Ukraine : encerclée et bombardée, Severodonetsk en passe de devenir la "nouvelle Marioupol" ?

Encerclée par les Russes, cette ville du Donbass, dernière poche de résistance dans la région de Lougansk, à l'est de l'Ukraine, subit des bombardements quotidiens qui ont déjà détruit la majeure partie de ses infrastructures.

Les forces russes ont progressé ce lundi vers le centre de Severodonetsk, ville située dans la région de Lougansk (Donbass), encerclée et pilonnée depuis des semaines, où se déroulent désormais des combats de rue, a annoncé le gouverneur de la région Serguiï Gaïdaï. "Les Russes avancent vers le milieu de Severodonetsk. Les combats se poursuivent, la situation est très difficile", a-t-il indiqué sur Telegram.

Depuis le début du conflit fin février, près de 90% de la population a quitté cette ville où 60% des logements ont été détruits par les bombardements.

• En quoi Severodonetsk est une ville-clé pour les Russes

La prise de cette ville, une des dernières poches de résistance dans la région, est stratégique pour l'armée russe qui s'est repliée depuis plusieurs semaines sur l'Est du pays et veut réussir à contrôler tout le Donbass. "Les Russes jettent tous leurs efforts pour capturer Severodonetsk", déclarait la semaine dernière Serguiï Gaïdaï.

"Les forces russes mettent la priorité sur des avancées à l'est et à l'ouest de Popasna afin de couper les lignes de communications terrestres des forces ukrainiennes au sud-ouest de Severodonetsk et achever l'encerclement de la région de Lougansk", constatait l’Institut pour l'étude de la guerre (ISW), basé aux Etats-Unis, la semaine dernière.

Moscou s'attaque aussi à la ville jumelle de Severodonetsk, Lyssytchansk. Avec la dernière route sortant de Lyssytchansk devenue champ de bataille, les Russes sont sur le point de bloquer l'accès aux deux villes, ce qui leur permettrait de poursuivre leur offensive plus vers l'ouest. Le seul lien restant à ces territoires avec le reste de l'Ukraine est actuellement une route de campagne poussiéreuse, que même les chars ou des camions militaires équipés de pneus géants peinent à emprunter.

Ce week-end, les forces russes se sont approchées de la ville de Soledar, or "la prise de Soledar, puis celle de Siversk depuis Ozerne au Nord, suffirait à couper Severodonetsk-Lysychansk de toute communication. Les neuf brigades et régiments ukrainiens, soit 1/6ème environ de la force opérationnelle terrestre ukrainienne, se trouveraient ainsi prises au piège", fait valoir l'historien Michel Goya auprès de l'AFP.

Pourquoi est-elle comparée à Marioupol ?

"Nous sommes comme Marioupol", a comparé mardi le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï. Le sort de Severodonetsk ressemble en effet à celui de ce grand port du Sud-Est qui présente aujourd'hui un paysage apocalyptique après plusieurs semaines de siège de l'armée russe.

Comme à Marioupol, Moscou a en effet concentré une grande partie de ses forces sur la prise de cette ville, "comme si la prendre ferait gagner la guerre au Kremlin", écrit l'ISW.

De plus, à Severodonetsk aussi, des habitants se sont réfugiés dans une usine, l'usine Azot, visée par des bombes de l'armée russe, selon les autorités ukrainiennes. A Marioupol, les évacuations au compte-goutte des civils de l'immense usine Azovstal avaient été au coeur des négociations pendant des semaines.

Quelle est la situation des habitants sur place?

D'après les autorités ukrainiennes, sur les 100.000 habitants que comptait la ville avant la guerre, moins de 15.000 sont encore présents, et subissent les bombardements. Dimanche Roman Vlasenko, chef du district de Severodonetsk, a déclaré sur BFMTV que six personnes avaient trouvé la mort dans des frappes russes sur la ville dans les dernières 24 heures. "Nous avons beaucoup de morts", dit-il.

Et ceux qui restent connaissent des conditions de vie difficiles, bien que de l'aide humanitaire parvienne à passer selon les autorités locales.

"Depuis deux semaines nous n'avons plus d'électricité et plus d'eau chaude, nous essayons de tout faire pour refaire fonctionner les services urbains mais c'est difficile", déclarait vendredi sur BFMTV Olexander Stryuk, maire de la ville. De plus "il y a un déficit d'eau potable dans la ville, c'est un problème grave que nous devons résoudre". Enfin, "l'état psychologique des personnes est tel qu'ils ne remarquent plus ce qu'il se passe, c'est un état extrêmement grave."

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie de mener un "génocide" dans le Donbass, dans son adresse vidéo jeudi soir. "L'actuelle offensive des occupants dans le Donbass pourrait vider la région de ses habitants", a-t-il affirmé, accusant les envahisseurs de chercher à "réduire en cendres" Severodonetsk et d'autres villes de la région.

• Quels sont les dégâts dans la ville?

La ville "est tout simplement en train d'être détruite", déclarait la semaine dernière le gouverneur de la région. "Ils utilisent la tactique de la terre brûlée, ils détruisent délibérément la ville" avec des bombardements aériens, des lance-roquettes multiples, des mortiers et des chars.

"Toutes les infrastructures essentielles sont déjà détruites. 90% des habitations sont endommagées. Plus des deux tiers des habitations de la ville sont complètement détruites", a énuméré ce dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky, évoquant des "bombardements constants". A Severodonetsk, "60% du parc de logements a été détruit" par le pilonnage russe, alors que "85-90% des bâtiments de la ville ont été endommagés et nécessiteront une restauration majeure", estimait également vendredi Olexander Stryuk.

Avec cette situation difficile, cette nouvelle semaine "sera décisive" pour Severodonetsk, a assuré le gouverneur.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Guerre en Ukraine : le désespoir des habitants de Marioupol restés dans la ville