Xénotransplantation : quels organes d’animaux peuvent être greffés sur l’homme ?

Des médecins américains ont réussi à transplanter un rein de porc génétiquement modifié, toujours fonctionnel après un mois. Un record.

Les premiers essais de xénotransplatation remontent au début des années 1960 (crédit : getty image)
Les premiers essais de xénotransplatation remontent au début des années 1960 (crédit : getty image)

C’est une première qui fait grand bruit. Des chercheurs de l’hôpital Langone de New York, aux États-Unis, sont parvenus à greffer un rein de porc génétiquement modifié sur un humain en état de mort cérébrale. Il a continué de fonctionner 32 jours après la transplantation. Une prouesse scientifique rendue possible grâce à la collaboration des chercheurs de l’Inserm notamment.

Ce n’est pas la première fois qu’une xénogreffe est réalisée dans le monde. Cet acte chirurgical, interdit par les lois de bioéthique en France, consiste à transplanter à un patient un greffon sain provenant d’une espèce biologique différente de celle du receveur. En janvier 2022, un Américain de 57 ans atteint d’une insuffisance cardiaque au stade terminal et d’une arythmie a reçu une greffe de cœur de porc génétiquement modifié. Si l’opération a été un succès, l’homme est toutefois mort deux mois après l’opération.

Les essais de xénogreffe se sont multipliés ces dernières années pour faire face à la pénurie d’organes. Rien qu’en France, 10 810 patients sont sur liste d'attente active d’une greffe tous organes confondus au 1er janvier 2023, note l’Agence de biomédecine. Mais où en est la recherche et quels sont les organes d’animaux qui ont déjà fait l’objet d’une greffe sur l’Homme ?

Les premiers essais sur le chimpanzé

En matière de xénogreffe, les premiers essais remontent aux débuts des années 1960. Des reins de chimpanzés ont été greffés à six patients souffrant d’insuffisance rénale au stade terminal. Une femme de 23 ans a vécu neuf mois avec en 1964, note l’Inserm. Un autre patient a reçu un coeur de chimpanzé la même année aux États-unis, mais il est décédé deux heures plus tard. Plus tard, en 1984, un bébé surnommé Baby Fae a également été greffé d’un coeur d’une jeune femelle babouin, avant de mourir 21 jours plus tard.

Le principal risque lors d’une xénotransplantation est le rejet de l’organe greffé par l'organisme, comme lors d’une greffe d’un organe humain. Pour pallier ce risque, les recherches se sont concentrées sur des organes de porc génétiquement modifiés de façon à éliminer des caractéristiques indésirables. Les scientifiques sont ainsi parvenus à supprimer l’expression de certains antigènes à la surface de cellules porcines reconnues comme étrangères par l’organisme et entraînant une forte réaction du système immunitaire et la destruction de l’organe greffé.

Le porc génétiquement modifié privilégié

Pourquoi s’intéresser davantage aux organes des porcs que ceux des singes ? Parce qu’ils se rapprochent davantage de la taille de ceux d’un humain d’une part et qu’il est plus facile de les modifier génétiquement. Les portées porcines sont plus nombreuses et l’animal peut se reproduire plus tôt. En théorie, "on pourrait utiliser d’autres animaux", explique au Parisien le Dr Léo Bühler, spécialiste du sujet, "mais cela coûterait encore plus cher". Beaucoup d’argent a en effet déjà été investi dans les recherches porcines.

Grâce aux essais menés, les chercheurs peuvent mieux identifier les mécanismes qui conduisent au décès des patients. Le décès du patient mort en janvier après la greffe d’un cœur de porc génétiquement modifié pourrait être lié à la présence d’un virus porcin dans le cœur de l’animal, le cytomégalovirus porcin, qui n’aurait pas été détecté avant la transplantation et aurait provoqué un syndrome inflammatoire généralisé. Si l’hypothèse venait à se confirmer, "un contrôle plus rigoureux des greffons avant leur transplantation” pourrait techniquement faire durer la greffe plus longtemps, relève l’inserm.

Autre limite : la xénotransplantation comporte un risque de zoonose, soit la transmission de maladie infectieuse de l’animal à l’humain qu'il faut également prendre en compte. Et même si des solutions médicales sont trouvées à ces problématiques, la xénogreffe va se heurter à des questions juridiques, éthiques et de réticences des patients avant de supplanter la transplantation traditionnelle.

VIDÉO - Le premier patient greffé avec un coeur de porc meurt deux mois après son opération