Vigilance autour de l’Ukraine, hooliganisme, conséquence sur les JO de Paris… la sécurité "priorité absolue" de l'Euro 2024 en Allemagne

Une compétition en plein cœur de l’Europe. A quelques semaines des Jeux olympiques de Paris 2024, la grande messe du football débute ce vendredi soir en Allemagne. Pour faire face aux millions de supporteurs et de visiteurs attendus dans les dix villes hôtes, le ministère de l’Intérieur allemand a déployé un dispositif de sécurité impressionnant. "Pour moi, la sécurité est la priorité absolue", répète à longueur d’interviews Nancy Faeser, ministre fédérale de l'Intérieur et ministre des Sports. L’enjeu est immense avec plus de douze millions de personnes attendues dans les fans zones et cinquante-et-un matchs à sécuriser sur tout le territoire. Selon nos informations, les autorités françaises regarderont avec attention l’organisation et les potentiels événements qui pourraient survenir sur le territoire allemand pendant la compétition. En cas de menaces ou d’incidents, des mesures pourraient en découler pour l’organisation des Jeux olympiques à Paris.

Plusieurs "cas sensibles" identifiés

Plusieurs craintes sont identifiées par les autorités allemandes pour cette compétition. La menace terroriste est toujours très forte en Allemagne, des événements récents ont montré que le pays pouvait faire face à des attaques. Plusieurs autres "cas sensibles" sont identifiés par les services: le hooliganisme, la désinformation, une catastrophe naturelle ou encore la gestion des matchs de l’Ukraine. Les multiples réunions du Comité national de coordination du Championnat d'Europe de football ont permis d’établir l’ensemble des mesures à appliquer pour permettre une fête dans des conditions optimales.

Pour gérer l’ensemble des troupes sur le terrain, un QG baptisé "Centre international de coopération policière" a été installé à Neuss, en Rhénanie du Nord-Westphalie. Ce centre stratégique regroupe l’ensemble des "agents de liaison internationaux qui assurent l'échange d'informations, coordonnent le déploiement des délégations internationales de toute l'Europe et évaluent les informations relatives au tournoi et à la sécurité du tournoi", fait-on savoir au comité d’organisation du tournoi. Comme pour les JO en France, une partie des policiers n’auront pas le droit à des vacances pendant la durée de la compétition.

"On aura une grande vigilance sur cette compétition"

Et dans cette organisation sécuritaire, l’Allemagne pourra s’appuyer sur la Division nationale de lutte contre le hooliganisme pour la partie française. Les dix agents de la fameuse DNLH seront présents sur le terrain aux côtés des supporters de l’équipe de France. Deux d’entre eux seront spécialement dédiés au Centre international de coopération policière. "La DNLH suit plus particulièrement les supporteurs de l'équipe de France, elle les accompagne à l'occasion des grandes compétitions", faisait savoir le commissaire et chef de la DNLH, Thibaut Delaunay, lors d’une interview accordée à RMC Sport en mars. "À la fois pour détecter éventuellement des profils à risque au sein même des supporteurs français. Fort heureusement, l'équipe de France est suivie par un public plutôt familial, un public d'amoureux du football qui n'a pas d'attrait pour la violence. Et c'est tant mieux".

Et d’ajouter: "Cet Euro en Allemagne a cette particularité que c'est la première grande compétition depuis le Covid, j'en reviens toujours au Covid, mais c'est un peu notre marqueur. C'est la première grande compétition où tous les supporteurs à risque des pays européens vont pouvoir se retrouver. C'est un pays qui est central en Europe, ça va être le carrefour de l'Europe. Tous les supporteurs des nations engagées vont se regrouper, voire peut être des supporteurs de nations qui ne seront pas qualifiées pour l'Euro, mais qui voudront soit participer à la fête, soit venir troubler la fête. On aura une grande vigilance sur cette compétition. Elle présente une sensibilité très particulière du fait aussi des pays qui sont engagés dans cette compétition. Maintenant, pour la très grande majorité, les équipes nationales ne sont pas suivies par des supporters avec des niveaux de risques élevés." Les contrôles seront aussi renforcés aux frontières avec la France et dans les trains en provenance de Paris.

Des regroupements de hooligans dans les villes hôtes?

