les gens aujourd’hui, l’argent, l’accord nucléaire, tout ça est beaucoup plus important. Mais ma question est toujours : comment pouvez-vous compter sur la signature d’un gouvernement qui tue ses enfants ? »

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