C’est l’une des craintes de l’organisation et des policiers spécialisés. L’Allemagne, positionnée au centre de l’Europe, est un endroit parfait pour le regroupement des hooligans en marge des rencontres. Sur les groupes Telegram, plusieurs représentants, notamment des pays de l’Est, appellent à des rassemblements ou des "fights" lors de cet Euro en Allemagne. Toutes les informations à ce sujet transitent par le QG des forces de l’ordre à Neuss.

Le match entre l’Angleterre et la Serbie, programmé ce dimanche (21h), est l’un des premiers gros tests pour l’organisation. Les policiers allemands, dans un dispositif renforcé, seront présents en nombre autour de cette rencontre. Le match entre la Roumanie et l’Ukraine est aussi l’un des enjeux des premiers jours de la compétition. Autour de 1.000 forces de l’ordre sont mobilisées pour une rencontre du championnat d’Europe avec plusieurs périmètres de sécurité instaurés aux abords des dix enceintes.

Faire face à la désinformation

Sur cette organisation en Allemagne, l’UEFA est très rassurante. "On est sur une organisation exceptionnelle en Allemagne et la coordination entre tous les acteurs pour garantir un niveau de sécurité optimal est fantastique", fait savoir un responsable de l’instance présent outre-Rhin à quatre jours du début de l’Euro 2024. Même si les cyberattaques et la désinformation en provenance de la Russie inquiètent grandement les responsables de l’UEFA croisés à Munich. "Il faudra être très vigilant sur ces aspects, ça peut impacter le tournoi", conclut l’un d’entre eux. Le tournoi fait face aux mêmes problèmes que ceux connus par l’organisation des Jeux Olympiques depuis plusieurs mois.

Ces dernières semaines, les autorités allemandes ont aussi sensibilisé, à plusieurs reprises, les acteurs du tournoi avec un "guide informatique" afin de prévenir les éventuelles cyberattaques liées à l’organisation de la compétition. Par rapport à la Coupe du monde à domicile en 2006, les menaces ont évolué. La priorité reste de protéger le système de billetterie en ligne. C’est l'Office fédéral de la sécurité de l'information qui a la charge de cette partie capitale dans une grande compétition, en particulier avec la présence de plusieurs nations comme l’Ukraine et la Géorgie.

Vigilance maximale autour de l’Ukraine

C’est l’un des points importants de cette organisation. La présence de l’équipe nationale d’Ukraine sur le territoire allemand augmente le niveau de vigilance. Selon plusieurs interlocuteurs, l’équipe ukrainienne va bénéficier d’une protection "particulière et renforcée" pour la durée du tournoi. Pendant la compétition, plusieurs milliers de supporteurs ukrainiens sont attendus pour les trois matchs de l’équipe à Munich, Düsseldorf et Stuttgart. La rencontre face à la Roumanie, lundi prochain à Munich, voit son dispositif de sécurité renforcé.

"A ma connaissance, l’Ukraine a vendu l’intégralité de ses billets pour la phase de groupes", affirme Ronan Evain, Directeur exécutif de Football Supporters Europe. "L’Ukraine dispose d’une communauté importante en Allemagne. Des responsables de groupes de supporteurs ont aussi l’autorisation de faire le voyage depuis l’Ukraine. Malgré les contraintes, notamment logistiques, la fédération a mis en place une politique assez ambitieuse de relation avec ses supporters. Ils seront très bien représentés." L’UEFA devra aussi faire face aux messages politiques autour de ces rencontres notamment sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie mais aussi au sujet du conflit israélo-palestinien.

"C'est un tournoi qui va être assez particulier en termes de tensions politiques", poursuit le responsable de la FASE. "On est sur un contexte tout à fait spécifique et il me semble assez inédit, du moins sur les tournois modernes. Il faut que les supporteurs ukrainiens ou géorgiens notamment, soient capables d'exprimer leurs opinions sur la situation de leur pays d'origine tout cela dans le cadre légal allemand et dans les limites du cadre réglementaire de l’UEFA. Il est important que les supporteurs puissent s'exprimer. Ça fait partie des engagements de ce tournoi sur les droits humains." Rarement un Euro aura connu une situation géopolitique aussi tendue.

Article original publié sur RMC Sport